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PREMIÈRE PARTIE

POUVOIR CONSTITUANT

CHAPITRE PREMIER

HISTORIQUE

SECTION PREMIÈRE

ANTIQUITÉ

L'idée de pouvoir constituant n'est antérieure que de quelques années à la Révolution française; on chercherait vainement des traces de cette idée, soit dans l'antiquité, soit au moyen âge. L'antiquité, qui a enfanté des constitutions importantes et produit des écrivains politiques de grande valeur, n'a pas su dégager la théorie du pouvoir constituant. Il est cependant incontestable que, même à cette époque, la fonction constituante s'est trouvée exister. Celui ou ceux qui ont fait les constitutions anciennes ont exercé sans s'en douter les fonctions réservées de nos jours au pouvoir constituant. Ils ont agi inconsciemment, car aucun écrivain politique de l'antiquité n'a établi la distinction qui existe à notre époque; ni Socrate, ni Platon, ni Aristote, malgré son essai de séparation des pouvoirs, ni Cicéron n'ont entrevu la théorie du pouvoir constituant telle qu'on la comprend depuis un siècle. En fait, la fonction

constituante fut, la plupart du temps, remplie par un seul homme qui était chargé par ses concitoyens, ou qui se chargeait lui-même de donner des lois à un pays, lois que ratifiait la plupart du temps l'ensemble des citoyens dans un vote populaire.

Dans les temps les plus reculés, nous voyons l'Égypte, l'Inde, la Perse et l'Assyrie, courbées sous le joug d'un gouvernement théocratique, obéir aveuglément aux injonctions d'un pouvoir où dominait l'élément sacerdotal.

Les prêtres sont les représentants de la divinité et commandent en son nom.

Même forme de gouvernement chez les Hébreux, où toute la législation se réduit à un dogme: l'unité et la souveraineté de Dieu. Cependant, chez eux, le gouvernement n'est pas une théocratie de caste, comme dans l'Inde, l'Égypte et l'Assyrie, où les prêtres ont tout, pouvoir et richesses; ici ils ne sont que les ministres, les délégués de Dieu à qui remonte réellement l'autorité. Le sanhedrin ou conseil suprême interprète la loi et délibère sur les affaires politiques, il est le contre-poids de l'autorité sacerdotale; néanmoins tout relève de Dieu, c'est lui qui est le véritable souverain.

En Grèce, nous trouvons des idées différentes: le pouvoir émane de la généralité des citoyens. Ceux-ci sont appelés à délibérer sur les affaires publiques, au moins à Athènes et à Sparte, les deux états les plus puissants de l'ancienne Grèce. Ici, nous trouvons des constitutions véritables élaborées par les rois et acceptées ensuite par le peuple.

Athènes, qui fut pendant longtemps la reine de la Grèce, vit plusieurs fois ses lois fondamentales complètement

remaniées et changées suivant les besoins de la société. Le premier législateur dont l'histoire nous ait conservé le nom est Thésée, qui divisa le peuple en trois classes de citoyens: nobles, laboureurs, artisans; sa législation modérée et pacifique assura la prospérité d'Athènes pendant plusieurs siècles.

Solon (593) vint ensuite, qui substitua l'aristocratie de fortune à l'aristocratie de naissance : il divisa les citoyens en quatre classes d'après leurs revenus (1); ces quatre classes formaient l'assemblée du peuple en qui résidait la souveraineté. Pour faire contrepoids à cette assemblée souveraine Solon avait établi deux corps politiques distincts: le sénat, qui discutait toutes les affaires avant qu'elles ne fussent portées devant l'assemblée du peuple, et l'Aréopage ou tribunal suprême, auquel étaient attribuées des fonctions multiples, entre autres le soin de maintenir la constitution et de veiller à son fonctionnement régulier.

Le soin de rechercher les changements à apporter dans la législation appartenait spécialement aux Thesmothè tes (2). Leurs propositions étaient présentées à l'examens du Sénat qui avait toujours le droit de les rejeter, mais non de les convertir en lois. Si le Sénat les approuvait, il convoquait l'assemblée du peuple et lui faisait part du projet à lui soumis par les Thesmothètes; le peuple, avant de se prononcer, nommait cinq orateurs pour défendre l'ancienne loi et renvoyait à un jour ultérieur les débats contradic

(1) Plutarque, Vie de Solon, p. 18.

(2) Ainsi nommés parce qu'ils portaient des lois (nop.contatv). C'étaient les six derniers archontes, les trois premiers avaient des noms spéciaux: le premier s'appelait Eponyme, parce qu'il donnait son nom à l'armée; le second Archonte-roi, parcequ'il présidait aux sacrifices réservés jadis aux rois, et le troisième Polémarque ou ministre de la Guerre..

toires. Au jour fixé,le peuple réuni écoutaitles orate urs pour ou contre, puis nommait une commission composée d'anciens juges. Celle-ci entendait de nouveau les orateurs; si elle rejetait la proposition, son jugement était sans appel; si elle l'approuvait, elle réunissait l'assemblée du peuple qui devait enfin voter et se prononcer d'une façon définitive. La proposition ainsi admise devenait loi de l'État (1). L'œuvre de Solon était inspirée par une idée nouvelle pendant de longs siècles, la religion avait été l'unique principe de gouvernement; désormais le principe sur lequel se fonda le gouvernement des cités fut l'intérêt public. A ce propos quelqu'un demandait un jour à Solon s'il croyait avoir donné à sa patrie la constitution la meilleure: «Non pas, répondit-il, mais celle qui lui convient le mieux. « Les anciennes constitutions, dit M. Fustel de Coulanges, fondées sur les règles du culte, étaient proclamées infaillibles et immuables; elles avaient eu la rigueur et l'inflexibilité de la religion; désormais les constitutions politiques devront se conformer aux besoins, aux intérêts des hommes de chaque époque; il ne s'agira plus de vérité absolue, les règles du gouvernement devront être flexibles et variables. La politique prend le pas sur la religion,et le gouvernement des hommes devient chose humaine (2). »

Sparte, qui fut la rivale souvent heureuse d'Athènes, eut, elle aussi, une constitution dont on attribue généralement la rédaction à Lycurgue; mais il paraît démontré aujourd'hui que celui-ci n'a point imaginé cette con

(1) Eschine, discours contre Ctesiphon, 38; contre Timocrate, 434.

Démosthènes, discours

(2) Fustel de Coulanges, la Cité antique, pages 413 et 414.

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