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d'après l'Arioste, avec des inscriptions en vieux français ou en provençal! Mais il suffit de signaler ce rapprochement pour montrer que la bonne dame s'est pour le moins rendue coupable d'un grave anachronisme', et qu'une fois de plus le nom de Charlemagne est devenu le point de départ d'une légende.

Eugène MüNTZ.

1. An ancient suit of tapestry, containing Ariosto's Orlando, and Angelica where, at every group, the story was all along illustrated with short lines in provençal or old french (The art of needle-work; Londres, 1842, p. 151).

LE CONTE DU MANTEL

TEXTE FRANÇAIS DES DERNIÈRES ANNÉES DU XII SIÈCLE,
ÉDITÉ D'APRÈS TOUS LES MSS.

1. Sujet du poème, imitations allemande et scandinave.

On sait que ce joli conte a pour sujet l'épreuve à laquelle sont soumises les dames et damoiselles de la cour du roi Artus. L'une après l'autre elles essaient un manteau enchanté, qui, selon qu'il leur sied ou ne les couvre qu'imparfaitement, attestera leur fidélité ou leur inconstance. L'une d'elles seulement se tire avec honneur de cette épreuve, c'est l'amie du chevalier Carados (ou Caradoc).

Si je me dispense aujourd'hui de donner comme introduction à mon texte critique une étude sur l'historique de la matière tant en général que par rapport aux épreuves plus particulièrement bretonnes, le manteau et la corne à boire, c'est que j'ai été devancé par un érudit bien informé et en général fort compétent, M. Otto Warnatsch, qui, dans un intéressant mémoire, a pris la peine de comparer les pièces relatives au sujet.

M. Warnatsch a divisé son livre en quatre parties: 1o Restitution d'un fragment de 994 vers en moyen haut-allemand, attribué par lui à Heinrich von dem Türlin, auteur de la Couronne 2; 2o Le conte de la Corne (ou Coupe à boire et du Manteau; 3° Raisons pour considérer le fragment en question comme le début d'un roman sur Lanzelet, que Heinrich aurait composé vers 1205 ou environ, en tous cas quelques années avant la composition de la Couronne ; 3° Source du roman de la Couronne.

En publiant, il y a quelques années, la Möttuls saga 3, j'ai donné un résumé du fragment allemand, d'après l'édition publiée dès 1840 dans

1. Der Mantel, Bruchstück eines Lanzelet romans des Heinrich von dem Türlin, nebst einer Abhandlung über die Sage vom Trinkhorn und Mantel und die Quelle der Krone. 136 pp. in-8, Breslau, Koebner, 1883.

2. Voy. Romania, XII, 460-61, et cf. ib., X, 495.

3. Versions nordiques du fabliau français « le Mantel mautaillé » p. p. G. CEDERSCHIÖLD et F.-A. WULFF, dans Lunds Universitets Årsskrift, t. 'XIII, 1877).

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les Altdeutsche Blätter, II, 217. Le déplorable état de ce fragment de l'aveu de M. W. même, c'est le morceau le plus corrompu d'un manuscrit unique et en général fort mauvais m'avait fait méconnaître usqu'à un certain point la valeur qu'il pourrait avoir pour la comparaison des mss. français et islandais. J'ai mieux apprécié cette valeur quand j'ai collationné, étudié et classé définitivement à Paris, en 1878, tous les mss. connus, mais dès lors je n'ai pas tardé à reconnaître que ni le ms. de Berne no 354 (= B), ni le ms. fr. 353 de la Bibl. nat. désigné dans les Additions de M. W. par G, ni le fragment, allemand, lesquels constituent en effet ensemble une famille, ni la saga, n'égalent en importance les autres manuscrits, notamment le ms. Bibl. nat. fr. 837, pour la restitution du conte français. Au contraire, s'il s'agit en premier lieu du fragment et de ses rapports, c'est le ms. fr. 353 (= C), puis le ms. de Berne (= B), enfin la saga qu'il faut prendre en considération 2.

Quant à la date assignée par M. Warnatsch au fragment, 1204-10 ou environ, elle s'accorderait assez bien, si d'ailleurs elle peut se maintenir, avec l'état des choses telles que je me les représente, c'est-à-dire avec mon texte. En effet, la distance de temps qui séparé notre conte français d'avec le lai du Corn 3, que je suppose avoir eu cours en Angleterre un peu après le milieu du xi siècle, n'est peut-être pas très grande. La mésaventure que la reine éprouve quand elle se soumet à l'épreuve étant accentuée dans le Mantel un peu plus que dans le lai, on serait tenté de croire que l'auteur français du conte avait déjà entendu parler de la passion de la reine pour Lancelot, passion introduite, selon M. G. Paris, dans les récits relatifs à Artus par Chrétien de Troyes (1164-1172) 4. Mais déjà le fait que notre petit poème ne parle pas du tout de Lancelot rend cette supposition peu probable. Evidemment le fond du Mantel et de la Corne, en tant que contes ou lais bretons, est bien antérieur non seulement a Gautier de Doulens, le continuateur de Chrétien qui a composé le passage du

1. C'est le ms. que MM. de Montaiglon et Raynaud désignent par A dans leur édition du Mantel (Recueil général des Fabliaux, III, 289), Paris, 1878. M. Raynaud a eu l'obligeance de me donner les épreuves de cette édition alors que j'étais occupé à la Bibl. nat. à collationner les manuscrits.

2. J'ai rapproché au bas de mon texte les leçons du fragment quand elles m'ont paru intéressantes. J'ai utilisé de même la version en prose du ms. 2153 (anc. 7980) M. W. la désigne par L bien que la valeur de cette version soit minime. Cf. plus loin.

3. J'ai préparé une édition de ce charmant lai pour paraître prochainement. Alors j'aurai occasion de revenir sur plusieurs questions détaillées dans le mémoire de M. W., et dont l'examen ne saurait trouver place ici.

4. Le lecteur se rappellera avec plaisir les articles si nouveaux de M. G. Paris, ici-même (X, 465, et XII, 459) sur les romans de la Table Ronde. Ct. surtout XII, 463 et 516.

Perceval contenant l'épisode bien connu de la corne', mais à l'époque même de Chrétien. Par sa forme et par son fond, le Mantel pourrait bien prétendre au nom de lai de Bretagne, qui lui est assigné par le ms. Bibl. nat. nouv. acq. fr. 11042. On sait que le même roi Hakon (1217–1263) qui fit traduire le Mantel (Möttuls saga) a fait aussi traduire en norvégien un recueil de lais (strengleikar), dont plusieurs se trouvent également dans le ms. 1104, et l'on peut se demander si notre conte n'a pas fait partie de ce recueil norvégien, dont le ms. unique est incomplet de la fin. Cependant le fait même que la traduction du Mantel se trouve isolée, avec une préface à elle, semble attester le contraire. En tous cas le texte actuel du conte est très français et n'offre rien de normand ni d'anglo-normand.

Je n'ai pas à entrer ici dans l'examen des questions qui touchent à la Couronne en général : je me bornerai à dire que je ne saurais admettre, ni avec M. Warnatsch 3 que les allusions au manteau enchanté qui se trouvent dans le vaste poème de Henri du Türlin (vers 23495-506, 23656, 24087.4-112, éd. Scholl) nous autorisent à conclure que l'épreuve du manteau ait été dépeinte par Henri dans un poème particulier antérieur à la Couronne, ni avec M. G. Paris que Henri ait simplement voulu faire allusion à l'épreuve du manteau telle que lui et son auditoire la connaissaient par le Lanzelet d'Ulrich von Zatzikhoven. Avant d'avoir connaissance de ces deux hypothèses, j'étais arrivé à un résultat que je ne suis pas encore disposé à abandonner 6. C'est que Henri a décrit luimême une épreuve du manteau (cf. Crône, 23502: und daz ich die selbe klage und daz gemeine vrouwen leit dâ vor ê hân geseit an dem kopf und an dem mandel) et que cet épisode, inspiré sans doute par celui d'Ulrich, s'est probablement trouvé aux environs du v. 12601 (il ne reste plus, depuis le v. 12281, qu'un seul manuscrit du poème de Henri, celui-là partout fort altéré) 7. Voici mes raisons.

D'abord, Henri se plaît évidemment à peindre des tableaux plus ou moins grossiers, tels que ceux de la coupe et du gant, et il est difficile de

1. Vers 15640-772, éd. Potvin, tome III. Cet épisode, où le cor à boire est appelé Bounef (var. beneis, benoist serait-ce Beu-n'est?) rappelle très direc

tement le lai de Robert Biket.

2. Voy. Romania, VII, 2, et VIII, 33, 37 ss.

3. Voy. Bruchstück, etc., p. 85.

4. M. Warnatsch corrige très bien rihtaere en tihtaere.

5. Voy. Romania, XII, 461.

6. Wackernagel, Geschichte der deutschen Litteratur 21, 246, conclut de même à la perte de la partie du poème qui contenait l'épreuve du manteau. Cf. Bruchstück, p. 86.

7. Voy. Scholl, Diu Crône von Heinrich von dem Türlin, Stuttgart, 1852 (t. 'XXVII des publications du Litterarischer Verein), p. v.

croire qu'il se fût contenté de s'en référer, pour le bon morceau du manteau, à un poème quelconque autre que la Couronne, où en effet cette épreuve cadrerait si bien. Puis, la reine Guenièvre a justement besoin. d'une preuve aussi éclatante que possible de son innocence et de sa fidélité au roi. La reine a été enlevée par son frère Guotegrim, qui croit devoir la tuer à cause d'une fâcheuse et mensongère rumeur mise en circulation par Gasoein. Ce dernier survient inopinément et sauve la vie à la reine qu'il n'aime que trop passionément, de sorte qu'il faut que Gauvain vienne à son tour sauver l'honneur de celle-ci. Il n'y parvient pas sans peine un furieux combat reste indécis, et la reine est obligée de jurer que plus tard, si dans un nouveau combat Gauvain est vaincu par Gasoein, elle devra se soumettre à la volonté de ce dernier. Quand ils arrivent à Caridol, la cour tout entière se réjouit, il est vrai, mais le roi Artus semble bien avoir ses raisons de n'être pas tout à fait heureux, et notamment il ne goûte point les mauvaises plaisanteries de Kei. On procure aux deux chevaliers, qui sont grièvement blessés, deux bons médecins de Montbailliere, et enfin, après une année de maladie, Gauvain et Gasoein sont rétablis, Gasoein le premier. Avant la grande fête (v. 12546) de la Pentecôte, Gasoein va trouver le roi, qui était assis auprès de Karidohrebaz (c'est sans doute Karados Brehaz ou Bresbraz qu'il faut lire), raconte au roi tout ce qui s'est passé entre lui et Guenièvre, et jure avoir calomnié la reine en se disant son ancien fiancé ; il se repent, et il supplie Artus de lui pardonner. Artus lui accorde en effet sa grâce, et la reine ne se montre pas non plus irréconciliable. La grande fête doit commencer au jour de la Pentecôte. Une « aventure » se présente, mais dans le ms. de Heidelberg, c'est une autre que celle du manteau, qui pourtant aurait eu justement ici, il faut l'avouer, une place tout indiquée. Les soupçons d'Artus demandent naturellement une meilleure garantie que le repentir d'un amoureux qui relève de maladie. Et le fait même que Karados Bresbaz dont l'amie gagne partout le manse trouve nommé à cet endroit de la Couronne, et à cet endroit seulement, me semble confirmer mon hypothèse.

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Je ne me dissimule pas qu'il y a encore des difficultés à surmonter, mais elles ne me paraissent pas très graves. On peut demander comment un narrateur aura pu revenir par trois fois, dans diverses parties de son récit, à une même aventure, l'épreuve de fidélité, et encore lui donner des développements (parfois contradictoires) de sa façon. Mais ceci est simplement une preuve de l'énorme étendue de l'ouvrage conçu par cet infatigable compilateur. Les épisodes en question me semblent en effet

1. Montpellier; voy. E. Martin, Zur Gralsage, p. 21.

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