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risqué cette ambassade, non avec l'espoir, mais avec la résolution d'accepter cette difficulté si elle se présentait pour en tirer un grief contre un gouvernement qu'il n'aimait pas. L'orateur repoussait cette supposition. En recommandant à l'ambassadeur de ne remettre ses lettres de créance qu'à la reine, et non à la personne investie de l'autorité royale, avait-on voulu honorer la reine en quelque sorte par opposition à son gouvernement? L'honorable député se refusait à le croire; car c'eût été prouver que l'on voulait séparer la reine de son gouvernement; c'eût été un outrage envers ce gouvernement. En insistant et en donnant pour instruction d'insister sur une simple question d'étiquette, avait-on eu la pensée de raviver en Espagne le principe et le sentiment monarchique? mais c'était vouloir faire sortir de cet incident des conséquences plus sérieuses que celles qui, naturellement et convenablement, devaient en sortir. D'ailleurs une telle attitude convenait-elle au gouvernement démocra tique de 1830, à un gouvernement puissant? Était-ce là le moyen de raviver en Espagne les idées d'ordre, l'esprit monarchique et l'amour des vieilles institutions qu'on aurait la pensée d'y encourager? Au reste, M. de Beaumont ne pensait pas que le gouvernement dût persister; il n'y avait entre l'Espagne et la France que des motifs d'inquiétude, d'observation mutuelle, et non des causes de séparation ou de rupture: une politique meilleure, pouvait ramener entre les deux Cabinets des rapports meilleurs.

M. Guizot rappela à la Chambre qu'il avait pris le pouvoir au moment même où la révolution de septembre venait de s'accomplir, révolution faite au milieu d'un mouvement anti-français et par l'influence d'un parti antifrançais la situation était délicate. Le Cabinet s'était appliqué à convaincre l'Espagne de deux choses: la première, que nous n'entendions aucunement intervenir dans ses affaires intérieures et nous immiscer dans son gouvernement par une influence étrangère; la seconde, que nous ne con

sidérions point l'Espagne comme un théâtre de nos rivalités, de nos luttes avec telle ou telle puissance européenne, sacrifiant sans cesse dans ces luttes les intérêts de l'Espagne même à nos intérêts. Plusieurs incidents étaient survenus, l'affaire des Aldudes et l'affaire de l'îlot de Rey; le ministère avait fait ses efforts pour ne les point envenimer. Les rapports des deux gouvernements étaient bientôt devenus plus faciles, plus bienveillants; un ministre espagnol était arrivé à Paris; le ministère anglais avait passé des whigs aux tories. Au milieu de ces circonstances, l'envoi d'un ambassadeur avait été résolu; puis l'insurrection des christinos avait éclaté. A cette occasion, le ministre espagnol à Paris était venu demander que les réfugiés carlistes qui se pressaient sur la frontière, fussent internés; on avait écouté ce vœeu. Il avait fait la même demande pour les réfugiés christinos, qui prenaient la même route; on s'était rendu à ce désir; il avait désigné des noms propres qui inquiétaient spécialement sur cette frontière le gouvernement espagnol; on avait fait interner ceux qui les portaient, une seule démarche, une démarche relative à un auguste personnage avait été formellement repoussée;. et cependant les mêmes déclamations injurieuses pour la France s'étaient fait entendre en Espagne, des atteintes avaient été portées à notre territoire; sur plusieurs points nos nationaux avaient été menacés; dans le port de Barcelone nos bâtiments avaient été inquiétés. Dans le choix des mesures que nécessitait cet état de choses, le ministère avait pratiqué la plus grande modération. L'insurrection étouffée, le moment avait paru favorable pour le départ d'un ambassadeur. Dans la pensée du gouvernement c'était là d'abord une marque d'affection, de déférence pour la jeune reine, à laquelle la France et son roi doivent et veulent donner toute la protection qu'un pays et qu'un gouvernement étranger peuvent donner hors de leur territoire; c'était en même temps une marque d'impartialité, de neutralité dans les discussions intérieures de l'Espagne :

c'était aussi un appui prêté au gouvernement espagnol contre l'anarchie qui le menaçait et qu'il sentait le besoin pressant de réprimer; c'était enfin un grand appui moral donné à ce gouvernement auprès de l'Europe, pour l'aider à atteindre le but, qu'en gardant toutes les convenances de leur dignité, les gouvernements nouveaux ont toujours raison de poursuivre, la reconnaissance de tous les peuples civilisés et des gouvernements anciens.

Quant à la question de savoir si l'ambassadeur devait remettre ses lettres de créance à la reine ou au régent, le ministre citait les précédents diplomatiques; par exemple les ministres de toutes les nations accrédités auprès du roi de Grèce et de l'empereur du Brésil, durant la minorité des deux jeunes souverains. C'était là d'ailleurs le principe même de la monarchie. Il faut en effet à la monarchie, que pendant les minorités, tout ce qui est dignité, hommage, manifestation publique, s'adresse à la personne du souverain; que tout ce qui est autorité, exercice réel et efficace du pouvoir, soit remis à la personne investie de la régence.

M. Guizot ajoutait ces remarquables paroles:

• La minorité, dans une monarchie, ce n'est pas la mort, ce n'est pas l'éclipse du monarque: il est inactif; il n'est pas absent. Il y a des devoirs qui s'adressent à lui, des droits qui résident en lui: si cela n'était pas, vous verriez bientôt dans les minorités, et surtout dans les minorités placées au milieu des révolutions, vous verriez bientôt disparaître la monarchic (au centre: (Très-bien). Lorsque cette question s'éleva au Brésil, précisément au sein d'une monarchie naissante, et naissante au milieu des révolutions, ce fut la raison principale sentie et alléguée par toute l'Europe. Il faut que la royauté paraisse dans toutes les occasions où elle peut paraître convenablement, où elle a, non une autorité pratique et réelle à exercer, mais des hommages à recevoir, soit des peuples, soit des étrangers.

Et ce ne sont pas là, Messieurs, des questions d'étiquette, de vaines formalités : c'est ainsi que les gouvernements se fondent, c'est ainsi que les principes se maintiennent, c'est ainsi que les sentiments sont entretenus, alimentés, échauffés dans le cœur des populations (très-bien). Si vous voulez faire disparaître toutes les occasions de les manifester, si vous ne

voulez pas que la dignité extérieure reste au monarque, ne comptez plus sur la monarchie, elle disparaîtra bientôt elle-même (très-bien), »

M. Guizot pesa ensuite les raisons alléguées par l'Espagne. Sans nul doute, quand elle jugeait à propos d'imposer certaines conditions, certaines règles à la réception des ministres étrangers, quand elle disait que la constitution le lui prescrit, elle était dans son droit; personne ne prétendait la contraindre à le violer; mais son droit ne détruisait pas le nôtre; son opinion n'influençait en rien la nôtre; nous restions parfaitement libres. Dans ces conjonctures, le ministère avait pensé qu'il ne devait pas, qu'il ne pouvait pas, convenablement pour la France, utilement pour l'Espagne, avoir un ambassadeur à Madrid à de telles conditions. Le discours de la couronne avait gardé le silence sur ces difficultés: il convenait à la Chambre d'imiter cette réserve.

M. Barrot opposa au ministre des affaires étrangères, la constitution espagnole, qui transporte au régent, sans aucune restriction, l'exercice et l'autorité du pouvoir royal. Espartero succédait à toutes les attributions de la régence exercée par la reine Christine; et de ce qu'il tenait ses droits de la constitution, des voeux légitimes du pays, il ne devait pas se montrer moins jaloux de l'étendue des prérogatives qui lui avaient été transmises; il en devait compte à son pays. Le ministère français n'avait point respecté ces susceptibilités toutes nationalcs, et cependant sous la régence de Marie-Christine, tous les ambassadeurs n'avaient-ils pas été accrédités auprès de la régente? N'était-ce pas à la régente qu'ils avaient remis leurs lettres de créance? Quel devait être le juge de ce débat? les cortès? elles avaient solennellement parlé, elles avaient expliqué le sens de la constitution; leur déclaration devait mettre un terme à tous les dissentiments, si non elles verraient dans l'attitude du ministère une dénégation en quelque sorte de leur constitution, de leur révolution. C'était un nouveau pas dans la

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réaction de notre politique extérieure, qui allait se rabaissant, s'éloignant de son principe, de son origine : ce n'était plus cette politique révolutionnaire et nationale qui faisait notre force et notre gloire; c'était une politique d'étiquette et de personnes; une politique concentrée dans quelques intérêts ou dans quelques prétentions de famille. Ce n'était plus la politique nationale. L'intervention des Chambres dans la politique extérieure était opportune; un grand mal était déjà opéré, et l'on était arrivé à ce résultat de s'aliéner l'affection des gouvernements constitutionnels, sans pour cela conquérir celle des gouvernements absolus.

M. Mauguin reprit la question dans le même sens, en la rattachant à de sérieux intérêts de politique générale et d'alliance continentale, d'après les principes que plusieurs fois déjà depuis les mémorables débats de l'adresse de 1840-41, il avait exposés devant la Chambre.

L'amendement de M. de Beaumont ne fut point adopté. Plusieurs députés présentèrent encore sur la question d'Espagne ou seulement sur la politique extérieure, quelques observations moins importantes: M. Daguenet demanda si l'on s'occupait de régler la délimitation incertaine, inachevée des frontières sur le point occidental des Pyrénées. M. Dugabé parla de l'oubli d'un droit qui, établi dans le pacte de famille, accordait au pavillon français le droit de nationalité en Espagne, et qui venait d'être enlevé à la France par l'article 15 d'une loi du mois d'octobre 1841. M. Mauguin interrogea le ministre sur la situation peu convenable de notre consul de Mascate, à qui il n'était pas permis d'arborer son pavillon, et qui ne pouvait accorder à notre commerce, en Arabie, qu'une protection insuffisante.

M. Guizot répondit que le ministère s'occupait de toutes ces questions.

La Chambre, fidèle à ses précédents, consacra sans discussion le paragraphe qui rappelait à l'Europe les droits de la nationalité polonaise.

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