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contre-poison qu'il donnait à sa doctrine, c'est que le sage, en se livrant aux plaisirs des sens, ne s'en laisse pas dominer, mais qu'il les domine pour son bonheur. Aussi il disait : Il est vrai que j'aime Laïs et que je la possède; mais elle ne me possède pas 1.

Cette secte ne fut pas plus estimée qu'elle ne méritait de l'être, et il paraît par un passage d'Horace 2, qu'il était peu honorable d'en faire profession. Je retombe en cachette, dit-il, dans les préceptes d'Aristippe, et je táche de m'assujettir les plaisirs, sans devenir leur

esclave.

La fille d'Aristippe, nommée Arété, lui succéda. C'est la première fois que nous voyons une femme paraître dans les rangs de la philosophie.

La secte cyrénaïque fut divisée en trois branches, des Hégésiaques, des Annicériens et des Théodoriens. La secte des Hégésiaques fut formée par Hégésias de Cyrène, né en la quatrevingt-onzième Olympiade, vers l'an 416 avant Jésus-Christ. Il fut surnommé l'orateur de la mort, parce qu'il enseignait à ses disciples à se tuer pour le moindre dégoût qu'ils ressentaient de la vie; et comme les Hégésiaques mettaient souvent en pratique une doctrine si pernicieuse, Ptolémée, fils de Lagus, craignant qu'elle ne dépeuplât ses Etats, défendit à Hégésias d'enseigner 3.

Les Annicériens furent ainsi nommés d'Annicéris, leur chef, qui fit quelques changements peu importants à la doctrine d'Aristippe.

Théodore, surnommé l'Athée, donna son nom aux Théodoriens. Hégésias et Théodore enseignaient que le sage n'est fait que pour lui-même, et qu'il ne doit rien à sa patrie ni à la société.

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Amphicrate rapporte que Théodore fut condamné à mort par les Athéniens, et qu'il s'empoisonna. Il n'est étonnant que pas plus sensuelle de toutes les écoles ait produit les sectes les plus monstrueuses, qui déshonoraient la philosophie, en enseignant que le sage peut commettre toute sorte de crimes et renoncer à toute pudeur, dans les occasions favorables à ses intérêts, Cette morale abominable dérivait de la source impure des Cyrénaïques : ce qui fait dire à Cicéron que la secte d'Aristippe avait enfanté la débauche, et celle de Zénon une sévérité de mœurs outrée et sauvage *.

· ἔχω Λάϊδα, οὐκ ἔχομαι.

2 Nunc in Aristippi furtim præcepta relabor :
Et mihi res, non me rebus submittere conor.

Hor., lib. I, epist. 1.

3 Val. Max., lib. VIII, c. Ix. Cic., Tusc., lib. I. Asotos ex Aristippi, acerbos Zenonis schola prodire. (Cic., de Nat. Deor., lib. III.)

Les sectes Erétrique et de Mégare.

Phédon, disciple de Platon, fonda la secte érétrique. Ménedème, son successeur, qui avait fréquenté les écoles de Platon, de Cyrène et de Mégare, donna à cette secte le nom de sa patrie. Selon Cicéron, la maxime fondamentale de ces philosophes consistait à dire que le vrai bien a son siége dans l'âme, et dépend de la force du caractère. Cette doctrine renfermait en germe celle des Stoïciens, comme la morale d'Aristippe conduisait à celle d'Epicure.

La secte de Mégare fut fondée par Euclide, disciple de Socrate, qu'il ne faut pas confondre avec Euclide le mathématicien.

Cette école se rapproche beaucoup de celle d'Elée, sous le rapport des subtilités dialectiques imitées de Zénon.

« Le bien est seulement dans ce qui est un, et semblable, et le même, et toujours. » Telle est, selon Cicéron, la maxime fondamentale d'Euclide, qui respire tout ensemble l'esprit des doctrines éléatique et platonique.

Eubulide succéda à Euclide, et il fut l'inventeur des sept sophismes, dont les principaux ont été nommés le menteur, le sorite, l'asystase, l'électre, le masqué.

Stilpon perfectionna cet art puéril, et rejeta tout emploi des idées générales.

Cette école reçut le nom de contentieuse. La philosophie en était encore à imaginer des moyens pour le pugilat de l'esprit. Le goût de la dispute allait jusqu'à la fureur; et, au rapport de Diogène Laërce, Stilpon appelle Euclide le querelleur qui a inspiré aux Mégariens la rage de la dispute.

La secte des Cyniques.

Un autre disciple de Socrate, nommé Antisthène (404 avant Jésus-Christ), fonda cette secte. Il vendit tous ses biens et les distribua à ses concitoyens pour embrasser l'état d'une pauvreté libre et indépendante. Posant un principe contraire à celui d'Aristippe, il fit consister la vertu dans un triomphe persévérant sur tous les plaisirs des sens. Mais il était difficile que ces philosophes gardassent un sage milieu, soit en spéculation, soit en pratique. L'école des Cyniques se fit donc un honneur de braver tout ce qui lui raissait préjugé. Le nom de cyniques fut donné à ces hommes, soit

C. C.

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pa

à raison de la hardiesse avec laquelle ils aboyaient contre l'erreur et le vice, soit à raison de leur impudence.

Ils soutenaient que tout ce qui est naturel est bon en soi; que ce qui est bon ne doit inspirer aucune honte, et qu'ainsi, toute action conforme à la nature pouvait être commise indifféremment en public.

Aristote et Diogène Laerce attribuent à Antisthène cette maxime, que «rien n'est susceptible d'être contredit. » Ce qui semble le rapprocher du scepticisme.

Le plus fameux disciple de cette école fut Diogène le Cynique, né à Synope, en 413 avant Jésus-Christ. Il voulut pratiquer à la lettre les maximes morales de son maître, ce qui l'a rendu l'homme le plus bizarre de l'antiquité. On a prétendu que sa vie avait été la censure de tous les vices: mais il faut convenir qu'une telle censure, accompagnée des débauches les plus dégoûtantes, n'a pas les caractères de la vertu.

Monime, Onésicrate, Cratès et sa femme Hipparchia, Métroclès, Menippe et Menedème sont d'autres philosophes cyniques dont Diogène Laërce nous a raconté la vie.

Saint Augustin observe que de son temps il y avait encore des cyniques; mais qu'ils n'auraient pas osé impunément offenser les yeux du public par leur impudence. La morale chrétienne avait établi une décence sociale, inconnue aux peuples de l'antiquité.

Secte des Stoïciens.

L'école cynique vint se fondre dans le Portique. Zénon de Citium, ville de Chypre, en fut le chef. Jeté à Athènes par un naufrage, il devint d'abord disciple de Polémon, philosophe de l'ancienne Académie ; puis, il s'attacha à Cratès le Cynique, et fonda sa secte quelque temps après la mort d'Aristote. Dans l'ordre spéculatif, nous avons vu qu'il s'efforça de restaurer le dogmatisme en le fondant sur la perception compréhensive. Dans l'ordre moral, il s'empara du principe d'Antisthène, le dégagea des folies cyniques, et posa avec une hardiesse qui effraie l'humanité, le fondement de la vertu et du bonheur sur lapathie du sage. Cette conception vraiment grande lui fait honneur; mais la conséquence qui en résulte est une rigidité, une âpreté farouche de morale qui brise la nature humaine. Le courage de l'homme consiste, non à nier que la dou

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deur soit un mal, mais à supporter ce mal par l'effort d'une volonté courageuse. D'ailleurs, comme sa morale était fondée sur le mépris de la volupté, aussi bien que sur l'insensibilité dans les douleurs, ileût fallu offrir aux hommes un puissant appui pour qu'ils pus> sent s'élever jusque-là; et c'est ce que Zénon ne pouvait pas faire. - Quoi qu'il en soit, cette vigoureuse résistance à la mollesse des cœurs fat aine protestation solennelle en faveur de la dignité hus maine, et comme un jalon planté dans la route des siècles pour conduire les hommes aux nobles inspirations du christianisme.

Zénon ouvrit son école dans le Pocile, portique d'Athènes, dés coré par des peintures; c'est pourquoi on doi a donné le nom de storque ou de portique 1.

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En matière de religion, ce philosophe admettait un Dieu, qui était l'âme du monde. Le monde était son corps, et les deux ensemble formaient un animal parfait. Il recommaissait en toutes choses une nécessité inévitable, ce qui anéantit la différence ess sentielle entre le bien et de mal. Enfin, il posait en principe que toutes les fautes sont égales.

Cléantes, Chrysippe, Stilpon, Panctius, Caton, Sénèque, Thra→ séas, Poetus, Helvidius Priscus, Epictèté, les empereurs Mare-Aurèle et Antonin, ont été disciples de cette école. Nous avons dit ailleurs les combats que le Portique soutint contre les sceptiques de la seconde et de la troisième Académie.

Epictete, esclave né à Hierapolis, rabattit beaucoup de l'orgueil stoïcien, et orna cette secte d'une morale sublime par le commerce qu'il eut avec les chrétiens. It réduisit toute la philosophie à ces deux chefs, souffrir et s'abstenir. Son manuel passe pour le chefd'œuvre de la morale antique.

Secte des Pyrrhoniens.

Je renvoie le lecteur au coup d'œil sur le scepticisme, où j'ai suffisamment parlé de Pyrrhon et de sa secte.

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Après avoir parcouru les différentes sectes enfantées par l'école 'lonie, reprenons ce qui a rapport à celle d'Italie. Ces deux écoles

Du mot gree orà, qui signifie portique.

se développèrent parallèlement sur différents théâtres, et eurent ensemble des rapports d'affinité ou d'opposition que nous avons déjà plus d'une fois signalés. C'est pourquoi certains auteurs conduisent de front l'histoire de l'une et de l'autre, qu'ils divisent en périodes, afin de grouper sous chacune d'elles ce qu'ils trouvent de remarquable des deux côtés. Cette méthode a l'avantage de dérouler sous un seul coup d'œil la suite des idées philosophiques dans les différents pays. J'ai toutefois préféré suivre l'ancienne division qui établit d'une manière plus distincte la filiation des sectes et facilite le souvenir en fixant l'imagination sur le théâtre où chaque école s'est développée.

L'école d'Italie remonte presque à la même époque que celle d'Ionie. Pythagore, qui en fut le fondateur, connut Thalès dans sa jeunesse, et il en reçut le conseil de voyager en Egypte. Ce philosophe naquit à Samos vers l'an 600 avant Jésus-Christ. D'abord athlète, il devint philosophe, lorsqu'il eut entendu Phérécide discourir sur l'immortalité de l'âme. Il parcourut l'Egypte, la Chaldée, l'Asie Mineure, l'Ethiopie, l'Arabie, et pénétra jusque dans les Indes; puis, après un court séjour à Samos, il alla s'établir dans la partie d'Italie nommée la Grande Grèce, habitant successivement à Héraclée, à Tarente, et surtout à Crotone chez l'athlète Milon. Enrichi des traditions qu'il avait recueillies de toutes parts, et probablement des idées qu'il avait puisées dans les saintes Ecritures durant le séjour qu'il fit avec les Juifs à Babylone, il se mit à philosopher, et réunit bientôt une foule de disciples autour de lui.

Une obscurité mystérieuse couvre le berceau de cette philosophie, présentée sous des symboles dont Pythagore se réservait le secret pour le communiquer seulement à quelques adeptes choisis. C'est donc seulement par la doctrine des disciples qu'on peut connaître celle du maître, et la dégager du mélange qui en a été fait avec celles de l'école ionique, par le plagiat des chefs de sectes, par la crédulité des Grecs, par l'amour-propre national qui enfante toujours la ivalité

Les notions mathématiques jouèrent un grand rôle dans les doctrines pythagoriciennes ; mais au lieu d'employer les nombres comme simple instrument de l'intelligence pour opérer sur des quantités, on les employa à chercher l'origine de tout ce qui existe. C'était le premier problème que la philosophie se proposait dans l'école italique comme dans l'école ionique.

De là, le principe fondamental : les nombres sont les principes

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