Immagini della pagina
PDF
ePub
[ocr errors]

nité et la légitimité des guerres entreprises et de les empêcher si elles ne paraissaient pas fondées. Sans doute les trêves de Dieu du moyen âge, dues à l'influence de l'Église qui cherchait à lutter contre les envahissements et les violences des hommes de guerre, étaient un progrès dans la voie de la pacification universelle, mais elles n'offrent qu'un rapport très éloigné avec les pratiques des Fétiaux romains. Néanmoins, il faut reconnaître que de grands efforts avaient été faits pour tenter de diminuer le nombre toujours croissant des guerres et des querelles entre seigneurs voisins. Déjà, en 994 et en 1003, les conciles de Limoges et de Poitiers avaient essayé d'établir un pacte de paix et de justice, de former une véritable ligue contre les excès de la féodalité; mais il était difficile d'interdire les guerres d'une façon absolue. Aussi plusieurs conciles d'Aquitaine changèrent la paix de Dieu en une simple trêve qui devait durer quarante jours après l'offense, puis du mercredi soir au lundi matin, à cause du respect que l'on doit à ces jours consacrés par la passion de Jésus-Christ, puis pendant le carême et l'avent. Ainsi la guerre était limitée et réglementée. Les lieux saints devaient toujours rester inviolables, les clercs, les marchands, les laboureurs, les récoltes, les instruments du travail devaient être respectés. Les nobles seuls, leurs soldats et leurs châteaux devaient souffrir de la guerre. Les trêves de Dieu, nées dans le midi de la France, se propagèrent rapidement dans le nord et jusqu'à l'étranger, où elles purent varier de durée, mais où elles conservèrent toujours leur caractère d'institution populaire et religieuse. Elles furent souvent violées par les princes dont elles lésaient les intérêts et blessaient les sentiments

belliqueux, mais il n'en est pas moins vrai qu'elles produisirent une grande amélioration sociale.

Comme on le voit, il y a loin de ces trêves de Dieu au collège des Fétiaux, et cependant leur but était le même: empêcher les guerres de se multiplier et assurer la paix universelle; c'est à ce titre que ces deux institutions méritent d'être rapprochées. A côté de ces trêves de Dieu, on retrouve au moyen âge, et même durant les premiers siècles des temps modernes, certaines formalités relatives aux déclarations de guerre; mais elles n'ont de commun avec ce qui se pratiquait à Rome en pareille occasion qu'un formalisme inutile et vide de sens qu'on est étonné de rencontrer chez des peuples civilisés. Ces formalités étaient loin de présenter les garanties de justice et d'équité que l'on était en droit d'attendre des représentants du peuple romain. Giovanini Villani nous apprend qu'à la fin du treizième siècle, en 1284, les Pisans, à la veille d'entreprendre une guerre contre la République de Gênes, firent jeter dans le port de celle-ci, en signe d'hostilité, des flèches d'argent (1). D'après Michelet, pendant toute la période du moyen âge, il était d'usage en Transylvanie et chez les peuples voisins de présenter à son ennemi, en signe de provocation, une épée ensanglantée, sans doute en souvenir de la hasta sanguinea (javelot ensanglanté) lancée par le Fétial romain sur le territoire ennemi au moment de la déclaration solennelle de la guerre (2). Un usage répandu dans toute l'Europe, et qui subsista jusqu'au commencement du dixhuitième siècle, restait aussi comme vestige de l'antique formalité romaine de la déclaration de guerre. Cet usage

(1) Giovanini Villani, apud Muratori, XIII, 294.

(2) Michelet, Origines du Droit français.

bizarre voulait que des ambassadeurs spéciaux appelés hérauts d'armes fussent chargés de porter les messages de paix et de guerre.

En l'année 1557, la reine Marie d'Angleterre envoyait au roi de France, Henri II, une lettre de défi qui lui fut remise par un messager de ce genre. Louis XIII, roi de France, employait un procédé analogue quand il déclarait la guerre à l'Espagne, en 1635; quelques années plus tard, Charles X, roi de Suède, faisait déclarer la guerre au peuple danois de la même façon (1657).

DEUXIÈME PARTIE

LE DROIT FÉTIAL ROMAIN

CHAPITRE PREMIER

CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE CE DROIT. SON ESPRIT.
SES TENDANCES

Le droit fétial tel qu'il fut pratiqué à Rome ne présente pas un ensemble de règles coordonnées avec art et disposées de façon à ne rien omettre de ce qui se rattachait aux relations internationales; il est même vrai de dire qu'il ne faut pas exagérer outre mesure l'importance de cette partie de la législation romaine et la présenter comme un ensemble parfait et exempt de tout reproche. Il est cependant, malgré ses erreurs et ses lacunes, et quoi qu'on en dise, le précurseur direct du droit international moderne. Grotius, dans son extrait de Jure pacis et belli, en parle avec éloges, et il ne serait pas surprenant qu'il y ait fait de nombreux emprunts, notamment dans la partie de son ouvrage où il traite des guerres justes et des guerres injustes.

De nos jours il existe, parmi certains auteurs, une tendance marquée à dénier au droit fétial ce caractère international et à contester jusqu'à son existence. Les Romains, disent-ils, belliqueux et guerriers par nature au

tant que par nécessité, ont dû faire bon marché des règles de justice et d'équité dans leurs rapports avec les peuples étrangers. Ils n'ont consulté que leurs besoins et leur caprice quand ils ont fait la plupart des guerres qui les ont rendus les maîtres du monde. M. Laurent et M. Accarias se distinguent tout particulièrement parmi les adversaires les plus acharnés du droit fétial romain. « Le développement du droit des gens, dit M. Accarias, implique la coexistence de plusieurs nations reconnaissant réciproquement leur indépendance et leur droit d'être, et entretenant ensemble une série de relations fondées sur une égalité complète ou approximative. Comment donc les Romains, qui ne connurent jamais que des ennemis à dompter ou des barbares dont ils vivaient séparés autant par le mépris que par la distance, eussent-ils réussi à fonder un véritable droit des gens (1)? »

A l'appui de leurs dires, ces auteurs citent des textes anciens qui, pris isolément et à la lettre, donnent, il est vrai, une apparence de vérité à leurs assertions, et on serait tenté de croire, en les lisant, que les lois romaines refusaient à l'étranger et le droit de posséder et le droit de vivre. Ne voyons-nous pas, en effet, aux Instituts de Justinien, cette singulière définition du mot esclave: «< Les esclaves sont nommés ainsi parce que les généraux sont dans l'usage de faire vendre les prisonniers et par là de les conserver (servare) au lieu de les tuer (2). » C'est encore la même idée que l'on retrouve à un autre passage: « Ce que nous prenons sur les ennemis d'après le droit des

(1) Accarias, Précis de droit romain, tome I, p. 6.— Adde: Laurent, Histoire du droit des gens, tomeIII, page 9.

(2) Justinien, Instituts, livre I, titre III, § 3.

« IndietroContinua »