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lui attribue. Ainsi donc, par cela seul que j'existe et l'idée de Dieu est en moi, l'existence de Dieu est démontrée.

que

On reconnaît, dans cette démonstration, la vigueur de l'esprit de Descartes à l'enchaînement des propositions et à l'exacte énumération de toutes les hypothèses possibles. Cependant elle ne satisfait pas entièrement l'esprit, et il n'est personne en la lisant qui ne se trouve arrêté par plusieurs assertions à tout le moins contestables.

Ainsi, par exemple, quand Descartes dit que, si je m'étais fait moi-même, je me serais donné toutes les perfections dont j'ai l'idée, parce qu'il est moins difficile de se donner les autres perfections que de se donner la substance, il y a au moins de la bizarrerie dans cette façon de parler, et l'esprit ne saisit pas bien pourquoi il est plus difficile de se donner la substance que de se donner la perfection. Comme nous ne comprenons pas ce que c'est que de se donner la substance, et que nous ne comprenons pas davantage ce que c'est que de se donner la perfection, nous ne pouvons guère décider, de ces deux difficultés incompréhensibles, quelle est la plus difficile. Descartes aurait pu dire plus simplement que l'être qui existe par lui-même, si un tel être existe, a nécessairement toutes les perfections, et cette proposition, ainsi rétablie, ne paraît pas pouvoir être contestée.

Il en est à peu près de même de cette opinion, que la durée d'une substance n'est qu'une création continuée, d'où Descartes conclut, qu'étant imparfaits, nous n'avons pas seulement besoin d'une cause qui nous ait produits, mais d'une cause qui nous conserve, et par conséquent d'une cause actuelle. Au fond, il est très-vrai que, n'ayant pas d'autre raison d'être que la volonté du Créateur, nous n'avons pas non plus d'autre raison de durer; mais, d'une part, Descartes complique assez mal à propos cette idée simple de sa théorie de la création continuée; et de l'autre, si on convient que nous avons besoin, pour subsister, d'une cause conservatrice, cet aveu comporte la reconnaissance de l'existence de Dieu, et la démonstration devient superflue.

Enfin, la dernière assertion de Descartes, que l'unité et la simplicité est le principal caractère que notre esprit attribue à la perfection, paraîtra sans doute incontestable aux rationalistes, et très-contestable aux autres philosophes. D'où il suit que la plupart des propositions dont se compose cet argument ont le défaut de rendre le reste de la démonstration inutile, si on les admet, et le défaut plus grand de ne pouvoir être admises que par les philosophes de l'école rationaliste.

On trouve encore, dans le Discours de la Méthode et dans les Méditations, une troisième démonstration de l'existence de Dieu, qui n'est autre que la fameuse

preuve connue sous le nom d'argument de saint Anselme, et qui consiste à conclure directement l'existence de Dieu de l'idée de Dieu1. Voici à peu près comment on peut l'exposer, d'après saint Anselme, Descartes et Leibnitz.

J'ai en moi l'idée de Dieu, c'est-à-dire d'un être parfait, d'un être qui a toutes les perfections. Or, l'existence étant une perfection, je ne puis, sans absurdité, supposer que l'être parfait n'existe pas.

Il faut faire un assez grand effort pour entendre cet argument dans cette extrême brièveté. Nous donnerons tour à tour la formule de saint Anselme, celle de Descartes, et la formule plus perfectionnée de Leibnitz.

<< Il est impossible, dit saint Anselme3, de penser que Dieu n'existe pas; car Dieu est, par définition, un être tel qu'on n'en peut concevoir de plus grand. Or, je puis concevoir un être tel qu'il soit impossisible de penser qu'il n'est pas; et cet être est évideminent supérieur à celui dont je puis supposer la nonexistence: donc, si l'on admettait qu'il est possible de penser que Dieu n'existe pas, il y il y aurait un être

1. « La preuve de l'existence de Dieu la plus belle, la plus relevée, la plus solide et la première, ou celle qui suppose le moins de choses, c'est l'idée que nous avons de l'infini. Car il est constant que l'esprit aperçoit l'infini, quoiqu'il ne le comprenne pas. » Malebranche, Recherche de la vérité, liv. III, II partie, chap. vI.

2. Discours de la Méthode, IV partie. Cinquième Méditation. - Les Principes de la philosophie, Ire partie, S 14.

3. Proslogium, cap. III.

plus grand que Dieu, c'est-à-dire un être plus grand que l'être tel qu'on n'en peut concevoir de plus grand, ce qui est absurde. >>

En exposant cette même preuve dans la cinquième Méditation, Descartes l'a développée et fortifiée. Je ne puis, dit-il, concevoir une montagne sans vallée, ni un triangle rectiligne dont les trois angles ne soient pas égaux à deux angles droits; et de même je ne puis concevoir Dieu sans existence, puisque l'existence est une perfection, et que Dieu est la somme de toutes les perfections. On pourrait objecter, continue-t-il encore, que, si je ne puis concevoir une montagne sans vallée, cela ne prouve pas qu'il y ait une montagne ni une vallée, mais seulement qu'elles ne pourraient exister l'une sans l'autre ; et que de même, si je ne puis concevoir Dieu sans l'existence, parce que Dieu est parfait, cela ne prouve pas que Dieu existe, mais seulement qu'il ne saurait être parfait sans exister. Or, cette objection n'est que spécieuse, puisque c'est l'existence même, et non telle autre qualité, qui est inséparable de la notion de Dieu. « Car il n'est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence, c'est-à-dire un être souverainement parfait sans une souveraine perfection, comme il m'est libre d'imaginer un cheval sans ailes ou avec des ailes1. >>

1. Descartes a résumé son argument sous la forme suivante dans sa Réponse aux objections recueillies par le père Mersenne :

« Dire que quelque attribut est contenu dans la nature ou dans le

De grands esprits ont jugé ce raisonnement inattaquable; Leibnitz s'appliqua même à le perfectionner, en allant au-devant d'une objection qu'on pourrait faire1. Ce raisonnement, suivant lui, démontre péremptoirement que, si Dieu est possible, il est nécessaire. En effet, tout consiste à établir que la définition même de Dieu implique l'existence de Dieu; il faut donc avant tout que Dieu ait une définition, c'est-àdire que Dieu soit possible, ou, en d'autres termes, que l'idée d'un être parfait ne soit pas une idée contradictoire. Leibnitz crut donc avoir donné à l'argument de saint Anselme le dernier degré de rigueur et de clarté, en l'exprimant par la formule suivante :

« L'être dont l'essence implique l'existence, existe, s'il est possible, c'est-à-dire s'il a une essence (c'est un axiome d'identité, qui n'a pas besoin de démonstration).

<< Or, Dieu est un être dont l'essence implique l'existence (par définition);

Donc, si Dieu est possible, il existe (par la seule force de l'idée que nous en avons)1. »

concept d'une chose, c'est le même que de dire que cet attribut est

vrai de cette chose, et qu'on est assuré qu'il est en elle.

« Or, est-il que l'existence nécessaire est contenue dans la nature et dans le concept de Dieu. Donc, il est vrai de dire que l'existence nécessaire est en Dieu, ou que Dieu existe. »

1. Leibnitz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, liv. IV, chap. x.

1. << Ens, ex cujus essentia sequitur existentia, si est possibile,

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