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en dogme philosophique notre croyance instinctive et irréfléchie à l'existence de Dieu, ce qu'il faut, c'est une série d'études, une longue et persévérante méditation. L'habitude de retrouver Dieu partout, comme le fondement nécessaire de toute vérité et de toute réalité, rend notre foi également précise et vivante. On ne saurait attendre un tel résultat de deux ou trois syllogismes. Ces arguments si vite parcourus, pour arriver à une conclusion de cet ordre, ont quelque chose de peu rassurant. On a beau en reconnaître la solidité, l'esprit se sent intimidé et arrêté par la grandeur du résultat. Il lui faut un chemin plus long, plus de temps pour rassembler ses forces et pour s'accoutumer aux splendeurs de la majesté divine. Nous croyons, par un invincible instinct, à l'existence de Dieu; mais, pour établir scientifiquement notre croyance, ce n'est pas trop de la science humaine tout entière1.

était

Lorsque Descartes entreprit de faire une démonstration en règle de l'existence de Dieu, il y forcé par la situation où il s'était mis volontairement. Afin de chasser de son esprit tous les préjugés con

1. « Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes, et si impliquées, qu'elles frappent peu, et quand cela servirait à quelques-uns, ce ne serait que pendant l'instant qu'ils voient cette démonstration; mais une heure après, ils craignent de s'être trompés» Pascal, Pensées, art. 10; édit. Havet, p. 156.

tradictoires que l'éducation y avait fait entrer, et de ne plus admettre aucune opinion dont il ne connût exactement l'origine et la valeur, il avait fait table rase dans sa pensée, et renoncé à toutes ses croyances sans exception. Ce scepticisme, qui n'avait pas pour but de cesser de croire, mais de commencer à croire avec plus de raison et d'autorité, est ce que l'on a appelé le doute méthodique. Descartes en sortit par cette remarque, qu'il pouvait douter de tout, hormis de son doute, et par conséquent de sa pensée et de son être. Saint Augustin, avant lui, avait dit précisément la même chose : « Je suis sûr de mon existence, dit-il dans la Cité de Dieu; et en cela, je ne crains pas qu'on m'accuse de me tromper, car, même pour se tromper, il faut être'. » Une fois en possession de sa propre existence, Descartes se demande ce qu'il est, et il répond qu'il est un être pensant. Cette réflexion le conduit à examiner les différentes idées auxquelles il pense, et la première qui l'arrête, c'est l'idée d'un être parfait. Qu'est-ce que cette idée? Estelle une pure chimère? ou se rapporte-t-elle à quelque objet réellement existant? C'est ainsi que Descartes

1. « Prius abs te quæro utrum tu ipse sis: an tu fortasse metuis «ne in hac interrogatione fallaris, cum utique si non esses, falli << omnino non posses? Mihi esse me, idque nosse et amare, cer<< tissimum est. Nulla in his vero academicorum argumentorum for<< mido, dicentium : Quid si falleris? Si enim fallor, sum; nam qui << non est, utique nec falli potest; ac per hoc, sum, si fallor. >> Lib. II De libero arbitrio, cap. III, et lib. II de Civ. Dei, cap. XXVI.

se trouve amené, dès le début de sa philosophie, à démontrer l'existence de Dieu.

J'ai l'idée d'un être parfait, dit-il' or, je ne suis pas moi-même un être parfait, car je doute. J'ai bien encore d'autres idées, par exemple, le ciel, la terre, les animaux; mais pour celles-là, je puis les avoir formées moi-même, car il n'y a rien en elles que je ne puisse tirer de moi par voie d'analyse ou de composition, tandis que la perfection est quelque chose de supérieur à moi, dont je ne puis m'être formé l'idée à l'aide des choses imparfaites que je connais. Donc Dieu existe.

On pourrait développer, ou, pour parler plus exactement, détailler cette démonstration de la manière suivante :

J'ai en moi l'idée de Dieu, c'est-à-dire l'idée de l'infini : comment y est-elle ?

Elle ne peut y être que par une de ces deux raisons: Ou parce que l'infini existe, et alors il est parfaitement naturel que j'en aie l'idée;

Ou parce que, l'infini n'existant pas, je me suis formé moi-même l'idée que j'en ai.

Or, est-il possible que j'aie moi-même formé l'idée de l'infini qui est en moi?

Je n'ai que deux façons de me former l'idée d'un

1. Discours de la Méthode, IV partie. Troisième Méditation. Principes de la philosophie, Ire partie, § 17 et 18.

objet qui n'existe pas, ou par voie d'atténuation, en supprimant par la pensée quelques-unes des qualités d'un objet existant, ou par voie d'amplification, en réunissant dans une même idée les qualités de plusieurs objets.

L'infini ne peut être une atténuation du fini; il ne peut, non plus, être une collection de qualités finies, car un grand nombre de choses finies ne font qu'un grand nombre de choses finies, et ne font pas une chose infinie.

On ne lève pas la difficulté en supposant que, si je conçois un être fini, abstraction faite de tout ce qui le limite, je m'élève ainsi à la notion de l'infini. C'est retomber dans l'hypothèse que nous venons d'écarter; car si on ne peut produire l'infini en réunissant un nombre indéterminé de choses finies, on ne peut pas le produire davantage en multipliant un nombre de fois indéterminé une chose finie par elle-même.

Donc je ne puis avoir l'idée de l'infini qu'à la seule condition que l'infini existe.

Cette démonstration est aussi solide que simple. Par malheur, elle ne s'adresse qu'à des esprits convaincus que l'idée de l'infini est en nous, et qu'elle ne peut y être formée par la réunion de plusieurs autres idées. Or, il s'en faut que tous les sensualistes tombent d'accord sur le premier point, et leur thèse consiste précisément à nier le second. Ainsi la preuve de Descartes n'a de valeur que pour les philosophes

qui ont le moins besoin qu'on leur démontre l'existence de Dieu.

Après cette démonstration, il en fit une autre beaucoup plus compliquée, et que l'on peut résumer

ainsi :

Je suis et j'ai l'idée de Dieu', donc je ne suis pas l'auteur de mon être; car, si je l'étais, je me serais donné toutes les perfections dont j'ai en moi quelque idée, m'étant déjà donné de toutes les choses la plus difficile à acquérir, à savoir, la substance. Si l'on suppose que j'ai toujours été ce que je suis maintenant, cela ne me dispense pas d'avoir une cause, car la durée d'une substance finie n'est que la répétition non interrompue de l'acte par lequel elle est produite. Recourir à mes parents, ou à quelque autre cause moins parfaite que Dieu, ce n'est rien expliquer, puisque je pourrai toujours dire d'une telle cause ce que je viens de dire de moi-même On ne peut supposer une série infinie de causes successives, car il ne s'agit pas de trouver seulement une cause qui produise, mais une cause qui conserve, et par conséquent une cause actuelle. Enfin, plusieurs causes n'ont pas concouru à ma formation, et ajouté chacune quelque perfection à la notion que j'ai de la perfection de Dieu; car l'unité et la simplicité est le principal caractère que je

1. Discours de la Méthode, IVe partie.

Troisième Méditation.

Les Principes de la philosophie, Ire partie, § 20 et 22.

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