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PREMIÈRE PARTIE.

LA NATURE DE DIEU.

CHAPITRE PREMIER.

RÉFLEXIONS SUR LES PREUVES DE L'EXISTENCE DE DIEU.

<< Tout ce qui naît doit nécessairement venir de quelque chose; mais il est difficile de trouver l'auteur et le père de l'univers, et impossible, après l'avoir trouvé, de le faire connaître à tout le monde. » Platon, le Timée, trad. de M. V. Cousin, t. XII, p. 147.

Il y a sans doute, dans notre société tristement agitée, des hommes qui vivent sans penser à Dieu. Ils ne le nient pas; ils ne le discutent pas : ils l'oublient. Uniquement attachés à leurs intérêts et à leurs passions, ils s'occupent de bien vivre et de ne pas songer à la mort. Quelque longue que soit la tragédie, elle finit toujours pour eux à l'improviste; et la dernière heure les trouve tout remplis de la pensée, de l'amour des stériles biens qui vont leur être ravis pour jamais.

Ces indifférents ne sont pas le grand nombre; la plupart des hommes croient fermement à l'existence de Dieu. Trop souvent leur foi n'est ni agissante ni réfléchie; ils ne se rendent pas compte de leur croyance, ils ne sauraient pas, au besoin, la justifier, et dans la pratique de la vie, ils agissent comme s'ils ne croyaient pas; mais ils se retrouvent, pour ainsi dire, eux-mêmes dans les circonstances solennelles. On les voit prier sur un tombeau, sur un berceau. Quoiqu'ils n'habitent pas, comme les philosophes, le monde invisible, ils savent que ce monde les attend, et qu'il est leur véritable patrie. Le nom de Dieu vient naturellement sur leurs lèvres dans leurs besoins, dans leurs peines. Ils sentent confusément que Dieu est le principe de toute morale et de toute science, et qu'abandonner cette vérité première, c'est se jeter dans le scepticisme et livrer son âme au néant.

En cherchant les causes qui font dominer cette croyance salutaire, on pourra compter sans doute l'influence de la religion, de l'éducation, de la philosophie; mais il faut reconnaître en même temps qu'il y a dans l'esprit et dans le cœur de l'homme un instinct secret et comme une force naturelle qui l'entraînent vers Dieu. Le spectacle du monde nous instruit; les douleurs de la vie, en nous montrant notre faiblesse, nous contraignent à chercher un consolateur; et la joie elle-même, dans une âme noble, fait naître un sentiment de reconnaissance et de piété. Plus l'on vit, plus l'on se pénètre de l'impossi

bilité d'admettre le néant et de la nécessité de croire qu'il y a un Dieu au-dessus de nous.

Fortifiée à notre insu par tous les événements qui ont laissé leur trace dans notre âme, la croyance à l'existence de Dieu finit par faire en quelque sorte partie de nous-mêmes. Nous la sentons tellement nécessaire et tellement irrésistible, que, sans réfléchir, sans comprendre, nous nous reposons sur elle avec confiance et sécurité, comme on s'appuie sur l'amour et la protection d'un père.

Il est consolant de penser que cette conviction et cette confiance se rencontrent, avec la même force, dans toutes les classes de la société; que tous les peuples, divisés sur tout le reste, sont d'accord sur ce point; que la foi religieuse est antérieure à la civilisation, et qu'elle en est très-certainement la première institutrice; que les voyageurs ne découvrent pas une nouvelle peuplade sans y reconnaître au moins les éléments d'un culte grossier, et que l'histoire, aussi loin qu'elle remonte, voit partout Dieu associé aux premières pensées et aux premiers sentiments de l'homme. La foi bienfaisante que nous trouvons au dedans de nous, et que l'usage de la vie ne fait que développer et accroître, rencontre de tous côtés au dehors une foi analogue. Cette communauté de croyance et de sentiment fait de l'humanité une seule famille.

Depuis Platon, qui a démontré l'existence de Dieu

dans le Timée et dans les Lois', et Aristote, qui l'a démontrée dans le XII livre de la Métaphysique, les écoles se sont transmis l'une à l'autre un certain nombre d'arguments en forme, que l'on a successivement améliorés, et qui, renouvelés, pour ainsi dire, par Descartes et Leibnitz, sont encore aujourd'hui le fond de l'enseignement. Ces arguments sont pleins de force, si l'on considère surtout le principe sur lequel ils reposent pour la plupart, et qui est d'une incontestable vérité; mais dans leur forme ils n'ont ni solidité ni efficacité. Ce sont des propositions justes, et de médiocres raisonnements. Ils ne changeront jamais l'âme des athées; ils ne sauraient suffire pour ramener les esprits hésitants et incertains. Nous allons les passer sommairement en revue, à cause de leur importance historique, sans nous faire aucune illusion sur les résultats qu'on en peut attendre. Leur inutilité nous consolera de leur faiblesse. Nous savons que certaines âmes éprouvent le besoin de raisonner leurs croyances, de les contrôler, d'en approfondir en quelque sorte la teneur, d'en développer toutes les conséquences, de les dégager de ce qui peut rester en elles d'obscur, d'incomplet, de paradoxal; mais pour parvenir ainsi à transformer

1. « Comment peut-on sans indignation se voir réduit à prouver l'existence des dieux? On ne saurait s'empêcher de voir avec colère, de haïr même ceux qui ont été et sont encore aujourd'hui la cause qui nous y force. » Platon, Les Lois, liv. X (trad. de M. Cousin, t. VIII, p. 218.)

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