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en nous le vouloir et le faire » operatur in nobis velle et perficere: « que c'est lui qui prépare les cœurs, » voluntas præparatur a Domino : en un mot, que c'est lui qui nous fait vouloir, comme il le dit en plusieurs endroits, et après lui le pape Célestin, ou l'auteur du recueil : Agit quippe in nobis, ut quod vult, et velimus et agamus? Pourquoi donc M. Arnauld se sert-il de ces passages des Pères pour appuyer la manière dont il prétend que la grâce agit en nous? Question qui n'était point agitée du temps de saint Augustin, et sur laquelle néanmoins ce saint docteur s'explique assez clairement dans la seconde question à Simplicien : ouvrage qu'il a fait étant évêque, qu'il cite et approuve dans ses derniers ouvrages', et duquel il dit ces paroles: In cujus quæstionis solutione elaboratum est quidem pro libero arbitrio voluntatis humanæ; sed vicit gratia Dei.

XII. Les pélagiens soutenant qu'il n'y avait que la rémission des péchés qui fùt gràce purement gratuite, et que la vie éternelle se donnait aux mérites précédents, voici ce que saint Augustin dit qu'il leur faut répondre · Si enim merita nostra sic intelligerent, ut etiam ipsa dona Dei esse cognoscerent, non esset reprobanda ista sententia: quoniam vero merita humana sic prædicant, ut ea ex semet ipso habere hominem dicant, prorsus rectissime respondet apostolus, quis enim te discernit, elc.? Comment, Monsieur, accorder cela avec ce que dit M. Arnauld, « que les mérites qui sont l'effet d'une grâce de laquelle nous usons bien ou mal, comme il nous plaît, ne sont pas proprement des dons de Dieu? » Comment accorder ce passage avec son dogme nouveau? et comment peut-il, en conscience, traiter de pélagiens ceux qui demeurent d'accord que nous devons à la grâce tous nos mérites, et que l'homme par lui-même et sans le secours du ciel ne peut ni faire le bien ni même vouloir le faire? Voici

'De Prædest., cap. 4, de doni Persever., cap. 21, de Grat. et lib. Arb., cap. 6.

deux passages de saint Augustin, qui suffisent seuls pour obliger M. Arnauld à se taire. Hoc quippe ita dicunt, dit ce Père, velut homo a seipso sine adjutorio Dei habeat propositum bonum studiumque virtutis, quo merito præcedente, dignus sit adjuvari Dei gratia subsequente. Ad Bonifac., lib. I, cap. 9. Voici le second passage: Si consenserit, dit saint Augustin parlant de Pélage, etiam ipsam voluntatem et actionem divinitus adjuvari, ut sine illo adjutorio nihil bene velimus et agamus; eamque esse gratiam Dei per Jesum Christum Dominum nostrum, in qua nos sua, non nostra justitia, justos facit, ut ea sit vera nostra justitia, quæ nobis ab illo est : nihil de adjutorio gratiæ Dei, quantum arbitror, inter nos controversiæ relinquetur. De Grat. Christi, cap. 47.

XIII. Si je ne craignais point de m'éloigner trop de mon sujet, et qu'on s'imaginât que je voulusse prendre la défense d'un ouvrage que je n'approuve nullement, je continuerais l'examen de la seconde partie du livre de M. Arnauld contre M. Mallet; et peut-être que j'y ferais voir que M. Arnauld ne conçoit pas trop bien ce qu'il lit : qu'il vaut mieux ne point citer les Pères, que de leur mettre dans la bouche des paroles fort opposées à leurs sentiments; et qu'ainsi, lui qui dogmatise, car c'est dogmatiser que de faire de nouveaux dogmes, n'a pas eu trop de droit de me donner cet avis charitable, par lequel il m'accuse indirectement de bien des choses: « Que je dois chercher plutôt l'intelligence des mystères de la grâce dans la lumière des saints que dans mes propres pensées. »

XIV. En effet, on m'a fait un crime de ce que je n'avais point cité saint Augustin dans le Traité de la Nature et de la Grâce. La raison néanmoins en est évidente à ceux qui examinent avec équité le dessein de ce Traité et je n'ai rien à ajouter pour ma justification, aux raisons qu'en donne l'auteur de l'extrait d'une lettre imprimée à la tête de ce même Traité. Personne n'a jamais tant cité saint Augustin, que Jansenius cela me suffit. Mais je veux bien qu'on sache la

:

conduite que j'ai tenue dans. le Traité de la Nature et de la Grâce, et dans tous les sujets que j'examine, qui ont quelque rapport à la foi. Le dogme, je le cherche ou dans les Pères; ou pour abréger le travail, lorsqu'on n'a pas assez de loisir, et éviter les écueils, je le cherche dans les définitions des conciles. Je dis pour éviter les écueils et épargner le travail, car Jansenius est un bon témoin, aussi bien que quelques autres, qu'il est plus facile et plus sûr de s'instruire, par exemple, des dogmes de la grâce dans le concile de Trente, que dans les ouvrages de saint Augustin. Mais lorsque le dogme m'est clairement connu, alors je ne crains point de m'égarer dangereusement, lorsque je l'ai toujours en vue, et que toutes mes réflexions ne tendent qu'à le prouver, ou à l'appuyer. Je tàche ainsi de faire servir le peu que j'ai de lumière, pour soutenir ma foi par quelque intelligence de la vérité. Je trouve beaucoup d'utilité pour mon édification particulière, et celle de quelques autres, dans cette conduite. Je suis en cela le conseil que donne saint Augustin en plusieurs endroits. Je suis son exemple, celui des Pères, celui de tous les théologiens qui cherchent les dogmes dans la parole de Dieu écrite ou non écrite, et se servent de la raison pour les éclaircir.

XV. Je me suis peut-être trop étendu sur le sentiment qu'a M. Arnauld touchant la prédestination gratuite; mais, Monsieur, ce que je viens de vous dire, a plus de rapport au Traité de la Nature et de la Grâce, que les livres des Vraies et des Fausses Idées. Ceci n'est pas si long que son ouvrage. La Réponse à M. Mallet est plus nouvelle que la Recherche de la Vérité. Ainsi, après le livre que notre ami vous a adressé, vous ne devez pas être surpris de tout ce que je viens de vous dire. Car enfin, l'examen de ceci me parait pour M. Arnauld de plus grande conséquence que les meilleurs ouvrages qu'il pourrait composer. Plût à Dieu, Monsieur, qu'il voulût bien se défaire pour quelque temps de ses anciens préjugés, et arracher la poutre qui l'aveugle, avant que de prétendre éclairer les autres!

CHAPITRE IV.

Quels sont les principes du Traité de la Nature et de la Grâce, et ce que doit faire M. Arnauld pour renverser cet

ouvrage.

I. C'est une chose assez nouvelle de solliciter son ami

qu'il devienne son critique, et un critique public. Cependant, c'est à quoi m'oblige la conduite de M. Arnauld, jointe à sa réputation, qui donne cours et autorité au jugement qu'il a porté en général contre le Traité de la Nature et de la Grâce, duquel jugement je voudrais bien mettre la vérité à couvert. M. Arnauld devait, ce me semble, répondre à la civilité que je lui avais faite, de lui envoyer manuscrit ce Traité. II n'avait qu'à me marquer précisément où je me trompais, ce que je n'ai pu encore apprendre de personne depuis que ce livre est composé; ou me renvoyer mon manuscrit, et me faire dire qu'il n'avait pas le loisir de l'examiner j'eusse été content, et la vérité sans atteinte. Mais ayant rendu jugement public, par la bouche de ses amis, contre les formes auxquelles il s'était engagé, je n'ai point pour ma justification d'autre défense que de tâcher d'exciter les esprits, M. Arnauld, et tous mes juges, à l'examen de mes sentiments, et tâcher ainsi de faire paraître la lumière de la vérité, pour dissiper les bruits qu'on a fait courir.

II. Car vous devez, Monsieur, prendre garde que j'ai sur les bras deux puissants adversaires, M. Arnauld et sa réputation. M. Arnauld, la terreur des pauvres auteurs, mais qu'on ne doit pas néanmoins craindre beaucoup lorsqu'on défend la vérité; et sa réputation, qu'on a grand sujet d'appréhender, quelque vérité qu'on soutienne; car c'est un fantôme épouvantable qui le précède dans les combats, qui le déclare victorieux, et par lequel je suis déjà depuis trois ans au nombre des vaincus. Mais comme les coups que donne un fantôme ne sont point mortels, que la lumière les guérit, et

fait même évanouir le fantôme qui les a portés, j'espère qu'enfin on s'appliquera sérieusement à l'examen de mes principes, qu'on ne croira pas M. Arnauld, sur sa parole, touchant un ouvrage contraire au parti qu'il a pris depuis longtemps, et qu'on me rendra la justice que j'ai toujours espérée des lecteurs éclairés et équitables.

III. C'est pour cela, Monsieur, que j'ai prouvé dans le chapitre précédent, que M. Arnauld était indispensablement obligé à examiner le Traité de la Nature et de la Grâce, et que j'y ai parlé de son dogme prétendu, afin de l'obliger par là à méditer sérieusement mes principes, qu'il ne conçoit peutêtre pas encore assez clairement. Mais pour lui en faciliter l'intelligence, et l'empêcher de prendre ou donner le change, comme il le donne presque à chaque page de son livre des Vraies et des Fausses Idées, où il trouve autant de variations que les termes dont je me sers ont de sens différents; je crois devoir dans ce chapitre lui marquer comment il doit battre le Traité par les fondements.

IV. En voici, Monsieur, le dessein : J'y prétends justifier la sagesse et la bonté de Dieu dans la construction de son ouvrage. Je prétends faire taire les libertins et les impies, qui attribuent à une nature aveugle les déréglements de l'univers, et l'univers même; et certains théologiens ou philosophes outrés, qui prétendent que Dieu n'a pas une volonté sincère de sauver tous les hommes. Mais les principes que j'ai établis vont encore infiniment plus loin. Je n'en sais point dont les conséquences soient plus avantageuses à la religion; et j'espère qu'on en reconnaîtra l'utilité à proportion qu'on se les sera rendus familiers. Voici comme on peut découvrir ces principes.

C'est, par exemple, une proposition de foi que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés; et il est certain que tous ne le sont pas. Or rien ne peut résister à Dieu que Dieu même il peut, sans blesser la liberté, sauver tant de nations qui périssent. Donc il faut qu'il se trouve en Dieu même quel

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