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plus ou moins, attendent plus ou moins de la France. » De là il résulte que toutes les puissances continentales sont réunies contre nous; sans doute, elles ne sont point réunies dans le but de prendre l'initiative et de faire la guerre; elles savent les dangers auxquelles elles s'exposeraient; mais elles veulent dans les grandes questions, lorsqu'elles le peuvent sans danger de guerre, amoindrir, annihiler l'influence de la France, et lui faire jouer un rôle inférieur à celui qu'elle a joué autrefois. A l'appui de son argumentation, M. Thiers citait les principaux événements internationaux des dix dernières années, et il arrivait à cette proposition : « Quand on a l'avantage de pouvoir se trouver tous réunis contre nous, on en saisit l'occasion avec empressement. » C'est pourquoi il importe que l'on sache que la France est prête à braver toutes les extrémités pour déjouer ces projets. « Si vous ne le faites pas, ajoutait M. Thiers, vous n'êtes plus la France, vous n'êtes plus une grande nation. Et plus loin : « Non, je le dis franchement, toutes mes opinions (et les gens qui me connaissent le savent bien), ne me portent pas à l'opposition (1); mais je suis convaincu que si vous n'avez pas un jour la force d'une grande résolution, ce gouvernement que j'aime, ce gouvernement auquel je suis dévoué, aura la honte ineffaçable d'être venu au monde pour amoindrir la France.»>

Que fallait-il dès-lors penser de la conduite des puissances allemandes dans les affaires d'Orient? Qu'elles n'étaient entrées dans le traité de Londres que pour abaisser l'influence de la France, et que, n'ayant point d'intérêt personnel dans la question, elles s'étaient retirées, non devant tel ou tel Cabinet, mais devant les armements de la France.

Si la France avait persévéré quelques jours de plus, elle obtenait non pas une concession brillante, car les puissan

(1) Ces paroles rappellent l'auteur de la remarquable brochure La Monarchie de 1830.

ces avaient leur honneur à défendre, mais au moins des concessions plus honorables. En effet, le pacha, gardant l'intérieur de la Syrie, de l'Égypte, la France à la tête de ses armées négociant, les puissances ne pouvaient rien contre Alep et Damas; telle était la pensée du ministère du 1er mars, lorsqu'en arrivant au pouvoir, celui du 29 octobre vint annoncer que pour la Syrie on ne ferait pas la guerre : aussi, au lieu d'une hérédité pure et simple, avait-il obtenu une hérédité illusoire. Sans doute, il avait fait annuler quelques-unes des conditions que les puissances, à la faveur de sa faiblesse, avaient cru pouvoir imposer au pacha: mais n'avait-on pas ratifié la clause qui réduit l'armée égyptienne à 18,000 hommes? Le pacha ne pouvait garder l'Égypte avec cet effectif : on le savait, et déjà ses troupes étaient plus du double de ce chiffre: Le jour où l'on jugerait convenable de recommencer la question, on aurait un moyen simple et tout trouvé.

Quant à la convention pour la clôture du détroit, M. Thiers la regardait comme l'acte le plus nul que l'on pût faire en faveur de l'empire ottoman, comme un acte de puérilité : elle était faite pour les Russes. En effet, une seule chose pourrait être efficace pour le salut de l'empire, ce serait la présence d'une flotte anglo-française, circulant librement dans la Mer noire. Les Russes peuvent venir à Constantinople en trois jours, et le traité du 13 juillet ne protége point Constantinople.

« Savez-vous, continuait M. Thiers, ce qui couvre l'empire turc ? votre force. Savez-vous ce qui peut le soutenir longtemps? votre résolution : le jour où on le saura en Europe, la question sera résolue; elle est tout entière dans ces mots jetés du haut de cette tribune: quelque embarras qu'il en puisse résulter pour ma situation, pour mon avenir, je le dis, parce qu'ils ne peuvent avoir d'effet et de retentissement en France et en Europe, que parce qu'ils partent de cette tribune; le jour où cette résolution sera populaire en France, on n'aura plus à redouter un grand acte d'usurpation en Europe, de quelque part qu'il vienne, la France pourra seule couvrir l'empire ture, et il sera plus garanti par cette force que par toutes vos conventions, que par le traité d'Unkiar-Skelessi, ou par votre convention des détroits, qui n'est qu'un expédient pour vous faire sortir de la situation où vous étiez.

› Faites donc voir que la France est forte par elle-même : ne faites pas consister sa force dans ses alliés; non, avec ou sans alliés, si on est convaincu que la France ne souffrira pas un grand acte d'usurpation, si on croit à sa force, comme on y a cru il y a quelques mois, en voyant ses armements (rumeurs), l'empire turc est garanti, beaucoup plus garanti que par toutes vos conventions. »

Dans un remarquable discours, M. 'Passy répondit que toutes les puissances ont intérêt à se montrer amies de la France; que toutes n'ont que des périls à rencontrer, si elles cédent aux sentiments que leur a supposés M. Thiers; il établit le rôle qu'il apppartient au pays de jouer dans les questions internationales : ce rôle doit être de repousser toutes les prétentions injustes, toutes les prétentions égoïstes, tout ce qui peut constituer infraction ou empiétement sur le droit commun. L'orateur posa ensuite ce principe qui est aujourd'hui la pensée de beaucoup d'hommes d'état que pour une telle politique, il n'y a pas besoin d'alliance formée à l'avance. En effet, de quelque côté que vînt le péril, la France serait sûre de trouver à côté d'elle les puissances qui seraient menacées aussi bien qu'elles par les infractions, les injustices qu'elle combattrait. - Quant à la convention du 13 juillet, M. Passy pensait que l'ouverture du détroit, eut été la ruine, le dernier coup porté à l'empire ottoman, grâce à l'appareil de forces que la Russie pourrait déployer dans le Bosphore.

Cette séance se termina par le vote du 1er paragraphe.

21 Janvier.-Le paragraphe 2, relatif à la question financière devait réveiller le souvenir des troubles qui avaient récemment ensanglanté plusieurs villes de France, et rappeler l'opposition que les mesures prises pour opérer le recensement avaient soulevée dans la presse et même dans plusieurs conseils généraux. Le ministre des finances parut le premier à la tribune, pour répondre aux attaques dont il avait été l'objet, et pour tracer le terrain sur lequel ses adversaires allaient avoir à le combattre. Le recensement ordonné par les Cham

bres avait pour principe une pensée de justice distributive : on avait voulu arriver à une répartition plus équitable des impôts directs. Était-il vrai que le gouvernement eût substitué à cette pensée de bien public des idées d'une autre nature, et que le recensement n'eût été dirigé que dans des vues de fiscalité? Sans doute, l'un des avantages du recensement devait être d'améliorer le revenu de l'État, en donnant à l'administration le moyen d'appliquer plus exactement la loi de l'impôt. C'eut été dans tous les temps, un devoir pour l'administration de réclamer des contribuables leur quote-part légitime et proportionnelle dans l'acquittement des charges publiques; mais ce devoir devenait impérieux en présence d'une accumulation de découverts, absorbant pour plusieurs années les réserves de l'amortisssement, d'un emprunt de 450 millions à ouvrir pour des services votés, et d'un déficit de 116 millions dans le budget de 1842. Le ministre avait été fidèle à la règle de conduite qu'il s'était tracée l'année précédente et que les Chambres avaient approuvée : suffire aux besoins du trésor, sans demander de nouveaux impôts, sans rehausser les tarifs des taxes existantes, en prenant soin que les tarifs fussent appliqués sans faiblesse.

Le ministre avait été justifié d'avance d'avoir voulu que la loi de l'impôt, en ce qui concernait les propriétés bâties et les patentes, reçût une application juste, égale et en même temps profitable au trésor. Or, c'est sur ces deux points seulement qu'un résultat favorable au revenu pourrait être atteint. La contribution mobilière et celle des portes et fenêtres, sont des impôts de répartition auxquels le gouvernement ne peut rien retrancher ni ajouter: Eh bien, c'étaient précisément ces impôts qui avaient servi de texte aux accusations de fiscalité. M. Humann citait à cet égard les paroles d'un conseil général du Midi : « Des agents, répandus dans les villages et qui n'ont pas craint même de pénétrer dans les villes, ont jeté l'alarme dans le sein des familles pauvres et privées d'instruction, en leur persuadant qu'on allait faire

l'inventaire des moindres meubles de leurs maisons et compter tous les animaux nourris dans les campagnes, parce que meubles et animaux devaient être frappés d'une taxe. Des mensonges si révoltants ne devaient-ils pas livrer les contribuables aux résolutions les plus désespérées ? »

Quant aux mesures employées pour arriver à l'exécution du recensement, le ministre en démontrait la légalité par des citations empruntées à la loi du 22 brumaire an yi, et à celle du 15 septembre 1807. En effet, en vertu de ces deux lois, l'action des communes disparaît et s'efface pour faire place à celle des agents des contributions opérant sous la direction du ministre. Il n'est fait mention du concours des municipalités, ni dans la loi du 21 avril 1832, qui prescrit la formation des tableaux de la matière imposable, ni dans la loi du 14 juillet 1838, qui, en vue d'une nouvelle répartition à soumettre aux Chambres, porte que les agents des contributions directes continueront de tenir au courant les renseignements destinés à faire connaître le nombre des individus passibles de la taxe personnelle, le montant des valeurs locatives et le nombre des ouvertures à imposer. M. Humann citait à l'appui de ses mesures la doctrine de M. Henrion de Pansey: « Il est de la nature du pouvoir municipal de se concentrer sur une seule commune; toutes les mesures quien embrassent plusieurs, appartiennent au pouvoir administratif. » Or, précisément ce n'est pas l'individu, mais la commune, que le recensement avait en vue; aucun résultat n'était obtenu tant que l'opération n'était pas achevée dans la commune : c'est alors, mais seulement alors, que les renseignements recueillis, pouvaient être utilement communiqués à l'autorité municipale, et c'était aussi ce que les instructions prescrivaient. La dernière partie du discours du ministre, portait sur les reproches de contradiction ou d'imprudence adressés à l'administration, et il terminait par ces paroles: «Sauf le redressement, les omissions concernant les propriétés bâties, la situation des contribuables

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