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Nouvelle Démonstration évangélique, supérieure à toutes les productions que le même zèle a enfantées dans ce siècle, et l'une de celles où les profondeurs de la science et du jugement n'ôtent rien à l'agrément du style, ont assuré jusqu'ici à l'esprit anglais la palme en cette espèce de lutte du christianisme contre l'incrédulité. Cet esprit pourtant n'avait ри d'abord que rester faible quand il défendait l'hérésie contre le catholicisme; car il ne saurait y avoir de vraie force dans l'erreur contre la vérité; et les thèses et les conclusions de Bossuet sont demeurées inaccessibles à tous les efforts de ceux qui ont voulu infirmer ce grand argument de l'unité, à jamais inébranlable, comme l'Eglise dont il est la base. Mais ces mêmes protestants ont été forts contre l'esprit commun; et n'est-il pas permis de penser que la Providence nous offre peut-être, dans leurs honorables combats en faveur de la révélation, un présage de leur prochain retour à cette unité précieuse dont ils ne sont pas séparés par leur choix, mais par la faute de leurs pères?

Serait-ce dans le Nord que ce siècle irait chercher les titres de sa prééminence philosophique? Les sciences naturelles mises à part, l'irrécusable histoire ne montrera dans l'Allemagne que la démence de vingt sectes d'illuminés, que les rêveries de Swedenborg et de Kant, et de leurs disciples, opprobre de l'esprit humain, et les noirs mystères des hautes classes de la franc-maçonnerie occulte, assez dévoilés cependant depuis leur union avec la philosophie révolutionnaire pour être à jamais l'horreur de la nature humaine.

De cet aperçu préliminaire, qui n'est encore qu'un avertissement pour les lecteurs curieux de la vérité, je passe aux deux objets principaux et actuels, la métaphysique et la morale, c'est-àdire cette partie de la philosophie qui, réduisant en méthode les actes de l'entendement et de la volonté, et les conséquences qui en dérivent pour la conduite de la vie, rentre dans toute la théorie de l'ordre social et politique. Sous ce point de vue, je trouve dans la première moitié de ce siècle des titres vraiment honorables pour la philosophie, pour celle qui mérite vraiment ce nom, et à laquelle personne ne rend justice plus volontiers que moi. Il n'y a que des hommes intéressés à la confondre avec celle qui n'en a que, il n'y a qu'eux seuls qui puissent me supposer contre elle aucune espèce de prévention : ici toute prévention serait de ma part

que

le mas

peu de fruit; mais sa Crédibilité de l'Evangile, et surtout le Témoignage des anciens Juifs et Païens en faveur de la religion chrétienne, sont d'un travail et d'une érudition qui ne demanderaient qu'une main habile qui les abrégeât.

bien gratuite; et j'ose attester à tous ceux qui m'écoutent et qui m'ont lu que la partialité n'a jamais été le caractère de mes opinions et de mes jugements. C'est un témoignage que m'ont rendu assez -souvent en littérature mes ennemis mêmes; et, quand je me suis égaré en fait de religion et de politique, j'ai du moins eu cet avantage, qu'il n'y avait de ma part ni mauvaise foi ni intérêt personnel. C'était tout simplement la vanité et l'étourderie naturelle à cette prétendue philosophie que j'avais embrassée sans examen, au lieu qu'aujourd'hui c'est un examen très-réfléchi, très-désintéressé, tout au moins appuyé de l'expérience, qui, en me faisant renoncer à des erreurs funestes, m'a fait un devoir de les combattre dans leurs premiers auteurs et dans leurs derniers disciples.

J'aperçois donc d'abord, en commençant par le bien qui doit faire ensuite mieux sentir le mal, cinq écrivains illustres qui, en différentes manières, ont rendu plus ou moins de services à la philosophie: Fontenelle, qui l'a réconciliée avec les grâces; Buffon, qui, comme Platon et Pline, lui a prêté le langage de l'imagination; Montesquieu, qui a su appliquer l'un et l'autre aux spéculations politiques; d'Alembert, qui a rangé dans un ordre méthodique et lumineux toutes les acquisitions de l'esprit humain; et Condillac, qui a fait briller sur la métaphysique de Locke tous les rayons de l'évidence. Voilà ceux qui forment parmi nous la première classe, celle des hommes supérieurs qui ont été à la fois philosophes et écrivains. La seconde se compose de quelques moralistes d'un mérite plus ou moins distingué; mais la troisième, et malheureusement celle qui a eu le plus d'influence, n'offre que des sophistes, qui, avec plus ou moins de talent pour écrire, et quelquefois avec des titres de célébrité, aussi étrangers à la philosophie que les caractères de leur esprit, ont été, sous le faux nom de philosophes, d'abord les ennemis de la religion, et ensuite, par une conséquence infaillible, ceux de tout ordre moral, social et politique, et pour tout dire, en un mot, les pères de la révolution française.

N. B. Une partie de cet ouvrage, c'est-à-dire tout le premier livre, et les premiers chapitres du second jusqu'à Diderot inclusivement, a été prononcée au Lycée de Paris dans les commencements de 1797, sauf quelques changements et additions que j'y ai faits depuis que j'ai repris l'ouvrage, dans ma retraite actuelle (1799), pour le revoir et l'achever, si la Providence m'en laisse le loisir et les moyens. On pourra donc juger ici quel chemin avait fait l'opinion, qui était mon unique force, lorsque je faisais enten

dre, deux fois la semaine, devant trois ou quatre cents personnes, tout, ce qui pouvait inspirer l'horreur et le mépris de la philosophie révolutionnaire, sans restriction ni exception. Je dois dire, pour la chose publique et non pas pour moi, que la presque tota lité de l'auditoire, quoique souvent renouvelée en partie d'une semaine à l'autre, m'était constamment favorable, et que les acclamations étaient d'autant plus vives, que les vérités étaient plus poignantes. Mais pourtant ce n'était plus, comme avant la révolu tion, un sentiment et une expression à peu près unanime. Le parti de l'opposition s'y faisait toujours sentir : il était très-faible par lui-même, et comme étouffé par la voix publique pendant les séances; mais il murmurait tout bas, et avait une physionomie marquée par la violence des souffrances intérieures. De plus, toujours rassuré par une de ces habitudes inouïes et propres à notre révolution, où le petit nombre, même sans force réelle, a toujours fait la loi au grand nombre, il ne cédait ni ne rougissait; et lorsqu'à la fin des séances le public quittait le Lycée, ce parti, rassemblé aussitôt dans le salon attenant, se soulageait par des invectives et des menaces. C'est là que l'astronome Lalande se glorifiait d'être athée, et criait de toute sa force qu'il n'y avait de vrais philosophes que les athées. C'est au sortir de là qu'il imprimait, dans le Journal de Paris, cette lettre qui lui attira tant de brocards en prose et en vers, où il s'indignait que j'eusse osé dire que l'athéisme était une doctrine perverse, ennemie de tout ordre social et du gouvernement. Il voulait bien ne pas croire que ce fût par scélératesse que j'eusse parlé ainsi; d'où il concluait que ce ne pouvait être que par imbécillité. Ce trait unique était trop précieux pour n'être pas rappelé : il contient en substance l'esprit et le langage de la révolution française. Cherchez dans l'histoire du monde ou dans votre imagination un état de choses où un homme qui n'était pas reconnu fou, un savant, un académicien, eût pu imprimer et signer qu'on ne pouvait pas regarder l'athéisme comme antisocial et antipolitique, sans être un scélérat ou un imbécile '.

L'INCREDULITÉ JUGÉE PAR LE CARDINAL DE LA LUZERNE.

Il y a environ dix-huit cents ans qu'il s'est opéré dans l'univers une révolution telle qu'aucune histoire n'en peut présenter de semblable, et que l'esprit humain, ne pouvant la révoquer en doute; a

De la Philosophie du XVIIIe siècle, introduction.

peine à la recevoir. Douze hommes sans naissance et sans considé ration, sans éducation et, sans lettres, sortis d'un coin de la terre presque inconnu, envoyés par un homme mort du supplice des scélérats, sans autres moyens que la persuasion, sans autres armes que leur patience, sont parvenus à changer les idées religieuses et morales de tous les peuples. Ils ont trouvé les nations prosternées devant des idoles que consacraient le respect de tous les pays et le préjugé de tous les siècles connus: à leur prédication ces idoles sont tombées, et sur les autels qu'elles occupaient a été élevée la croix, jusque-là l'instrument du plus honteux supplice et le symbole de l'ignominie. Ils ont trouvé les esprits enthousiasmés de la philosophie, alors dans son plus brillant éclat, et les cœurs enivrés des passions déifiées par le culte public: leur voix tonnante, victorieuse à la fois des opinions, des affections, des habitudes, des superstitions, dissipant de son souffle et les lumières de la philosophie, et les illusions des passions, a soumis la raison à la foi et les sens à la mortification. Ils ont trouvé les trônes occupés par des souverains superstitieux et cruels, qui, pour soutenir leur culte antique, ont déployé toute leur puissance, et se sont armés de toute leur fureur: par le plus étonnant des succès, ils ont triomphe de leur animosité en y succombant ; leur sang répandu est devenu une semence de nouveaux apôtres, qui eux-mêmes, par leur mort sanglante, en ont reproduit d'autres, jusqu'à ce qu'enfin de persécutions en persécutions l'univers se soit trouvé chrétien.

Après dix-huit cents ans une nouvelle révolution se prépare à changer encore la face de la terre. Ce que dix-huit siècles consécutifs ont cru, révéré, adoré, pratiqué, le xvIIIe siècle a entrepris audacieusement de l'anéantir. Il ne s'agit plus de substituer un culte à un autre, de présenter aux adorations des mortels un nouveau dieu; on prétend effacer des esprits toute idée de divinité. Les apôtres. de la nouvelle doctrine, aussi opposés aux apôtres du christianisme» dans leurs moyens que dans leur but, avaient commencé par prè cher et par implorer la tolérance: mais à peine ont-ils usurpé dans un pays la puissance, qu'ils ont inondé la terre qu'ils s'étaient asservie, du sang le plus précieux, le plus pur, le plus sacré; ils ont développé une barbarie qu'on ne peut rappeler sans horreur; leur atroce et ingénieuse férocité a inventé des raffinements de cruauté inconnus aux tyrans du paganisme.

Serait-il donc arrivé ce temps désastreux que le Seigneur montrait dans un avenir lointain à son apôtre bien-aimé? L'incrédulité moderne serait-elle ce monstre qui, traversant les mers revêtu de

toute la puissance et armé de toute la force de l'antique dragon, doit élever ses blasphèmes contre Dieu, contre son Église, contre ceux qui règnent avec lui dans le ciel; faire la guerre aux saints de la terre, et les immoler à sa rage? Sommes-nous destinés à la voir étendre la puissance dont elle s'est servie pour dévaster notre patrie, sur toute tribu, sur tout peuple, sur toute langue, sur toute nation? A toutes les douleurs dont elle nous a pénétrés, seronsnous forcés d'ajouter celle de voir tomber en adoration devant elle tous les habitants de l'univers, dont les noms ne sont pas écrits dans le livre de vie 1? Éloignons de notre esprit ces sinistres présages. Déjà dans notre patrie elle-même un gouvernement plus modéré que ceux qui depuis dix ans l'ont tyrannisée, travaillant à essuyer les plaies dont elle saigne de tous les côtés, semble vouloir arrêter la main qui les a infligées 2. En cherchant à réparer les maux affreux dont la France a été accablée, il paraît en avoir reconnu la cause; et pour rendre à la nation son bonheur, il a senti la nécessité de lui rendre sa religion. Espérons que cette lueur de restauration que nous apercevons n'est que l'aurore d'un jour plus brillant, et que l'Église gallicane, qui ne fait aujourd'hui que s'élever un peu au-dessus de ses ruines, reprendra dans quelque temps sa grandeur et sa majesté antiques.

Mais nous que le Seigneur a établis, comme autrefois la tribu sainte, les gardiens et les défenseurs de son sanctuaire, notre place est sur la brèche qu'y ont faite ses criminels ennemis, pour repousser tous les assauts qu'ils ne cessent de lui livrer.

Pour remplir ce devoir sacré, deux moyens se présentent : l'un est d'opposer à l'incrédulité, comme un rempart insurmontable, quelques-unes des démonstrations qui portent jusqu'à l'évidence la vérité de notre sainte foi; et c'est l'objet des dissertations que je publie : l'autre moyen, qui va suspendre pour quelques moments l'emploi du premier, est d'aller attaquer l'incrédulité elle-même, de lui opposer sa propre origine, et de montrer les causes auxquelles elle doit sa naissance et ses progrès. J'en remarque trois princi

L'auteur écrivait ceci en 1801. (Note de l'Editeur.)

2 Et vidi de mari bestiam ascendentem... et dedit illi draco virtutem suam, et potestatem magnam... et aperuit os suum in blasphemias ad Deum, blasphemare nomen ejus, et tabernaculum ejus, et eos qui in cœlo habitant. Et est datum illi bellum facere cum sanctis, et vincere cos; et data est illi potestas in omnem tribum, in populum, et linguam, et gentem, et adoraverunt eam omnes qui inhabitant terram, quorum non sunt scripta nomina in libro vitæ Agai, qui occisus est ab origine mundi. (Apoc., XIII,' I et seq.)

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