Immagini della pagina
PDF
ePub

les quatre parties du monde, et qu'il n'y eût pas un enfant de l'Eglise qui n'en fût informé. Enfin, conclut-on, refuser de souscrire à une vérité si authentiquement reconnue, ce serait une révolte, un attentat insoutenable. Tout cela est beau; mais le mal est que tout cela ne se soutient pas ; et l'occasion ne le fait que trop connaître. Car dans la suite et sur d'autres sujets, que l'Eglise vienne à nous juger nous-mêmes et à condamner nos opinions nouvelles et erronées, c'est assez pour la défigurer tellement à nos yeux, qu'elle nous devient méconnaissable. Par quelque organe qu'elle tâche alors de se faire entendre, sa voix est trop faible et ne peut parvenir jusqu'à nos oreilles. Ce n'est plus, à nous en croire, cette voix si intelligible et si distincte mais c'est une voie obscure et sombre, qu'il faut éclaircir. De là donc, cette autorité de l'Eglise, qu'on portait si loin et qu'on faisait tant valoir, on la conteste, on la restreint, on lui prescrit des bornes, et des bornes très-étroites: c'est-à-dire qu'on prétend la régler selon son gré, et qu'au lieu de dépendre d'elle, on veut la faire dépendre de nous et de nos idées. En vérité, est-ce là obéir? et quelque soumis que l'on soit d'ailleurs ou qu'on le paraisse, n'est-ce pas ici qu'il faut dire avec saint Jacques : Celui qui pèche dans un point, se rend coupable sur tout le reste (Jac., II).

Actions de grâces d'une ame fidèle et inviola

blement attachée à l'Eglise.

Grâces immortelles vous soient rendues, Seigneur, de m'avoir fait naître au milieu dé votre Eglise, de m'avoir mis au nombre des enfants de votre Eglise, de m'avoir nourri du pain, je veux dire de la doctrine de votre Eglise, de cette Eglise formée du sang de votre Fils adorable, son chef invisible, dont saint Pierre, et après lui ses successeurs, tiennent la place en qualité de chefs visibles; de cette Eglise catholique, apostolique, romaine, la seule vraie Eglise; de cette Eglise, la colonne de la vérité, et contre laquelle toutes les puissances de l'enfer n'ont jamais prévalu ni ne prévaudront jamais.

Voilà, mon Dieu, le choix qu'il vous a plu faire de moi, parmi tant d'autres que vous avez laissés dans les ténèbres de l'infidélité et de l'erreur; et voilà ce que je dois regarder comme une marque de prédestination dont je ne puis assez vous bénir, ni vous témoigner assez ma reconnaissance. Combien de peuples sont nés dans l'idolâtrie, et ont reçu depuis leur naissance une éducation toute païenne! La nuit s'est répandue sur la terre; elle a enveloppé dans ses ombres les plus vastes contrées : les pères ont méconnu le vrai Dieu, et les enfants, instruits, ou plutôt séduits par leurs pères, ont prodigué, comme eux, leur encens à de fausses divinités. Vous l'avez permis, Seigneur, et vous le permettez encore par un de ces jugements où nos vues ne peuvent pénétrer, et où nous n'avons d'autre recherche à faire que d'adoFer en silence la profondeur de vos conseils.

Combien même, jusqu'au milieu du christianisme, sont nés dans l'hérésie, l'ont sucée avec le lait, y ont vécu et ont eu le malheur d'y mourir! Pourquoi n'ont-ils pas été éclairés de votre lumière comme moi; ou pourquoi ne suis-je pas tombé comme eux dans un sens réprouvé ? C'est une distinction que je dois estimer par-dessus tout, et dont je dois profiter; mais, du reste, c'est un secret de providence qui passe ma raison, et dont il ne m'appartient pas de découvrir le my

stère.

Vous avez encore plus fait, Seigneur; et me faisant naître dans le sein de votre Eglise, vous m'avez donné une religieuse et pieuse affection pour cette sainte mère, pour ses intérêts, pour son honneur, pour son affermissement et son agrandissement; car si je me trouve aussi sensible que je le suis et que je fais gloire de l'être, à tout ce qui la touche, à tout ce qui peut blesser ses droits, à tout ce qui peut affaiblir son autorité, c'est à vous que je me tiens redevable de ces sentiments. C'est vous, mon Dieu, qui me les avez inspirés, et c'est ce que je compte pour une de vos grâces les plus particulières.

Hélas! entre les enfants mêmes que l'Eglise a élevés, qu'elle a tant de fois reçus à ses divins mystères, pour qui elle a employé tous ses trésors, nous n'en voyons que trop qui la traitent avec la dernière indifférence, et je pourrais ajouter avec le dernier mépris. Gens toujours déterminés à railler de ses pratiques, à censurer la conduite de ses ministres, à se faire un divertissement et un jeu de ses troubles, de ses scandales, de ses afflictions et de ses pertes. Ah! Seigneur, si votre Apôtre veut que nous pleurions avec ceux qui pleurent, et que nous nous réjouissions avec ceux qui ont sujet de se réjouir, fussent-ils d'ailleurs nos plus déclarés ennemis, à combien plus forte raison devons-nous prendre part et nous intéresser aux divers états de notre mère, à ses avantages et à ses disgrâces?

Pour moi, mon Dieu, quoique le plus indigne de ses enfants, j'ose le dire, je ne perdrai rien de l'humilité et de la basse estime de moi-même qui me convient, en me rendant devant vous et à votre gloire ce témoignage, que tout ce qui part de votre Eglise m'est et me sera toujours respectable, toujours vénérable, toujours précieux et sacré; que tout ce qui s'attaque à elle me blesse dans la prunelle de l'œil, ou plutôt par l'endroit le plus vif de mon cœur; et que dans toutes ses épreuves et toutes ses douleurs, elle ne sent rien que je ne ressente avec elle. Oui, Seigneur, je le dis encore une fois, et dans cette confession que je fais en votre présence, et que je serais prêt à faire en pré sence du monde entier, je trouve une consolation que je ne puis exprimer, parce que j'y trouve un des gages les plus certains de

mon salut.

Cependant, Seigneur, puisque j'ai commencé à raconter vos miséricordes envers

moi, je n'ai garde d'omettre celle qui m'est encore la plus chère et qui me découvre plus sensiblement les vues de votre aimable providence sur ma destinée éternelle : c'est, mon Dieu, cet esprit de docilité dont je me sens heureusement prévenu à l'égard de l'Eglise et de ses décisions. Vous nous l'avez prédit, Seigneur, que dans tous les temps il y aurait des contestations, des schismes, des partialités, et votre parole s'accomplit de nos jours comme elle s'est accomplie dans les siècles qui nous ont précédés. Je vois bien des mouvements et des agitations; j'entends bien des discours et des raisonnements. L'un me dit: Le Christ est ici; l'autre : Il est là. Mais dans ce tumulte, et parmi tant de questions qui partagent les esprits, je vais à l'oracle, je consulte l'Eglise, et je m'arrête à ce qu'elle m'enseigne. Dès qu'elle a parlé, je me soumets et je me tais. Je n'écoute plus ni celuici, ni celui-là; ou je ne les écoute que pour rejeter l'un, parce qu'il n'écoute pas l'Eglise; et pour me joindre à l'autre, parce qu'il fait profession comme moi de n'écouter que l'Eglise.

Par là, mon Dieu, je me dégage de bien des embarras, et dans un moment je lève toutes les difficultés car j'en ai tout d'un coup la résolution dans mon obéissance à l'Eglise. Par là ma foi devient plus pure, plus ferme, plus assurée et plus tranquille. Au milieu de toutes les tempêtes et de tous les orages, je me jette dans la barque de Pierre, et, toute battue qu'elle est des flots, j'y goûte la douceur du calme le plus profond. Je passe à travers les écueils, et je ne crains rien : pourquoi? c'est que je sais que dans la barque de Pierre il n'y a pour moi ni écueils ni naufrages à craindre.

Ce n'est pas là sans doute, Seigneur, une de vos moindres faveurs. Que dis-je ? et ne puis-je pas avancer que cet esprit docile et soumis est le premier caractère de vos élus? Quand j'aurais tous les autres signes qui les font connaître, si je n'avais pas ce caractère essentiel, toutes mes espérances seraient renversées. Mais, mon Dieu, si d'autres me manquent, ah! du moins j'ai celui-ci, et vous ne permettrez pas que jamais je vienne à le perdre. De cette sorte, quelque peu de bien que je fasse, je le ferai avec confiance, parce que je le ferai dans votre Eglise. Hors de là que ferais-je sur quoi je pusse compter ? car une vérité capitale et un principe incontestable dans la religion, c'est qu'il n'y a point de salut hors de l'Eglise. Vous nous l'avez ainsi déclaré vous-même dans votre Evangile, et dans les termes les plus exprès, lorsque vous nous avez donné pour maxime de regarder comme un publicain et comme un païen, quiconque n'est pas uni à l'Eglise et ne lui rend pas le devoir d'une obéissance filiale. Or, puisque hors de l'Eglise il n'y a point de salut, il doit s'ensuivre que tout le bien qui ne se fait pas dans sa communion n'est qu'un bien apparent; que toutes les vertus qui se pratiquent ne sont que des vertus vides et sans mérite par rapport à l'éternité; qu'on n'est rien devant vous, et que rien ne profite

pour s'avancer dans votre royaume. Tellement que, séparé de l'Eglise, en vain je ferais des miracles, en vain je transporterais les montagnes, je prédirais l'avenir, je répandrais tout ce que je possède en aumônes, je livrerais mon corps à la mort. Avec tout cela je ne pourrais être qu'un anathème, et je serais immanquablement rejeté, parce que, selon votre témoignage même, je n'entrerais pas par la porte, et que je ne serais pas de vos brebis.

Je veux donc, Seigneur, comme le prophète, je veux confesser votre saint nom: mais je le veux confesser dans votre Eglise (Ps. XXXIV). Je veux publier vos grandeurs et célébrer vos louanges; mais je les veux célébrer dans votre Eglise. Je veux annoncer votre parole et vos divines vérités; mais je les veux annoncer dans votre Eglise. C'est la sainte montagne d'où votre loi devait sortir; c'est le temple auguste où les peuples devaient s'assembler de toutes les parties du monde pour vous offrir leur encens et vous adresser leurs vœux; c'est le sanctuaire où vous voulez recevoir notre culte, et c'est la chaire où vous enseignez vos voies par la bouche de vos prédicateurs et de vos prophètes. Toute autre assemblée, le dirai-je après un de vos apôtres ? toute autre assemblée n'est qu'une synagogue de Satan, et toute autre chaire qu'une chaire de pestilence. Heureux si, par une vie conforme aux divins enseignements et aux règles de cette Eglise, où nous avons eu l'avantage d'être élevés et adoptés parmi vos enfants, nous méritons d'être couronnés dans le séjour de votre gloire, et de participer au bonheur de vos élus ! Ainsi soit-il.

Esprit de neutralité dans les contestations de l'Eglise.

Qu'ai-je à faire de telle et telle question qui causent tant de mouvement dans l'Eglise? qu'ai-je à fafre de toutes ces contestations, et qu'est-il nécessaire que je me déclare là-dessus? Je n'examine point qui a raison, ni qui ne l'a pas ; je ne suis pour personne ni contre personne. Tel est votre langage et celui de bien d'autres comme vous. Mais voyons un peu quel principe vous fait demeurer dans cet état de neutralité. Ou c'est ignorance, ou c'est erreur, ou c'est politique, ou c'est insensibilité, ou c'est lâcheté. Or, rien de tout cela n'est bon.

Ignorance: parce que ce sont des matières au dessus de vous, et que vous n'êtes pas capable d'en juger. Erreur : parce que vous voulez vous persuader que les questions qu'on agite et sur lesquelles il est intervenu un jugement de l'Eglise, n'ont rien d'esseutiel, et que chacun sur cela peut croire tout ce qu'il lui plaît, sans que la foi en soit altérée. Politique parce que vous avez des intérêts particuliers à ménager; parce que vous avez certaines liaisons de dépendance de société, d'amitié, à quoi vous seriez obligé de renoncer: parce que vous recevez de certaine part certains secours qui vous seraient refusés, et dont il faudrait vous passer; par

ce que cet appui, celte protection vous manqueraient, et que vous en avez besoin car voilà ce qui n'entre que trop souvent dans la conduite qu'on tient, même en matière de religion. Insensibilité: parce que, tout occupé des choses de la vie et des affaires du monde, vous n'êtes guère en peine de ce qui regarde l'Eglise, et que tous les outrages qu'elle peut recevoir vous touchent peu. Enfin, lâcheté parce que vous n'avez pas le courage de parler ouvertement, et que, dominé par une crainte humaine qui vous lie la langue et qui vous ferme la bouche, vous ne vous sentez pas assez de force ni assez de résolution pour résister au mensonge et à ceux qui le soutiennent. Mais encore une fois tout cela est criminel, ou vous êtes criminel en tout cela, et votre conscience devant Dieu en doit être chargée. Si vous m'en demandez les raisons, il est aisé de vous les donner, et il est à propos que vous les pesiez mûrement, et que vous les compreniez, afin de vous détromper sur un point d'une tout autre importance que vous ne l'avez conçu jusqu'à présent. Reprenons tous les principes, ou plutôt tous les prétextes que je viens de marquer. J'ose dire qu'il n'y en a pas un dont vous ne reconnaissiez d'abord l'illusion et le désordre, si vous y faites l'attention convenable.

I. Est-ce ignorance? Il est vrai, n'étant pas assez éclairé pour approfondir les sujets qui de part et d'autre sont controversés, et ne pouvant connaître par vous-même entre les divers sentiments quel est le mieux fondé et le plus conforme à la saine doctrine, vous seriez excusable de ne vous attacher à aucun, et de demeurer dans l'ncertitude, si c'était par vos propres lumières que vous dussiez vous déterminer. Mais vous avez une autre règle qui doit vous suffire, et qui vous ôte toute excuse, parce qu'elle supplée parfaitement à l'ignorance où vous pouvez être. Règle générale, règle commune aux esprits les plus grossiers comme aux plus pénétrants et aux plus subtils, règle visible et qui tombe sous les sens, règle qui ne vous peut tromper, et dont vous êtes obligé de reconnaître la supériorité, l'autorité, l'infaillibilité sur tout ce qui a rapport à votre croyance. Cette règle, c'est la décision de l'Eglise. Dès là que l'Eglise a parié, dès là que le souverain pontife et les premiers pasteurs qui la conduisent se sont fait entendre, il ne vous en faut pas davantage pour vous fixer, et si vous restez volontairement et opiniâtrément dans votre doute, vous êtes dès lors coupable, parce que vous ne vous soumettez pas à l'Eglise.

Prenez donc bien garde à ce qu'on vous demande et à ce qui est pour vous d'une obligation indispensable. On ne vous demande pas que vous examiniez en théologien les questions sur lesquelles on dispute; on ne vous demande pas que vous en fassiez une étude expresse, ni que vous en ayez une claire connaissance. Cette étude, cette connaissance ne vous sont point nécessaires : mais c'est assez que vous sachiez que l'E

glise a défini telle chose, et que vous devez adhérer d'esprit, de cœur, de vive voix à tout ce qu'elle a défini. Votre science sur les matières présentes et dans la situation où vous êtes, ne doit point aller plus loin. Croyez, agissez selon cette créance, et vous croirez, vous agirez en catholique.

Ainsi il est inutile de dire: Je ne sais rien, et je ne suis pas d'un état et d'une profession à faire là-dessus de longues et de sérieuses recherches; j'ai d'autres affaires. On veut que je condamne cet ouvrage, et je ne l'ai ja mais lu. On veut que je rejette cette doctrine, et je ne l'entends pas. C'est aux savants et aux docteurs à produire leurs pensées et à s'expliquer, mais cela me passe; et m'appartient-il de m'ingérer en ce qui n'est point de mon ressort? Non, encore une fois; il ne vous appartient pas de vous engager en de curieux examens, ni d'entreprendre de démêler la vérité au travers des nuages dont on l'enveloppe et dont on tâche de l'obscurcir; il ne vous appartient pas de vous ériger en juge de la doctrine; mais il vous appartient d'écouter l'Eglise, qui en a jugé, et de souscrire de bonne foi à ce qu'elle a jugé. Mais il vous appartient de condamner ce que l'Eglise condamne et de rejeter ce que l'Eglise rejette, sans en vouloir d'autre raison, sinon que l'Eglise l'a condamné et qu'elle l'a rejeté; mais il vous appartient d'embrasser ouvertement et hautement ce que l'Eglise vous propose à croire et de vous y attacher. Voilà, dis-je, ce qui vous appartient; et pour vous en défendre il n'y a point d'ignorance à alléguer. Car il n'est pas besoin d'une grande pénétration pour savoir quels sont les sentiments de l'Eglise, puisqu'elle les publie partout, et qu'elle les annonce dans tout le monde chrétien, Or, du moment que vous les savez et que vous ne pouvez les ignorer; du moment que vous savez encore d'ailleurs que l'Eglise de Jésus-Christ ne peut s'égarer et ne veut point vous égarer, vous avez toute l'habileté et toute l'érudition qu'il faut pour vous résoudre et pour bien prendre votre parti, qui est celui d'une ferme adhésion et d'une un ble et parfaite obéissance. Hé! où en serions-nous, s'il en fallait davantage? B faudrait donc que chacun, sans nulle diffé– rence ni de caractère, ni de condition, allât s'instruire dans les écoles de théologie, que chacun s'appliquât à la lecture des saints pères, que chacun quittât son emploi pour vaquer à l'étude de l'Ecriture et des saints canons? Ce serait multiplier étrangement les docteurs, et, à force de doctrine, renverser toute l'économie et toute la conduite du monde.

II. Est-ce erreur? c'est-à-dire est-ce que vous êtes dans l'opinion que telles et telles propositions que les uns attaquent avec tant de zèle, et que les autres défendent avec tant de chaleur, ne sont d'aucune conséquence à l'égard de la foi, et que, de quelque manière que vous en pensiez, votre religion n'en sera pas moins pure, ni votre croyance moins orthodoxe? Je conviens que, comme le sage a dit des choses du monde qu'il a plu à Dieu

do les abandonner aux découvertes et aux subtilités des philosophes, on peut dire aussi de certaines matières que l'Eglise les abandonne à nos vues particulières et à nos raisonnements. Les esprits sont partagés en ce qui n'est point défini: l'un enseigne d'une façon et l'autre d'une autre; l'un s'appuie sur un principe qu'il croit véritable, et l'autre se fonde sur un principe tout contraire, et suit un système tout opposé qui lui paraît plus juste et plus raisonnable; on apporte de part et d'autre ses preuves, on propose ses difficultés, on fait valoir ses pensées autant qu'on le peut, et l'on s'y arrête: mais la foi en tout cela ne court aucun risque, parce que ce sont des questions problématiques sur lesquelles l'Eglise a gardé jusqu'à présent le silence et n'a rien prononcé.

Que sur tous ces articles vous suspendiez votre jugement sans incliner d'un côté plus que de l'autre ; j'y consens, et l'Eglise vous le permet. Je sais de plus qu'on s'efforce de vous persuader qu'il en est de même des points dont il s'agit présentement; car c'est là que tendent ces discours que vous entendez partout: Qu'on veut tyranniser les esprits et leur ôter une liberté qui leur est acquise de plein droit; qu'on veut bannir des écoles catholiques les plus grands maîtres, qui sont sans contredit saint Augustin et saint Thomas; qu'on veut proscrire des opinions répandues de toutes parts, reçues dans les corps les plus célèbres et dans les plus savantes compagnies, établies par l'Ecriture, autorisées par la tradition et par la plus vénérable antiquité; que ce sont au reste de ces sentiments qu'on peut embrasser ou contredire sans cesser d'être uni à l'Eglise; et qu'en un mot, soit qu'on les admette ou qu'on les combatte, le sacré dépôt de la doctrine de Jésus-Christ est toujours à couvert. Voilà ce qu'on vous rebat continuellement, et ce qu'on tâche de vous imprimer dans l'esprit, et voilà en même temps ce qui vous rassure; mais n'est-ce point une fausse assurance que celle où vous êtes? ne vous trompez-vous point? ne vous trompe-t-on point? Un doute de cette nature, et sur un sujet de cette importance, mérite bien que vous preniez soin de l'éclaircir. Or, où en chercherez-vous l'éclaircissement, et où le trouverez-vous? vous l'avez dans vos mains el sous vos yeux; car je vous renvoie toujours au même oracle, qui est l'Eglise. Voyez quel jugement est émané de son tribunal; lisez et convainquez-vous. Quoi! ce que l'Eglise, ce que son chef visible, ce que ses pasteurs qualifient de scandaleux, de faux, d'hérétique, vous le regarderez comme indif férent par rapport à la foi? Ces anathèmes partis du siége apostolique, et secondés de tant d'autres qui les ont accompagnés ou suivis dans les églises particulières, tout cela ne vous étonne point? vous pouvez tenir contre tout cela? vous pouvez vous figurer que tout cela ne tombe que sur de pures opinions, que sur des opinions permises et arbitraires? Vous me répondez qu'on vous le di. de la sorte mais qui sont ceux qui vous

le disent? quels qu'ils puissent être, devezvous compter sur leur temoignage, lorsque vous le voyez démenti par l'Eglise universelle?

III. Est-ce politique? Car la politique se mêle dans les affaires de religion comme dans toutes les autres. On veut garder des mesures, et quoiqu'on pense ce qu'on doit penser, on prétend avoir de bonnes raisons pour ne pas parler de même. Il ne reste donc que l'une de ces deux choses à faire ou de parler autrement qu'on ne pense, et ce serait une mauvaise foi dont on n'est pas capable et dont on ne pourrait porter le reproche au fond de sa conscience; ou de ne point parler du tout et de ne riep dire, et c'est à ce milieu qu'on s'en tient, comme au tempérament le plus juste et le plus sage. Je ne suis, dit-on, ni ne veux être rien: j'ai mes vues, j'ai mes prétentions; et pour y réussir, il faut être ami de tout le monde. Ces gens-là peuvent m'être utiles dans les rencontres, ou ils me le sont même actuellement. D'ailleurs, ce sont la plupart des personnes de connaissance, et j'ai toujours été en commerce avec eux; la prudence m'engage à les ménager. La prudence? mais quelle prudence? la prudence de la chair. Or, selon saint Paul, cette prudence de la chair est ennemie de Dieu (Rom., VIII); et, puisqu'elle est ennemie de Dieu, il s'ensuit que c'est une prudence criminelle devant Dieu et réprouvée de Dieu.

Comment ne le serait-elle pas ? Y a-t-il raison de fortune, de parenté, de société ? Y a-t-il considération et intérêt humain qui doivent vous lier la langue et vous empêcher de vous déclarer, de vous élever pour la cause de l'Eglise et pour celle du Seigneur ? On vous parle tant en d'autres conjonctures des engagements de votre baptême, et ils sont grands en effet. A Dieu ne plaise que j'en diminue l'obligation. Mais plus ils sont grands, plus ils sont authentiques et solennels, et plus vous êtes coupable de les soutenir si mal. Est-ce là ce que vous avez promis à Dieu et à son Eglise sur les sacrés fonts où vous fûtes régénéré en Jésus-Christ? Avez-vous renoncé au monde, pour vous conduire par des vues si mondaines? Du moins si c'était en ce qui regarde le monde; mais en matière de foi, quelle part la sagesse du monde doit-elle avoir? Qu'y a-t-il de commun entre la justice et l'iniquité, entre la lumière et les ténèbres, et qu'a le fidèle à partager avec l'infidèle (II Cor., VI)?

Soyez sage et circonspect, je le veux, et je suis le premier à vous y exhorter : mais soyez-le avec cette sobriété que demande l'Apôtre, soyez-le jusqu'à certain point, et non au delà. Ayez des égards, j'y consens; mais n'en ayez que jusqu'à l'autel. Car à l'autel, c'est-à-dire quand la religion est en compromis, et qu'il y va de l'honneur et de l'autorité de l'Eglise, vous devez oublier tout le reste, et ne vous souvenir que des paroles du Fils de Dieu : Quiconque aura quitté pour mon nom sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses

enfants, ou ses héritages, je le mettrai au nombre de mes disciples, et il possédera la vie éternelle (Matth., XIX). Voilà une promesse bien avantageuse; mais écoutez en même temps une menace bien terrible, et digne de toute votre réflexion: Celui qui sauve sa vie la perdra; et celui qui la perdra pour moi la sauvera (Ibid., X). Dans le sens de l'Evangile, qu'est-ce que cela signifie? Ce que vous ne pouvez trop méditer: savoir, qu'en toutes choses, mais surtout dans les choses de Dieu, on ne doit point tant avoir de ménagements pour le monde ; et qu'en voulant se sauver pour le temps présent, on se perd pour l'éternité.

IV. Est-ce insensibilité? Est-ce que vous vous souciez peu de tout ce qui concerne l'Eglise et la religion? Mais à quoi serezvous donc sensible, si vous ne l'êtes pas à ce qui touche la foi que vous devez professer, où vous devez vivre et où vous devez mourir? Est-il rien qui vous soit plus important que de la conserver pure, cette foi, laquelle doit être le fondement de votre sanctification et de votre salut?

Vous me direz: Je ne l'attaque pas. Non, Vous ne l'attaquez pas directement; mais vous souffrez qu'on l'attaque impunément; mais on l'attaque, et vous ne vous y opposez pas; mais vous ne la soutenez pas, mais vous ne la défendez pas. Or quiconque n'est pas pour elle est contre elle; de même que quiconque n'est pas pour Jésus-Christ est contre Jésus-Christ (Matth., XII). Vous me direz Il n'est question que de quelques points; et faut-il tant se remuer pour cela et se troubler? Je le sais; ce n'est que de quelques points; mais ce sont des points essentiels, ce sont des points de foi. Or à l'égard de la foi, tout est d'une extrême conséquence, et il n'y a rien à négliger. Vous me direz Ce n'est pas là mon affaire; mais de qui sera-ce donc l'affaire? Est-ce l'affaire des hérétiques? est-ce l'affaire des infidèles, ou n'est-ce pas l'affaire de tous les enfants de l'Eglise de s'intéresser pour leur mère, et de résister en face à ses ennemis? Je dis l'affaire de tous les enfants de l'Eglise : car c'est une affaire commune, ct chacun y est pour soi, quoique différemment et par proportion. Ah! de tous ceux qui tiennent pour le parti contraire, j'ose avancer qu'il n'y en a pas un, ou presque pas un, qui ne se fasse une affaire de l'appuyer de toutes ses forces. On a du zèle pour le mensonge, on en manque pour la vérité. Vous me direz: Quand je me déclarerai, la cause de l'Eglise n'en sera pas meilleure. Et que suis-je en effet De quel poids peut être le suffrage d'un hom me comme moi, d'un homme sans lettres et sans étude? On vous l'accorde: l'Eglise peut fort bien se passer de votre suffrage; et si l'on vous presse de vous déclarer, ce n'est point précisément, afin que la cause de l'Eglise en devienne meilleure, mais c'est afin que vous-même, en vous déclarant, vous en soyez meilleur. C'est, dis-je, afin que Vous vous acquittiez de votre devoir envers l'Eglise, afin que vous rendiez à l'Eglise

l'hommage d'une soumission publique qu'elle exige de vous, et que vous ne pouvez lui refuser sans violer ses droits et sans être coupable. De sorte que je puis appliquer ici ce que disait saint Augustin dans l'affaire du pélagianisme, et à l'occasion de quelques-uns qui gardaient le silence et ne voulaient point donner à connaître ce qu'ils pensaient: Fai sons-leur, écrivait ce saint docteur à Sixte, seulement prêtre alors, et depuis pontife Faisons-leur une salutaire violence pour les attirer à nous, non point dans a crainte qu'ils ne nous nuisent, mais dans la crainte qu'ils ne se perdent.

:

V. Est-ce lâcheté? Elle serait honteuse dans le service d'un prince de la terre; et pour en éviter la honte, il n'y a point de péril où l'on ne s'exposât: on n'y épargnerait pas sa vie. Mais présentement, qu'est-ce que je vous demande au nom de l'Eglise? une parole, un simple témoignage de votre déférence à ses sentiments, et vous n'avez pas assez de résolution pour la prononcer, cette parole, ni pour le donner, ce témoignage ! Où donc est l'esprit du martyre, dont tout catholique doit être animé? Mais encore, que craignez-vous, et qui craignez-vous ? Faut-il si peu de chose pour vous étonner?

Malheureuse neutralité qui forme tant de fausses consciences! car sous le frivole et vain prétexte qu'on demeure à l'écart et qu'on ne prend part à rien, on croit sa conscience en sûreté : comme si la foi ne voulait de nous point d'autre confession que le silence. Neutralité scandaleuse : c'est un outrage que vous faites à l'Eglise de n'oser pas vous ranger de son côté, ni professer ouvertement ce qu'elle vous enseigne. D'ailleurs, à combien de gens persuadez-vous par votre conduite que vous ne recevez pas le jugement que l'Eglise a porté, et que dans le cœur vous le rejetez, quoique au dehors vous gardiez des mesures et que vous affectiez de paraître neutre? A combien d'autres donnez-vous au moins lieu de penser qu'ils n'ont pas plus à se mettre en peine que vous, et que le mieux est de laisser toutes ces affaires comme indécises? Ils se déclareraient, si vous vous étiez une bonne fois déclaré vous-même. Neutralité que l'Eglise aussi, dans tous les temps, a condamnée et traitée de prévarication.

Enfin, neutralité favorable à toutes les hérésies, et qui sert à les établir et à les répandre. Car de même que dans une guerre civile les factieux sont contents, pourvu qu'on ne s'oppose point à leurs entreprises, ainsi les hérétiques ne souhaitent rien davantage, sinon qu'on ne les contredise point et qu'on ne forme aucun obstacle à leurs progrès. Ils savent bien du reste céder et se fortifier. Ce sont les premiers à demander la neutralité; mais à condition qu'ils ne l'observeront pas, et qu'ils n'omettront rien pour agir sourdement et plus efficacement. Ce sont les premiers à demander la paix ; mais bien entendu qu'ils profiteront de cette paix pour continuer la guerre avec d'autant plus de succès, qu'elle se fera avec moins d'éclat. Uno

« IndietroContinua »