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cela qu'elle soit faite pour se connaître, et non pas pour connaître Dieu.

XIII. Pour juger du quatrième article, il faut observer que M. Arnauld donne une petite contorsion à mon sentiment pour le rendre difforme et réjouir son chagrin. Lorsque j'ai dit qu'on voyait en Dieu ses ouvrages, j'ai expliqué comment cela se devait entendre; mais M. Arnauld ne le marque point pour raison. Voici seulement en deux mots son objection. Selon l'auteur de la Recherche de la Vérité, « ce qu'on voit en Dieu, on en a une idée claire; on le voit par lumière : la connaissance qu'on en a est très-parfaite. Or, selon le même auteur, on voit en Dieu les ouvrages de Dieu. Un paysan voit en Dieu le soleil, son âne, son blé, sa vigne. Donc un paysan a une connaissance très-parfaite du soleil, de son âne, etc. »> Ensuite M. Arnauld prouve bien sérieusement que rien n'est plus insoutenable que cette pensée, qu'un paysan ait une connaissance très-parfaite de son âne, et que les philosophes mêmes n'ont point une connaissance parfaite de la nature; «< car si cela était, dit-il, d'où vient que tous les philosophes, avant M. Descartes, n'ont point eu la même notion du soleil, des étoiles, du feu, de l'eau, du sel, des nuées, de la pluie, de la neige, de la grêle, des vents, et de tant d'autres ouvrages de Dieu qu'en a eu ce philosophe? Si les autres les ont vus en Dieu aussi bien que lui, il les ont dû voir comme lui, puisque les idées des choses qui sont en Dieu, renferment toutes leurs propriétés. Or ce sont ces idées, etc. »

RÉPONSE.-XIV. M. Arnauld s'étend volontiers à de grands discours, pour réfuter les sentiments chimériques qu'il attribue à ses adversaires. Il prend un extrème plaisir à vaincre; car sans cela il n'aimerait point tant à se battre. Et alors il demeure victorieux, du moins dans son imagination. Comme cela le réjouit, il s'arrête un peu trop longtemps au combat de son fantôme. Mais s'il était équitable, il devrait penser que les gens ne sont peut-être pas si extravagants qu'il les fait et s'il était prudent ou retenu, il appréhenderait que le

ridicule dont il couvre leur fantôme, ne retombât sur sa propre réalité. Car pour répondre en deux mots à son agréable raisonnement, qu'est-ce que voit un paysan lorsqu'il regarde son âne? voit-il la construction de la machine? voit-il comment le sang circule dans les artères et dans les veines, et de quelle manière les esprits se répandent dans les muscles de cet animal? Il me semble que le paysan et le philosophe ne voient autre chose en regardant un âne, que de l'étendue rendue sensible par la couleur. Et il me semble encore, que le paysan, aussi bien que le philosophe, connaît clairement qu'on peut couper son âne en quatre parties, et qu'il peut changer de place. Il sait donc que la matière est divisible et mobile : il en a donc une idée claire, puisqu'il en découvre les propriétés en la considérant. Je dis de plus, que s'il s'applique sérieusement à examiner les différentes figures dont l'étendue est capable, l'idée qu'il en a lui fournira de quoi découvrir sans cesse de nouvelles vérités. L'idée de l'étendue est donc claire. La connaissance de ce qu'on voit en Dieu est donc très-parfaite, au sens que j'ai expliqué dans la Recherche de la Vérité. Mais on n'a qu'une connaissance très-imparfaite de l'âme. On ne connaît aucune de ses propriétés que par le sentiment intérieur et confus de ce qui se passe en soi-même. Si on sait qu'on est capable de sentir la douleur et le plaisir, le goût d'un melon, celui des pois verts, si on sait même, qu'on est capable d'aimer, ou d'être agité de diverses passions, c'est qu'on a sentiment intérieur de ce qui se passe en soi-même, sentiment confus qui se fait sentir, sans se faire connaître ; sentiment dont on ne peut découvrir la nature, en contemplant l'idée qui représente à Dieu que l'âme est capable d'en être touchée. Je ne crois pas que tout ceci soit fort ridicule. Ainsi, Monsieur, jugez de l'admirable critique de M. Arnauld.

CHAPITRE XXIII. On a une idée claire de l'étendue. On ne connait l'âme que par sentiment. L'idée qu'on a des corps suffit pour démontrer que l'âme est immortelle. Il ne faut que cela pour répondre en général aux vingt-troisième et vingt-quatrième chapitres. ¿

I. Je ne crois pas, Monsieur, qu'il soit nécessaire que je ́réponde à tout ce que dit M. Arnauld dans les deux longs chapitres qui suivent, savoir dans le vingt-deuxième et le vingt-troisième. Je suis persuadé que ceux qui concevront distinctement ma pensée, n'auront aucune peine à découvrir ses méprises et ses sophismes continuels. Et si, dans la suite du temps, j'apprends que ce qu'il a écrit soit capable d'ébranler les gens et de leur donner le moindre soupçon désavantageux à la vérité, que je crois avoir suffisamment prouvée, je réfuterai pied à pied, dans un autre ouvrage, toutes les réponses qu'il a faites à mes preuves. Mais afin qu'on s'instruise facilement de mon sentiment, le voici encore en peu de mots :

II. Par idées, ou idées claires, j'entends la même chose. Je pourrais les distinguer en plusieurs manières : mais ici cela serait fort inutile.

On connaît une chose par son idée, lorsqu'en contemplant cette idée, on peut connaître de simple vue ses propriétés générales, ce qu'elle enferme, et ce qu'elle exclut : et lorsqu'on s'applique à contempler ses propriétés généráles, on y peut découvrir des propriétés particulières à l'infini.

Par sentiment, j'entends ce que chacun sent en soi-même. Cela ne peut s'exprimer par des paroles, parce que nos sentiments ne dépendent point de nos volontés, comme la présence des idées. Je puis penser à un cercle, dès que je le veux, et y faire penser un autre par mes paroles; mais je ne puis faire sentir à personne mon plaisir, ma douleur, etc. III. Je connais l'étendue; et si par étendue on entend corps, je connais la nature du corps en général par son idée;

car en contemplant l'idée de l'étendue, je vois qu'elle est divisible et mobile, et par conséquent que le corps est capable de toutes sortes de figures. Je vois de plus, qu'il n'est capable que de cela; parce que l'idée de l'étendue, je ne dis pas d'une chose étendue, pour éviter toute équivoque, exclut toute pensée, tout sentiment, la douleur, la couleur, la saveur, etc. Ainsi, en considérant l'idée de l'étendue, je vois, ou je puis voir de simple vue ses propriétés générales. Je vois ce qu'elle renferme et ce qu'elle exclut; car elle exclut tout ce qu'elle ne renferme pas. Je puis même découvrir une infinité de propriétés particulières en examinant les diverses figures que cette idée me fournit, et cela avec une telle abondance, que je sais certainement, que si je ne suis pas aussi savant qu'Archimède ou que le plus éclairé des esprits du premier ordre dans les vérités géométriques, ce n'est nullement le défaut de clarté et de fécondité, pour ainsi dire, de l'idée que Dieu me donne de l'étendue, mais uniquement celui de capacité que j'ai de penser et de me rendre attentif.

IV. Je ne connais point l'âme, ni en général, ni la mienne en particulier, par son idée. Je sais que je suis, que je pense, que je veux, parce que je me sens. Je suis plus certain de l'existence de mon âme que de celle de mon corps; cela est vrai; mais je ne sais point ce que c'est que ma pensée, mon désir, ma douleur. Nous connaissons notre foi certissima scientia, clamante conscientia: je l'accorde à M. Arnauld, puisqu'il cite saint Augustin; mais nous ne connaissons point sa nature, sa grandeur, sa vertu, et même nous ne la connaissons que lorsqu'elle est excitée, parce que nous ne la connaissons que par sentiment intérieur. Nous ne pouvons point découvrir si l'âme est ou n'est pas capable de plaisir, en contemplant l'idée prétendue qui la réprésente : c'est le sentiment ou l'expérience qui nous l'apprend d'une manière confuse et nullement intelligible. Il n'y a point de figures que l'idée de l'étendue ne présente à l'esprit de

ceux qui les cherchent. Mais nous avons beau nous consulter, nous ne voyons ni ce que nous sommes, ni aucune des modalités dont nous sommes capables.

V. A l'égard des corps, ou étendues particulières, comme par exemple, d'un triangle, j'en ai une idée claire, parce que je sais que c'est un espace terminé par trois lignes. Que je sache ou non ses propriétés, cela n'empêche pas que l'idée que j'en ai ne soit fort claire. Si je sais ses propriétés, c'est que j'ai considéré cette idée : et si je ne les connais pas, c'est une preuve que je ne l'ai pas assez consultée, pour en être éclairé. Car il est certain, que si on considère bien cette idée du triangle, on découvrira que ses trois angles sont égaux à deux droits; qu'il est égal au rectangle fait de sa base et de la moitié de a hauteur, etc.

VI. Mais pour les âmes particulières, ou leurs modifications, comme par exemple la douleur de la goutte, le goût d'un tel fruit, je ne le connais que par sentiment : je ne puis découvrir les propriétés de ce goût en me contemplant, quelque effort que je fasse pour cela. Je sens bien que je ne le connais que confusément. La douleur est fort vive et fort sensible, mais elle n'est nullement intelligible. Je pense que cela seul bien conçu suffira pour ne pas se laisser surprendre aux sophismes de M. Arnauld. Cela même n'était pas nécessaire, si l'on a bien compris ce que j'ai dit auparavant sur cette matière.

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Comme j'ai avancé qu'on tirait la preuve de l'immortalité de l'âme de l'idée du corps, et non de celle de l'âme, et que M. Arnauld prétend que cela se contredit, et conclut, page 274: « Que si nous n'avions pas une idée claire de l'âme, nous n'en pourrions démontrer ni l'immortalité, ni la spiritualité, ni la liberté, » je crois devoir faire voir qu'il se trompe, car la question est de conséquence.

Démonstration de l'immortalité de l'âme. VII. Par étendue ou corps, j'entends une même chose; car je parle aux cartésiens que M. Arnauld défend, qui croient que l'idée

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