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dait comme lui. Mais il faut plutôt croire, que M. Descartes n'a point eu sur cela de sentiment arrêté, ou qu'il n'a pas voulu nous le déclarer; car je suis sûr, autant qu'on le peut être de ces sortes de choses, que s'il avait voulu donner à entendre, qu'il croyait que les modalités de l'âme sont essentiellement représentatives, et exclure les idées au sens or→ dinaire, il n'aurait point parlé sur cette matière aussi obscurément et aussi généralement qu'il a fait.

XII. Le titre du premier chapitre de la Recherche de la Vérité n'est point de la nature et de l'origine des idées, comme celui du premier chapitre de l'Art de penser. Dans ce premier chapitre, mon unique dessein c'est d'attacher aux termes d'entendement, de volonté et de liberté, les notions les plus distinctes que je puisse, afin de faire clairement comprendre dans le second, que c'est le mauvais usage qu'on fait de sa liberté, qui est la cause de l'erreur; et pour établir la règle qu'il faut observer pour l'éviter. La comparaison que je fais, dans ce même chapitre, de l'esprit avec la matière, est uniquement pour fixer les idées, ou les notions que j'attache aux facultés de l'âme; et faire, pour ainsi dire, tomber sous l'imagination, ou rendre sensible une matière abstraite, sur laquelle on parle souvent sans s'entendre, et sans savoir même précisément ce qu'on veut dire. Je voulais faire regarder l'entendement comme une faculté purement passive, afin qu'on prît garde que l'erreur venait de la volonté. C'est pour cela que je compare la faculté passive qu'a l'entendement pour recevoir différentes idées, à celle qu'a la matière de recevoir diverses figures. D'où, pour le dire en passant, M. Arnauld, page 16, conclut fort mal à propos, « que je croyais donc alors que les idées n'étaient que des modalités de l'àme, comme les figures ne sont que des modifications de la matière. » C'était là mon dessein; mais je ne pensais nullement alors à expliquer ce que je croyais de la nature des idées. Rien n'est plus visible, lorsqu'on examine ce chapitre dans le dessein de l'entendre. Je pouvais donc pour lors, et

même je devais me servir des termes de perception et d'idée dans le sens général qu'ils portent d'eux-mêmes, et remettre, comme j'ai fait au troisième livre, à m'expliquer sur cette matière lorsque les esprits seraient délivrés des préjugés, et en état de la concevoir. Mais que fait M. Arnauld? il lui plaît de prendre ma pensée dans un lieu où il est visible que je ne l'ai point exposée, et où je ne devais pas l'exposer. Par le moyen de la généralité de mes termes, il m'attribue un sentiment que je n'ai point; et ensuite il me chicane à cause que je n'ai pas d'abord défini mes termes, et prétend que c'est que je me contredis. Il le répète pour le moins quinze ou vingt fois dans son livre. Je quitte, selon lui, un bon sentiment pour en prendre un méchant lorsque, parlant à fond de la nature des idées dans le troisième livre, je réfute celui qu'il m'a imposé, en donnant à des termes généraux le sens particulier qui s'accommodait à son dessein. Voilà, Monsieur, sa conduite. Jugez si elle est équitable.

XIII. Mais de peur que la lecture du troisième chapitre de M. Arnauld ne vous porte à croire, que lorsque j'écrivais le premier de la Recherche de la Vérité, je ne pensais point encore aux idées, telles que je les explique dans le troisième livre, ce qui pourrait avoir quelque vraisemblance, je vous prie d'examiner ce passage tiré de la Recherche de la Vérité1: « On peut dire de même, que les idées de l'âme sont de deux <«< sortes, en prenant le nom d'idée en général, pour tout ce <«< que l'esprit aperçoit immédiatement. Les premières nous << représentent quelque chose hors de nous, comme celle d'un «< carré, d'une maison, etc. Les secondes ne nous représen«< tent que ce qui se passe en nous, comme nos sensations, « la douleur, le plaisir, etc. Car on fera voir dans la suite, « que ces dernières idées ne sont rien autre chose qu'une « manière d'ètre de l'esprit; et c'est pour cela que je les ap << pellerai des modifications de l'esprit. »

Chap. 1 du premier livre.

XIV. Ces paroles, Monsieur, « en prenant ce mot idée en général, pour tout ce que l'esprit aperçoit immédiatement, » ne suffisent-elles pas pour ôter l'équivoque du mot d'idée, autant qu'il était nécessaire pour ce chapitre, et pour faire comprendre, que dès lors je distinguais les idées d'avec les sentiments confus? Celles-ci, que l'esprit aperçoit immédiatement, ne marquent-elles pas, que dès lors je croyais qu'on ne voyait point les objets en eux-mêmes? Et enfin ces dernières : « On fera voir, dans la suite, que ces dernières idées ne sont rien autre chose qu'une manière d'être de l'esprit, et c'est pour cela que je les appellerai des modifications de l'esprit, » ne disent-elles pas formellement, que les idées qui nous représentent quelque chose de distingué de nous, un carré, une maison, etc., ne sont point des modalités de l'âme, et qu'il n'y a seulement que les idées qui nous représentent ce qui se passe en nous, notre douleur, notre plaisir, etc., qui soient des modifications de notre être? Pourquoi donc M. Arnauld me reprend-il à tous moments de me contredire, et que j'ai changé de sentiment? Que, dans le premier chapitre, « j'avais pris le mot d'idée dans son vrai sens; mais que, dans le troisième, tout d'un coup j'ai perdu de vue les idées prises pour des perceptions; et sans y prendre garde, j'ai substitué ma notion bizarre d'être représentatif? Je me contente, dit-il encore, page 17, de vous faire remarquer que l'auteur de la Recherche de la Vérité, ayant souvent parlé de ces idées dans le premier chapitre de son livre, il a marqué en diverses manières que les idées des objets et les perceptions des objets étaient la même chose. Et ce qui est remarquable, afin qu'on ne croie pas que cela lui est échappé, c'est que, dans la deuxième partie du deuxième livre, il continue à prendre le mot d'idée dans la même notion, surtout dans le troisième chapitre ; car ce qu'il appelle, dans le titre de ce chapitre, la liaison mutuelle des idées de l'esprit et des traces du cerveau, il l'appelle, dans le chapitre même, la correspondance naturelle et mutuelle des pensées de l'âme et des

traces du cerveau. Il croyait donc alors, qu'idées était la mème chose que pensées, etc. » Je crois, Monsieur, qu'il faut admirer tout ce discours; non qu'il soit admirable en lui-même., mais parce que c'est le discours de M. Antoine Arnauld, docteur de Sorbonne, et qu'assurément on doit s'étonner qu'il ait été capable de le composer.

CHAPITRE XXV.

Réponse au vingt-septième chapitre.

I. Si je m'arrêtais à débrouiller toutes les brouilleries de M. Arnauld, je me donnerais une peine assez inutile, et je ferais un livre fort ennuyeux. Je ne sais si j'ai déjà dit cela; mais, à tout hasard, c'est une vérité que je puis bien dire deux fois. Il n'y aurait guère de gens assez de loisir et assez sottement curieux pour lire un gros livre dont le principal dessein serait de justifier que je ne suis pas le fantòme que M. Arnauld met en pièces. C'est pour cela que je passe légèrement certaines vétilles qui ne tendent qu'à me déguiser, et à me faire passer pour un auteur incapable d'avoir rien dit de solide dans le Traité de la Nature et de la Grâce: car c'est de cela dont il s'agit. L'auteur de la Recherche de la Vérité ne serait point travesti tout d'un coup en ridicule dans l'imagination et dans le livre de M. Arnauld ; il serait encore fait comme un autre homme, s'il n'était point l'auteur de ce méchant livre qui a fait quitter avec éclat les bons sentiments à quelques personnes. Je passe donc les premières pages de ce chapitre, où M. Arnauld réfute sérieusement cette pensée, que la comparaison que j'ai faite de l'esprit avec la matière ne prouve pas que l'entendement n'est qu'une faculté passive; comme si j'avais prétendu prouver par là ce sentiment, et que je ne l'eusse pas fait par tous les chapitres, où je montre que nos idées nous viennent uniquement de Dieu, en conséquence néanmoins de notre attention et de nos désirs. Je passe encore d'autres jolies choses,

qui pourraient peut-être ennuyer un lecteur difficile et chagrin, et je viens à la page 305, où il dit :

II. « Je ne vois pas, que si ce qu'il y a d'actif dans l'âme ne s'étendait à quelques perceptions, aussi bien qu'à ses inclinations, l'auteur de la Recherche de la Vérité pût expliquer ce qu'il croit nécessaire afin que nous soyons libres. Il ne faut pour cela que l'entendre parler dans le premier chapitre du premier livre: >>

<< L'esprit considéré comme poussé vers le bien en géné«< ral, ne peut déterminer son mouvement vers un bien par<< ticulier (en quoi il fait consister la liberté), si le même esprit, «< considéré comme capable d'idées, n'a la connaissance de << ce bien particulier. Je veux dire, pour me servir des ter<<mes ordinaires, que la volonté est une puissance aveugle, « qui ne peut se porter qu'aux choses que l'entendement lui « représente. De sorte que la volonté ne peut déterminer di<< versement l'impression qu'elle a pour le bien, et toutes ses <«< inclinations naturelles, qu'en commandant à l'entendement << de lui représenter quelque objet particulier. La force qu'a <«< la volonté de déterminer ses inclinations, renferme donc <«< nécessairement celle de pouvoir porter l'entendement vers «<les objets qui lui plaisent. >>

<< Il a bien vu qu'il s'ensuivait de là, que notre esprit se pouvait donner de nouvelles perceptions, afin qu'il pût agir librement. La preuve en est démonstrative.

<< Car, selon lui, l'esprit considéré comme poussé vers le bien en général, ne peut déterminer son mouvement vers un bien particulier (en quoi il fait consister la liberté), que par le pouvoir qu'il a de faire en sorte, que, comme capable d'idées, c'est-à-dire de perceptions, il ait la connaissance de ce bien particulier qu'il ne connaissait pas auparavant.

<«< Or, il est impossible que notre esprit connaisse un objet qu'il ne connaissait pas auparavant, que par une perception qu'il n'avait pas auparavant.

<< Il s'ensuit donc, que l'esprit ne saurait être libre, selon

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