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le cours ordinaire de la vie, ou de traiter une question philosophique unanimement attribuée au domaine de l'esprit humain.

Je pourrais dévoiler de bien des manières et présenter sous bien des faces l'arrogante folie de ces hommes présomptueux; mais le temps me manque, et je me bornerai aux deux chefs de preuve que voici : premièrement, je ferai voir qu'il est conforme à la raison d'admettre en Dieu un grand nombre d'attributs, et par conséquent de perfections que nous ne connaissons pas encore; secondement, je montrerai, à l'égard des attributs que nous connaissons déjà, que les bornes étroites de notre intelligence ne nous permet tent pas d'embrasser, dans toute leur étendue, la richesse de ces attributs, leurs propriétés mystérieuses et leurs sublimes manifestations d'où il faudra conclure que nous ne saurions jamais proportionner notre admiration et nos hommages à la grandeur du Dieu dont ces attributs constituent l'essence.

PREMIÈRE PARTIE.

Dieu possède des attributs que nous ne connaissons pas.

Nous possédons deux principaux moyens de parvenir à la connaissance des attributs de Dieu, savoir, la contemplation des œuvres divines et l'étude de la parole sainte. Or, je doute qu'aucun de ces deux moyens, et même que tous les deux pris collectivement puissent

nous faire arriver à une connaissance complète des perfections divines.

Sans doute les philosophes ont parfaitement raisonné lorsque, reconnaissant dans les choses créées le triple caractère de la bonté, de la puissance et de la sagesse, ils ont conclu l'existence en Dieu de ces trois altributs; mais raisonnons à notre tour. Les eréatures ne nous manifestent les attributs divins que par les reflets qu'il leur est donné d'en recevoir et qui leur en communiquent, pour ainsi dire, l'empreinte. Or, la fécondité de la nature divine est illimitable; et Dieu peut varier à l'infini le nombre et la nature des rayons qu'il laisse tomber sur ses créatures pour imprimer en elles le caractère visible de ses attributs; qui donc pourrait affirmer que dans cet Etre si parfait, si riche, si surabondant de gloire, il n'y a pas une multitude infinie de perfections et de beautés dont il n'a laissé échapper aucun reflet, aucune manifestation dans cet univers, ou au moins dans les parties de cet univers qui nous sont connues? Pour apprécier la valeur de cette observation, il suffit de réfléchir sur "imperfection de notre intelligence, qui s'éfare ou se soutient à peine dans la contemplation de ceux mêmes des attributs divins qu'elle connaît en général, dès qu'il s'agit de les envisager sous le rapport de leur maniFestation, à moins que ce rapport ne soit rendu sensible par une création déjà réalisée. Transportons-nous par la pensée à l'époque ou Dieu n'avait pas encore jeté les fondements de ce monde visible; mettons dans la balance, d'un côté, les profonds mystères et les

énigmes sans nombre quí enveloppent l'idée de la création, surtout l'idée de l'être et de ses deux formes générales; et de l'autre, toutes les forces que possède aujourd'hui l'esprit humain: elles ne l'emporteront certainement pas; et si nous supposons que les anges, ces esprits célestes tirés du néant avant l'univers, ne possédaient pas alors plus d'intelligence que Dieu n'en a départi depuis à l'humanité, nous pouvons affirmer sans crainte qu'ils n'avaient aucune idée de la nature visible, qu'ils étaient incapables de soupçonner en Dieu la puissance de créer la matière et de lui communiquer le mouvement, incapables surtout de comprendre l'admirable artifice qui fait réagir l'un sur l'autre le corps humain et l'âme raisonnable. Donc, si Dieu a créé des mondes ou plutôt des tourbillons autres que celui dans lequel nous vivons et au milieu duquel nous sommes plongés, ce que nous avons le droit de supposer jusqu'à ce qu'on ait pu nous démontrer le contraire, il est naturel de penser que les créatures qui composent ces mondes ont reçu l'empreinte d'altributs divins que nous ne soupçonnons pas même, et dont l'aspect de notre monde ne saurait nous révéler l'existence. Passons au second moyen de connaître les attributs de Dieu.

J'accorde sans difficulté que les saintes Ecritures, œuvres de cet esprit qui pénètre tout, même les profondeurs de la divinité, contiennent, sur le culte de la majesté suprême, de précieuses révélations, auxquelles les simples lumières de la raison n'auraient jamais pu suppléer ou n'auraient suppléé que très-imparfaitement. On lit même dans ces livres sacrés, que les prédicateurs de l'Evangile ont initié les hommes à toute l'économie des desseins de Dieu (ce qu'il faut entendre du degré d'initiation nécessaire à leur salut); mais bien loin d'y trouver la moindre trace d'une initiation de l'humanité à la connaissance parfaite des attributs divins, on y trouve écrit en propres termes que Dieu habite une lumière inaccessible aux investigations humaines. Aussi les Juifs, voulant exprimer l'incompréhensibilité de la nature divine, avaientils donné à Dieu un nom formidable qu'il était défendu de prononcer; et, sans insister sur cette pieuse exagération, je ferai remarquer, en passant, qu'il y a là plus qu'une tradition talmudique car on ne voit pas, dans tout le Nouveau Testament, que le Sauveur ou ses apôtres, qui à chaque pas parlent de Dieu ou à Dieu, aient prononcé une seule fois le redoutable tétragramme. Je reviens à la question. L'Ecriture sainte, ce foyer de toutes les lumières théologiques, et en particulier l'Evangile,qui est appelé la lumière par excellence; l'Ecriture sainte, dis-je, nous apprend qu'ici-bas nous voyons toutes choses en énigme et comme dans un miroir, et que bien loin de pouvoir comprendre la divinité, nous ne sommes pas même capables de comprendre la providence.

Ces considérations me déterminent à admettre en Dieu l'existence de perfections que nous ne connaissons pas ; et la solution d'une des objections les plus spécieuses que l'on puisse m'opposer, achèvera sans doute de

persuader mes lecteurs. Vous restreignez à deux, me dira-t-on peut-être, les moyens de connaître les attributs divins, et en cela vous vous trompez grièvement: car il existe un troisième moyen infiniment supérieur aux deux vôtres, et qui consiste à se former de l'Etre suprême une idée qui embrasse dans sa compréhension infinie toutes les perfections, de telle sorte qu'on ne puisse pas concevoir un seul degré d'être ultérieur. Voici ma réponse: Sans doute l'idée que je me formerai ainsi de Dieu n'aura rien que de rigoureusement exact; mais malgré cette notion générale de l'ensemble des perfections divines, je pourrai toujours n'avoir sur certaines d'enire elles aucune notion particulière. Chaque fois qu'un nouvel attribut se présente à notre connaissance,quel que soit d'ailleurs son mode de manifestation, nous pouvons affirmer qu'il se trouve renfermé dans l'idée collective de la perfection infinie; mais aussi toutes nos méditations n'auraient jamais fait sortir d'une idée aussi abstraite cette connaissance particulière, qui doit nécessairement son origine à une cause particulière comme elle. En un mot, les nouvelles perfections que nous découvrons en Dieu appartiennent à la compréhension de l'idée de l'infini, mais elles ne se manifestent pas dans cette idée sous leur forme caractéristique.

Je crois avoir suffisamment prouvé que nous ne connaissons pas tous les attributs, toutes les perfections, toutes les grandeurs de Dieu. Prouvons maintenant combien la connaissance que nous avons de certains attributs est incomplète, surtout si on la compare à celle que Dieu en a lui-même : car il est évident que Dieu possède et par conséquent doit connaître ses attributs sous une forme bien supérieure à l'ombre de perfection qui se trouve en nous.

SECONDE PARTIE.

La connaissance que nous avons de certains attributs est très-imparfaite.

Les bornes étroites dans lesquelles je me suis proposé de renfermer cette dissertation, et encore plus celles de mon intelligence, ne me permettent pas d'étendre ma thèse à toutes les perfections divines qui nous sont connues à quelque degré. Je m'attacherai donc aux deux attributs qui nous frappent le plus en Dieu sa sagesse et sa puissance. La sagesse et la puissance occupent le premier rang dans l'estime et dans l'admiration des hommes. Nous pouvons revendiquer les autres perfections dans une proportion indéfinie, et nous croire capables, par exemple, d'arriver à tel degré qu'il nous plaira de chasteté, de tempérance et de justice, parce que ces vertus ne sont autre chose que des actes de la volonté, et que la volonté peut ajouter indéfiniment à l'intensité de ses actes: mais personne n'a jamais prétendu qu'il fût en son pouvoir d'acquérir tel degré de sagesse ou de puissance qu'il lui plairait d'ambitionner. Aussi tout le monde reconnaît la nature supérieure de ces deux attributs; tout le

monde convient qu'ils trahissent clairement la divinité de l'être dont ils constituent l'essence, et qu'ils caractérisent magnifiquement les œuvres de Dieu, soit dans le monde matériel, soit dans la partie de la création qui n'appartient point au domaine de la matière. J'ai donc cru agir sagement en choisissant ces deux attributs de préférence à tous les autres.

CHAPITRE PREMIER.

Puissance de Dieu.

Parmi les innombrables effets de la puissance divine, on me permettra de m'arrêter à deux principaux : il suffit de n'être point aveugle pour les apercevoir, mais on les considère rarement avec l'attention sérieuse qu'ils méritent. Or ces deux grandes manifestations de la puissance divine sont : premièrement, l'immense quantité de substance corporelle que Dieu a fait servir à la formation de l'univers; secondement, la quantité prodigieuse et l'admirable régularité du mouvement qu'il a imprimé aux différentes parties de la création.

Et d'abord, pour peu qu'on soit capable de voir et de sentir, comment ne pas être saisi d'admiration en considérant cette masse énorme, ce poids incalculable de matière qui compose la nature visible. Les régions supérieures où l'œil ne pénètre qu'avec le secours de l'optique, ont une étendue et une profondeur presque infinies on ne peut s'empêcher d'en convenir, pour peu qu'on ajoute foi au témoignage des plus fameux astronomes anciens et modernes. D'après leur calcul, les étoiles fixes de première grandeur, qui paraissent aux yeux du vulgaire comme de petites lames étincelantes, sont au moins cent fois aussi grosses que le globe terrestre. Mais quelque petites qu'elles paraissent à l'œil nu, elles paraissent encore plus petites, considérées à l'aide du télescope: et cette assertion qui, au premier abord, pourrait sembler paradoxale, est pourtant tout à fait conforme à l'expérience. En effet, si on observe le ciel avec un télescope, l'action de l'instrument modifiant la lumière et détruisant le faux jour qui nous faisait illusion, les étoiles ne nous apparaissent plus alors comme on a coutume de les représenter, c'est-à-dire sous la forme de petits astres scintillants, mais sous la forme de petites taches brillantes ou de points lumineux. Le soleil dont la distance est reconnue inférieure à celle des étoiles fixes, de plusieurs millions de lieues, et qui, malgré cette immense différence d'éloignement,ne paraît pas avoir plus d'un demipied de diamètre, est cependant,suivant l'opinion la plus commune, au moins cent soixante fois aussi gros que la terre des calculs plus récents évaluent son volume à 8,000 ou 10,000, en prenant celui de la terre pour unité; et des observations ultérieures enchériront peutêtre encore sur cette évaluation déjà effrayante.

Arrêtons maintenant nos regards sur le globe terrestre que nous habitons et que nous appelons ordinairement le monde; addition

nons par la pensée les empires, les royaumes, les mers qu'il embrasse dans son immense étendue des observations récentes lui donnent 26,000 milles allemands de circuit, et selon l'opinion la plus commune, il n'en a pas moins de 5,400, ce qui suppose une solidité représentée en unités cubes par le chiffre exorbitant de 110, 882,080), 000: Eh bien ! il résulte du calcul des parallaxes et d'autres preuves encore, que ce globe immense, bien in de constituer une partie notable de l'uivers, n'est, en comparaison, qu'un point matériel. Que dis-je ? Imaginons, s'il se peut, qu'on ait réuni, comme pour en former une seule masse, le soleil, les étoiles fixes et tout ce que le monde renferme de parties solides, le volume résultant, comparé au volume de tout le fluide qui entre dans la constitution de l'univers, sera moindre qu'une noix relativement à l'Océan. Et cela me rappelle une pensée bien remarquable d'un des plus illustres astronomes modernes : il affirme que si toutes les étoiles du firmament étaient réunies de manière à former un seul corps, la terre conservant d'ailleurs la position qu'elle occupe maintenant, cette masse énorme, placée à une distance convenable, n'excéderait pas le volume apparent d'une étoile fixe de première grandeur. Quelle immensité ! et pourtant, ce que j'ai dit jusqu'ici regarde seulement la partie de l'univers accessible à notre vue. Mais, quelle que soit l'étendue du theâtre actuel de nos investigations, quel que soit l'immense secours que nous avons tiré de nos instruments, pour agrandir notre horizon; l'optique, en se perfectionnant, nous ouvrira un champ plus vaste, un monde plus grand; et ce nouveau monde lui-même ne représentera encore que la partie de l'univers accessible à nos regards; or cette partie sera toujours bien petite relativement au tout, si, comme le veulent Descartes et quelques philosophes modernes, l'univers n'a point de limites: « Le monde matériel, disent-ils, est indéfini, et les hommes ne peuvent lui assigner aucune borne. »>

Portons maintenant notre attention sur l'étonnante quantité de mouvement imprimé et conservé par la main de Dieu aux différentes parties de l'univers : et, pour apprécier cette seconde manifestation de la puissance divine, considérons d'abord la vitesse prodigieuse des grands corps; nous considérerons ensuite la vitesse prodigieuse aussi, quoiqu'inférieure, de presque toute la matière qui constitue le reste de la nature corporelle.

Le système de vitesse le plus modéré pour les grands globes qui composent l'univers, est sans contredit le système de Copernic, d'après lequel la rotation de la terre sur son axe dans l'espace de vingt-quatre heures est le seul fait de ce genre vraiment prodigieux. Il résulte effectivement de l'hypothèse du savant astronome que le globe terrestre, dont le circuit, comme nous l'avons vu plus haut, dépasse peut-être 26000 milles allemands, et dont les énormes proportions nous étonnent à tel point que nous le nomons hyperboliquement Le monde; il résulte

dis-je, que le globe terrestre tourne avec tant de rapidité, au moins dans certaines parties de sa masse, qu'au rapport de Gassendi, un point de sa surface considéré, par exemple, à l'équateur, parcourt jusqu'à douze cents pieds par seconde vitesse au moins égale à celle d'un boulet, și elle n'est pas supérieure. Mais, comme je l'ai fait remarquer, le système de mouvement adnis par Copernic est le plus modéré de tous; et la rotation de la terre est un bien petit phénomène, en comparaison de la vitesse des étoiles fixes, qui, suivant l'opinion de presque tous les astronomes, exécutent une révolution complète autour de la terre, dans l'espace de 24 heures. Car si, comme le veut Tycho-Brahé, mathématicien d'ailleurs beaucoup plus exact que ses devanciers, la distance qui nous sépare du firmament est égale à 7,000 fois le diamètre de la terre, il faut nécessairement admettre avec Muller, qu'une étoile fixe, à l'équateur, parcourt 1,153,333 milles par heure, 52,255 milles par minute, et en une seconde, qui correspond à l'intervalle de deux pulsations consécutives dans le pouls d'une personne en bonne santé, 875 milles. Or cette vitesse est trois fois plus grande que celle d'un boulet de canon. Il est vrai que, dans le système de Ptolémée, une étoile fixe, à l'équateur, ne parcourt en une seconde que trois fois la longueur du diamètre de la terre mais Riccioli, mathématicien exact autant que savant érudit, porte au quintuple le chiffre fixé par Ptolémée, et soutient qu'une étoile fixe, à l'équateur, doit parcourir en une seconde 157,282 milles allemands, ce qui revient à 108,629 milles d'Angleterre.

Parlons maintenant de cette partie de l'univers qu'on croit communément privée de mouvement local, et qui cependant en est douée au plus haut degré. Le volume total de la substance matérielle en apparence stationnaire est si considérable que la part de mouvement qui lui a été départie est, en somme, sinon supérieure, au moins égale à l'immense quantité de mouvement imprimé aux étoiles fixes par la main du Créateur, même en leur supposant la vitesse prodigieuse avec laquelle Ptolémée et TychoBrahé supposent qu'elles sont emportées autour de la terre: ce qui se trouve confirmé par le principe, à mon avis incontestable, que les étoiles fixes, les planètes, en un mot tous les globes existants, lumineux ou opaques, y compris la terre, sont très-peu de chose en comparaison de la partie de l'univers qui s'étend entre ces globes, les entoure et les sépare. Poursuivons notre argument et supposons que tous les globes sont solides : propriété qu'on pourrait leur contester, l'absence de preuves ne permettant pas même de la revendiquer d'une manière absolue pour un seul d'entre eux, et les cartésiens penchant pour la fluidité des étoiles fixes, puisqu'ils admettent l'état fluide du soleil, qui n'est qu'une étoile fixe dans leur opinion mais enfin supposons la solidité démontrée pour tous ces globes; il faudra toujours admettre que chacun d'eux est plongé

au milieu d'un tourbillon fluide infiniment supérieur en volume, et qu'ainsi la partie fluide de l'univers excède de beaucoup la partie solide. Or, en quoi consiste la propriété caractéristique d'un fluide, sinon dans l'agitation constante de ses molécules, dans le changement incessant de leurs positions respectives; en un mot, dans la possibilité d'une inertie apparente pour l'ensemble de la masse et dans la nécessité absolue d'un mouvement intérieur perpétuel? On peut consulter là-dessus un traité publié, il n'y a pas encore longtemps, et intitulé: Histoire de la fluidité et de la solidité.

Le mouvement des molécules fluides, surtout sous le rapport de son intensité, est sans doute un phénomène bien remarquable: cependant les philosophes eux-mêmes n'y font souvent qu'une demi-attention, et je crois utile d'en dire quelques mots à mon lecteur. La puissante mobilité des molécules fluides se manifeste surtout, lorsqu'elle viennent à subir une violente perturbation ou une commotion extraordinaire, comme il arrive, par exemple, quand les vents sont déchaînés et qu'ils se heurtent des quatre points de l'horizon la force prodigieuse qu'ils déploient alors et les effets surprenants de leur furie nous donnent une idée de la quantité de mouvement que peuvent recevoir les molécules d'un corps fluide. Et cependant ces tempêtes effroyables, ces ouragans terribles, quelle cause les fait naître? Quelques gouttes agitées de l'abîme aérien qui nous environne et dont les molécules invisibles sont déterminées par des causes accidentelles à courir en ligne plus ou moins droite, ou à tourbillonner comme autour d'un centre commun. Si nous voulons un exemple plus frappant encore de la puissance prodigieuse que peuvent exercer les fluides en mouvement, rappelons-nous les terribles effets de la mine en un clin d'œil, elle renverse les plus vastes édifices, fait jaillir en débris épars les murailles les plus épaisses, bouleverse le sol qui soutenait les fondations, et déracine jusqu'aux rochers sur lesquels elles étaient assises: or, qu'est-ce qu'une mine et qu'a-t-il fallu pour produire de si prompts et de si redoutables effets? quelques grains de poudre, et une étincelle de cette substance éthérée qu'on appelle feu, fluide comme l'air dont elle habite les hautes régions, et pouvant acquérir, au moyen de l'explosion qu'elle produit elle-même, le mouvement étrange dont nous venons d'analyser les résultats.

Au reste la rapidité d'un boulet qui, d'après le calcul exact de Mersennus, parcourt 450 pieds par seconde, nous met à même d'apprécier le degré de vitesse de la substance éthérée ou ignée, comme on voudra l'appeler, quand sa combinaison avec la poudre détermine une explosion; mais cette vitesse artificielle n'est rien en comparaison de sa rapidité native. En effet, si nous admnettons avec Descartes, et conformément à la vraisemblance, que la rotation de la terre et des autres planètes autour de leurs axes,

n'est qu'une conséquence du mouvement des tourbillons au milieu desquels elles sont plongées, nous n'aurons pas de peine à conclure que la substance éthérée, qui se meut aux dernières limites du tourbillon terrestre, doit avoir une vitesse incomparablement plus grande que les points mêmes les plus rapidement entraînés à la surface de la terre: or, comme nous l'avons démontré précédemment, un point de la surface de notre globe, situé à l'équateur, tourne avec une vitesse égale à celle d'un boulet de canon; mais si nous admettons avec Tycho-Brahé que le firmament et les globes lumineux qui le décorent tournent autour de la terre, comme autour d'un centre commun, dans l'espace de 24 heures, la vitesse de la substance éthérée ne sera plus appréciable, elle ira au delà de toute imagination.

En mettant sous les yeux du lecteur cette esquisse rapide, j'ai voulu lui faire concevoir une haute idée de la sagesse et de la puissance du Créateur, qui a produit et qui entretient dans les différentes parties de l'univers la prodigieuse quantité de mouvement que je viens de décrire. Mais l'empire qu'il exerce sur ce mouvement et l'ordre qu'il y fait régner est peut-être plus admirable encore que sa production même. La fureur de l'Océan cède à son ordre suprême; il lui parle en maître; il lui dit : « Tu viendras jusquelà, tu n'iras pas plus loin, tu briseras là l'orgueil de tes flots. » Sa main divine a tellement su régler le mouvement impétueux des globes qui composent l'univers et des fluides qu'ils entraînent avec eux dans l'espace, que, depuis tant de siècles, ni la rapidité de leur course ni le volume énorme de leur masse, n'ont pu leur faire dépasser de la largeur d'un ongle l'orbite qui leur a été assigné dès le commencement. Pendant une si longue période d'années, ces orbes célestes ont fourni leur carrière et divisé le temps avec une exactitude qu'on demanderait en vain, ne fût-ce que pendant un petit nombre d'heures, à l'horloge du plus parfait mécanisme. Ainsi, par exemple, le soleil sans jamais. dévier, à constamment suivi, dans sa révolution annuelle, la ligne circulaire qu'on appelle écliptique. Quant à la révolution que l'opinion commune attribue au firmament, et qui est la plus rapide de toutes, si elle ne s'accomplit pas avec une précision rigoureuse dans l'espace de 24 heures, ce retard est luimême si régulier et si constant dans son exiguité, que l'étoile qui se trouvait au commencement du Bélier du temps d'Hipparque, c'est-à-dire il y a deux mille ans, n'est pas encore aujourd'hui au dernier degré de ce signe.

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Etre cette perfection dont les plus hautes intelligences ne peuvent reconnaître un faible rayon, une image imparfaite dans les créatures, sans tomber pour ainsi dire à genoux devant elles.

La sagesse de Dieu que saint Paul appelle à juste titre multiforme (nouoixtos), se manifeste de deux manières différentes : elle apparaft dans certains phénomènes avec un tel caractère d'évidence qu'elle frappe l'œil le moins exercé; mais dans un grand nombre de faits, les trésors de la sagesse et de la science de Dieu sont tellement cachés qu'il faut toute la pénétration d'un observateur attentif pour les découvrir. Je pourrais me servir de cette distinction; mais je n'y insisterai pas davantage je ferai seulement remarquer qu'il existe un troisième mode de manifestation caractérisé par la réunion des deux précé dents, et j'aborde la question; or la voici tout entière: il s'agit de considérer la sagesse de Dieu exprimée premièrement dans les créatures matérielles et visibles; secondement, dans les créatures immatérielles et invisibles.

Article premiER.-La sagesse de Dieu considérée dans les créatures matérielles.

Quant à la première catégorie, qui comprend toute la nature corporelle ou, selon notre manière de parler habituelle, l'univers, voici comment je me propose de diviser tout ce que j'ai à en dire : dans un premier paragraphe, je décrirai succinctement le merveilleux artifice qui éclate dans la structure des corps, leur prodigieuse variété et leur incalculable multitude; dans un second paragraphe, je ferai ressortir, en premier lieu, l'admirable économie qui règne dans l'ensemble de chaque corps et dans le rapport mutuel de ses parties; en second lieu, la connexion, la mutuelle dépendance et l'harmonie qui existent, soit entre les parties des corps, soit entre les corps mêmes considérés comme parties intégrantes de l'univers. Je pourrais parler longuement, et sous tous ces différents points de vue, tant des corps inanimés que de ceux qui ont la vie végétative, et de ceux qui sont doués de la vie sensitive; mais je veux être bref: je me bornerai donc aux corps des animaux.

§ premier. La structure d'un corps animal, et surtout celle du corps humain offre un spectacle tout à la fois si merveilleux et si singalier, qu'on ne saurait se faire une idée de cette étonnante machine, à moins d'assister à une autopsie faite et observée d'après les principes de la science. Je ne dois pas m'étendre ici sur cette matière que j'ai déjà traitée ailleurs ; je ferai seulement une réflexion qui m'est suggérée par le sentiment le plus impartial de la vé. rité. S. Paul a dit : « La folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et sa faiblesse est plus forte que leur force; » et moi je dis, en paraphrasant ces paroles de l'Apôtre, qui s'appliquent parfaitement à mon sujet, quoique provoncées dans un autre sens : Il y a

moins d'art et de sagesse dans les chefsd'œuvre de la main des hommes, que dans la plus petite créature sortie des mains de Dieu : non, il n'existe pas d'horloge si perfectionnée dans ses rouages, si accomplie dans le jeu et l'harmonie de ses ressorts, qui puisse être comparée, sous le rapport du mécanisme, au corps d'un âne ou d'une grenouille.

Mais la sagesse de Dieu n'éclate pas moins dans la variété et le nombre des animaux que dans le merveilleux artifice de leur organisation. L'industrie humaine, resserrée dans des bornes étroites, ne s'élève guère, dans un même sujet, au delà d'un ou deux arts; au moins ne dépasse-t-elle jamais un fort petit nombre: ainsi, tel architecte qui excelle à bâtir des maisons, est absolument étranger à la construction des navires; tel horloger qui fabrique avec une rare perfection les grandes horloges, n'est pas capable de fabriquer une montre, encore moins de construire un moulin à eau ou de façonner un filet pour la chasse. Mais il en est autrement de l'auteur de la nature : interrogeons ses œuvres. Il a créé quatre genres différents d'admirables machines, savoir: les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons, les reptiles; et chacun de ces quatre genres est caractérisé par des propriétés particulières en rapport avec l'élément et la région qui lui ont été assignés. Ce n'est pas tout à chaque genre correspondent des espèces innombrables d'animaux, qui sont séparées à leur tour par des différences profondes. Car non seulement l'orgarisation des quadrupèdes s'éloigne essentiellement de celle des oiseaux et des poissons, mais les animaux qui appartiennent au même genre sont encore distingués entre eux par une prodigieuse variété dans le mécanisme de leurs conformations respectives. Comment ne pas reconnaître, par exemple, qu'il y a une distance infinie entre la constitution des ruminants et celle des non-ruminants; entre celle du porc et celle du lièvre, surtout à l'intérieur; entre celle du perroquet et celle de la chauve-souris ; entre celle de l'écrevisse et celle de l'huître? Je pourrais établir entre toutes les autres espèces un parallèle dont le contraste ne serait pas moins frappant. Or si, comme l'affirment les savants anciens et modernes, le nombre des espèces connues s'élève déjà à plus de six mille, cette prodigieuse variété de machines vivantes ne faitelle pas ressortir admirablement les ressources infinies de l'intelligence créatrice et les trésors inépuisables de la sagesse divine?

§ second. Mais ce qu'il y a de plus admirable dans le mécanisme de ces innombrables automates, c'est l'économie pleine de sagesse qu'on ne peut s'empêcher de reconnaître dans la destination et le rapport mutuel de leurs parties constitutives. Car, si l'animal, considéré dans son intégralité, doit être regardé comme une seule machine, il est vrai de dire aussi que chacune des parties qui concourent à la formation de cette machine principale, est ellemême une machine secondaire, destinée à remplir un rôle dans l'organisme. Ainsi, par exemple, l'œil, cet organe précieux qui act

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