Immagini della pagina
PDF
ePub

XXXII.

SUR LA QUESTION DES SQUELETTES COLORÉS.

Comunicazione del prof. GIULIANO KULAKOVSKI.

Dans le vaste domaine de l'archéologie préhistorique il existe une modeste question sur laquelle je me permets d'attirer l'attention de cette assemblée éminente. Je veux parler des squelettes aux jambes repliées peints en rouge. Ces squelettes n'ont été étudiés en Occident que par un petit nombre de savants, les trouvailles de ce genre étant fort rares dans cette partie de l'Europe. En Russie elles sont, au contraire, très fréquentes; on trouve de ces squelettes dans une portion considérable de notre territoire. Le rayon de ces trouvailles commence dans les gouvernements de Kiev et de Poltava et s'étend jusqu'à la côte méridionale de la Crimée et les côtes orientales de la mer d'Azof. J'ai eu l'occasion d'étudier ce type d'inhumation pendant les fouilles que j'ai faites dans les steppes et près des montagnes de la Crimée sur les rives du Salhir et du Belbek. Les savants russes se trouvant ainsi dans des conditions très favorables pour étudier les squelettes peints, je me propose de vous faire part des résultats de nos études, concernant une question très spéciale, il est vrai, mais qui cependant n'est pas complètement dénuée d'intérêt.

Je commencerai par signaler les marques distinctives des sépulcres contenant des squellettes aux jambes repliées.

L'aspect de ces sépultures, telles que je les ai vues, offre les particularités suivantes: le trait le plus caractéristique, à part la coloration des os, en est que le mort y a été déposé les jambes repliées sous lui. La fosse est habituellement creusée au-dessous de la terre. végétale. Dans beaucoup de kourganes (tumulus) renfermant dans leurs couches supérieures des sépultures de l'époque dite scytho-sarmate et de l'époque plus récente des Turcs nomades, quand on pousse les fouilles jusqu'au-dessous de la terre végétale, on fait apparaître au

Sezione IV.

Archeologia.

43

jour des tombes renfermant des squelettes colorés. Il m'est arrivé, mais plus rarement, de fouiller de grands tumulus ne renfermant que des tombes de ce type, aussi bien dans la couche sous-jacente à la terre arable que dans les diverses couches accumulées au-dessous. La fosse inférieure est souvent recouverte de forts madriers, mais il arrive aussi souvent que la terre pèse directement sur le squelette sans qu'il y ait trace d'un abri protecteur en bois. Quelquefois le même type de sépulture se rencontre dans les tombes à caisse, formées de grandes dalles en pierre calcaire posées de champ, surmontées d'autres dalles posées à plat. Ces tombes ne sont pas établies dans le sous-sol, mais dans l'épaisseur même du tumulus. Le plus souvent les tombes de ce type ne renferment absolument rien que le squelette; parfois cependant on y trouve des vases en terre d'un travail grossier, de forme simple, de dimension médiocre ou même petite; plus rarement des instruments en pierre éclatée, des pointes de lance plates en bronze. Quant à la coloration des os, tantôt on l'observe sur tout l'ensemble du squelette, tantôt elle apparaît avec plus d'intensité sur les os de la partie supérieure du corps, la tête, le cou, les mains (quand celles-ci sont voisines du visage). On retrouve la matière colorante au niveau du squelette, en couche d'une certaine épaisseur, dans le voisinage de la partie supérieure du corps. Cette matière est ordinairement mélangée à la terre, mais elle se présente parfois en couche assez compacte pour qu'on puisse la recueillir non seulement sous forme de poussière, mais en morceaux de la grosseur d'un œuf de pigeon. Sa couleur est rouge-brun. L'analyse chimique y décèle du fer; c'est de l'ocre. Les crânes qu'on trouve dans les tombes de ce type sont généralement ou écrasés par le poids de la terre, ou si faibles qu'il est impossible de les retirer intacts et encore moins de les conserver. Quand on réussit à retirer un fragment plus ou moins important de l'os pariétal, on peut y constater des indices de dolichocéphalie, avec un faible développement du front.

Autant que je sache, les sépultures de ce type qui ont été découvertes ailleurs qu'en Crimée présentent des aspects entièrement analogues. Je puis citer, à cet égard, les descriptions détaillées de tombes renfermant des squelettes colorés que donne le comte A. A. Bobrinsky dans un travail estimable intitulé: Les Kourganes de Smela et les découvertes archéologiques faites dans les environs.

Cet ensemble de caractères a, dès longtemps, conduit les archéologues russes à admettre que ces tombes appartiennent à une population que son degré de civilisation placerait à la fin de l'âge de pierre.

Seul le procédé de teinture des squelettes paraît encore mal expliqué et offre matière à discussion. Comme on a également découvert dans le sol des cavernes de l'Europe occidentale, des ossements colorés (mais jamais de squelettes complets) et que la science archéologique d'Occident a admis l'hypothèse que parfois l'homme primitif séparait la chair des os et enterrait ceux-ci après les avoir teints, la même hypothèse a trouvé faveur auprès des archéologues russes.

Cette hypothèse a été examinée plus d'une fois aux congrès archéologiques russes: au congrès de Moscou en 1890, à celui de Vilna. en 1893 et enfin au congrès de Kiev en 1899. Mais nos conclusions sur cette question ne sont pas connues des autres savants de l'Europe. Ainsi dans son important ouvrage sur L'humanité à l'époque préhistorique, publié en 1896, l'érudit tchèque M. Niederlé après avoir fait une description très détaillée des squelettes aux jambes relevées qui ont été trouvés en Bohême, en Moravie et en Bosnie affirme qu'avant l'inhumation on enlevait la chair des cadavres, puis on frottait ou l'on recouvrait les os d'une certaine substance de couleur rouge".

[ocr errors]
[ocr errors]

C'est aussi l'opinion de l'illustre savant M. Virchof qui a traité cette question plus d'une fois dans sa revue le Zeitschrift für Etnologie. La dernière mention qu'il en fait et que je me permets de vous citer, ne laisse aucun doute sur la façon dont cet érudit explique la provenance de la coloration des squelettes.

Jedenfalls kann die Färbung erst stattgefunden haben, nachdem die Knochen von allen Weichtheilen befreit, also im Zustande macerirter Knochen angelangt waren. Das führt wiederum zu der Schlussfolgerung, dass die Knochen erst dann definitiv bestattet wurden, als diese Maceration' vollendet war. Entweder mussten sie dann, also nach der ersten, gleichsam provisorischen Bestattung widerausgegraben, darauf gefärbt und schliesslich von Neuem bestattet sein; oder die Leichen mussten zunächst überhaupt nicht bestattet, sondern in irgend einer anderen Form der Verwesung ausgesetzt und erst nach der Maceration der Knochen beerdigt worden sein (1).

"

Cette opinion a été émise pendant les débats occasionnés par la découverte d'un squelette aux jambes relevées au Josephgasse à Brünn. M. Virchof a vivement combattu l'opinion de M. Much qui supposait que la coloration pouvait être accidentelle, le cadavre ayant été enseveli dans un terrain contenant de l'argile ferrugineuse.

(1) Zeitschrift für Ethnologie, 1898, Verh., s. 71.

Cette opinion paraît avoir été acceptée par les savants italiens. M. Collini dans son ouvrage sur le sépulcre de Remedello-Sotto (Parme, 1899-1900), ainsi que l'éminent explorateur des antiquités de la Sicile M. Orsi croient à l'existence d'un usage qu'ils appellent la décarnisation. Selon M. Orsi le nombre considérable de squelettes que l'on trouve dans les grottes funéraires de Melilli prouverait qu'un tel usage a existé à l'époque de l'âge de pierre.

L'honoré secrétaire de l'Institut Archéologique allemand, M. Petersen, dans son exposé des ouvrages de M. Orsi paraît se méfier de la théorie du savant italien; il explique d'une façon beaucoup moins compliquée la présence d'un nombre considérable de squelettes aux jambes relevées dans les grottes funéraires. Mais il fait la remarque suivante:

Ein wirklicher Beweis für scarnimento wäre ja die künstliche Färbung der Skelette, wovon Orsi aber trotz genauer Prüfung, weder den M. noch in C. und Pl. Spuren gefunden hat; mit der Form der Beisetzung wäre jene auf den ersten Blick so abschreckende Sitte sonst wohl zu vereinigen (').

Ainsi, selon M. Petersen la coloration des squelettes prouverait l'existence de l'usage de la décarnisation. En Italie on n'a trouvé qu'un seul squelette dont la tête ait conservé des traces de couleur (les os de la figure sont couverts de vermillon). C'est le squelette du musée préhistorique de Rome dont parle M. Pigorini dans le Bull. di paletn. ital., 1880 (VI) ainsi que M. Colini, ibid. 1898 (XXIV) v. la planche XVI.

Notre savant russe M. Modestof dans son grand ouvrage sur l'archéologie préhistorique de l'Italie, qui a paru en 1902, accepte avec confiance l'opinion de MM. Colini et Orsi. M. Petersen en parlant des squelettes aux jambes relevées de Scurgola s'étonne de ce que sur 16 flèches de pierre trouvées dans le sépulcre deux soient couvertes de couleur (ibid. p. 160, n. 2).

Pour les personnes qui, comme moi, ont eu l'occasion de rencontrer souvent ce type d'inhumation, le fait dont parle M. Petersen ne présente rien de bien nouveau ni de bien étonnant.

A l'encontre de M. Petersen je crois pouvoir affirmer que la coloration des squelettes aux jambes relevées, tels que nous les trouvons dans les sépulcres de la Russie méridionale, au lieu de confirmer

(1) Mittheil. d. d. A. I. Rom., Abth. XIII, s. 160.

l'existence de l'usage de la décarnisation» prouve au contraire qu'un tel usage n'a pas existé.

Si la teinture des os était le résultat d'un travail de dépouillement accompli sur le cadavre avant l'ensevelissement, il serait absolument invraisemblable que le squelette se retrouvât sur le sol de la tombe dans toute son intégrité, comme cela arrive en effet. Non seulement les parties principales, telles que le crâne, les os des épaules, le bassin, sont à leur place, mais aussi les plus petits os, jusqu'aux phalanges des doigts inclusivement.

Seul un homme possédant de profondes connaissances en anatomie et une longue pratique dans le maniement des os du squelette de l'homme pourrait reconstituer de cette façon un squelette dont les parties composantes auraient été préalablement séparées les unes des autres (1). Ce n'est pas sous cet aspect, sans doute, que nous nous représentons les hommes de l'âge de pierre. Si, d'autre part, la teinture des os se faisait préalablement aux funérailles, on se demande pourquoi la matière colorante forme, dans la fosse, une couche plus ou moins épaisse autour du squelette. Mais voici une objection d'un caractère plus technique: les os à l'état frais ne peuvent pas prendre la teinture, parce qu'ils renferment de la graisse (2). Ainsi les partisans de l'ancienne hypothèse seraient forcés d'attribuer à l'homme de l'âge de pierre, non seulement une connaissance exacte de l'anatomie, mais encore une grande habileté dans l'art de teindre les os.

C'est pourquoi il me semble que cette hypothèse doit être résolument rejetée. A l'appui de la solution proposée par le professeur Antonovitch, je citerai ici un fait observé pendant mes fouilles de 1896. Comme j'explorais un groupe de tumulus situé sur les hauteurs de la rive droite du Belbek, à 2 verstes N.-O. du village de Douvankioi, les fouilles mirent à jour dans l'un d'eux une allée couverte. Quatre grandes dalles de calcaire étaient posées de champ et une cinquième posée à plat les recouvrait exactement. Quand on découvrit la tombe, les squelettes, il y en avait deux, - apparurent absolument intacts et dans l'attitude même où ils y avaient été déposés.

Ils étaient accroupis. Leur coloration offrait l'aspect d'une large bande qui s'étendait en zig-zag sur l'un et l'autre squelette: sur le

(1) On peut ajouter que même de nos jours un anatomiste n'arriverait pas

à réunir les os séparés d'un squelette sans le secours d'un fil d'archal. (2) Je dois cette observation à mon savant collègue, M. le prof. Réformatsky.

« IndietroContinua »