Immagini della pagina
PDF
ePub

ne pouvaient fournir aucun prétexte aux Juifs pour l'accuser devant Pilate, de sorte que ce gouverneur se crut obligé par là à le prendre et à le mettre à mort.

Une autre raison qui servit autant que celle que nous venons de voir, à empêcher que Jésus ne déclarât en termes exprès qu'il était le Messie, ce fut que, comme les Juifs attendaient alors la venue de leur Messie et espéraient d'être délivrés par son moyen de la domination étrangère à laquelle ils étaient soumis, dès le moment qu'il aurait dit que c'était lui qui était leur Messie et leur roi, le corps du peuple se serait soulevé infailliblement et l'aurait mis à leur te. Et en effet, quoiqu'il fût comme caché sous l'obscurité d'une basse condition et d'une vie tout à fait simple et commune; quoiqu'il passât pour Galiléen (car on ignorait alors qu'il fût né en Bethlehem) et qu'il ne s'attribuât aucun pouvoir ni aucune autorité, pas même le nom de Messie, cependant les miracles qu'il fit disposèrent si fort le peuple à croire qu'il était le Messie, qu'à peine put-il éviter d'être enlevé tumultuairement et d'être proclamé roi. C'est ce que saint Jean nous apprend au chap. VI de son Evangile (v. 14, 15) Ces personnes, dit-il, ayant vu le miracle qu'avait fait Jésus, disaient : C'est là vraiment le prophète qui doit venir dans le monde. Mais Jésus sachant qu'ils devaient venir le prendre pour le faire roi, s'enfuit et se retira encore seul sur une montagne. Cela arriva lorsque Jésus eut rassasié cinq mille hommes avec cinq pains d'orge et deux poissons. D'où l'on peut conclure qu'en faisant les miracles qu'il devait faire nécessairement pour prouver sa mission, et qui attiraient souvent après lui de grandes troupes de peuple (Matth., IV, 25), il lui était fort difficile d'empêcher la populace, naturellement fougueuse et emportée, de tomber dans ces sortes de désordres, qui pouvaient lui causer de l'embarras à luimême, interrompre et abréger le cours de son ministère, le faire passer pour un perturbateur du repos public, pour un séditieux et un malfaiteur, et lui faire perdre la vie sous cette odieuse qualité; ce qui était entièrement contraire au dessein pour lequel Jésus était venu dans le monde; qui était d'être livré à la mort comme un agneau sans tache et sans défaut, de sorte que son innocence parût à tout le monde, à celui-là même qui devait le condamner à être crucifié. Mais il lui aurait été absolument impossible d'éviter ces inconvénients s'il se fût donné ouvertement le titre de Messie partout où il aurait prêché. Il n'en aurait pas fallu davantage pour porter à la rébellion le peuple juif, qui, attiré par les miracles qu'il lui voyait faire et par l'espérance de trouver un libérateur dans une personne si extraordinaire, allait déjà en foule après lui. En effet, il est parlé à tout moment dans l'Evangile des grandes troupes qui le suivaient; et saint Luc (XII, 1) fait mention d'une multitude innombrable qui était assemblée autour de lui. Cette foule de peuple ainsi disposée ne lui aurait pas plus tôt entendu dire qu'il était

le Messie, qu'elle se serait soulevée et l'aurait choisi par force pour être leur roi.

Il est maintenant aisé de voir par les deux raisons que nous venons de proposer, pour. quoi Jésus ne se fait pas une affaire de persuader aux hommes que c'est lui qui est le Messie, et pourquoi dans ses prédications publiques il ne déclare pas positivement que cette qualité lui appartient, quoiqu'il fût venu dans le monde pour prêcher l'Evangile aux hommes et pour les engager à croire qu'il était le Messie; et quoiqu'il parle trèssouvent de son royaume sous le nom de royaume de Dieu et de royaume des cieux. A la vérité il inculque au peuple, dans toutes les occasions qui s'en présentent, que le royaume de Dieu est arrivé; il montre par quels moyens on peut être admis dans ce royaume, savoir par la repentance et par le baptême; il enseigne les lois qu'on y doit observer, qui se réduisent à une bonne vie, conforme aux règles les plus étroites de la vertu et de la morale. Mais du reste il ne dit point qui est le roi de ce royaume; il en laisse la démonstration à ses miracles à l'égard de ceux qui voudraient pour lors examiner ses actions, dans le dessein de faire un bon usage de cet examen; ou bien il remet la preuve de ce même article au témoignage des apôtres à l'égard de ceux qui voudraient les écouter dans la suite, lorsque après sa résurrection ils prêcheraient ouvertement cette vérité, et qu'ils exhorteraient les hommes à la croire ; alors, dis-je, qu'il n'y aurait plus à craindre qu'elle causât aucun trouble dans les sociétés civiles et dans les gouvernements du monde. Quant à Jésus-Christ, il n'aurait pas pu déclarer lui-même qu'il fût le Messie sans un danger manifeste de faire naître des troubles et des séditions. Et en effet, les miracles qu'il fit le donnaient si bien à connaître pour le Messie, que souvent il fut contraint de se cacher et d'éviter le concours du peuple. Saint Marc (chap. I) nous parle d'un lépreux que Jésus guérit, et auquel il défendit d'en rien dire; mais (v. 45) cet homme le publia partout; de sorte que Jésus ne pouvant plus paraître dans la ville, se tenait dans les lieux déserts, et on venait à lui de tous côtés. Il fut obligé plus d'une fois de faire la même défense.

CHAPITRE IX.

Qu'est-ce que Jésus-Christ proposait à croire aux hommes en leur annonçant l'Evangile: par où l'on voit encore qu'il avait soin de ne pas dire ouvertement qu'il fût le Messie. Après avoir examiné les raisons qui obligèrent le Seigneur Jésus à ne pas déclarer ouvertement qu'il fût le Messie, considérons la manière dont il annonçait lui-même l'Evangile; voyons à quoi se réduit ce qu'i enseignait aux hommes, et ce qu'il voulait qu'ils crussent pour pouvoir être reçus au nombre de ses disciples.

La première fois que Jésus se fit connaître depuis qu'il commença à exercer son ministère, ce fut, ce semble, bientôt après son bap

tême, lorsqu'il était à Cana en Galilée, où il changea l'eau en vin; car voici comme saint Jean (II, 11) parle de cette action: Ce fut là, dit-il, le premier des miracles de Jésus, et par là il fit connaitre sa gloire, et ses disciples crurent en lui. Là ses disciples crurent en lui, mais nous ne voyons nulle part dans l'Evangile qu'il ait commencé à se faire connaître à eux autrement que par ce miracle par lequel il manifesta sa gloire, c'est-à-dire donna à entendre qu'il était le Messie, le roi. Ainsi Nathanael, sans avoir rien ouï dire à ce divin Seigneur, sinon qu'il l'avait connu d'une manière extraordinaire, le reconnut aussitôt pour le Messie, et lui dit: Maître, vous êtes le Fils de Dieu; vous êtes le roi d'Israël.

De là Jésus alla à Capernaum, et après y avoir demeuré peu de jours, il s'en alla à Jérusalem pour y célébrer la pâque; et ce fut alors qu'il chassa les vendeurs du temple (Jean, 11, 12-15) en disant : Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafie (v. 16); où nous voyons qu'il se sert d'une phrase qui emporte dans sa signification qu'il était le Fils de Dieu, quoiqu'on n'y fit pas réflexion dans ce temps-là. Sur cela les Juifs lui dirent (v. 18, 19): Par quel miracle nous montrez-vous que vous ayez droit de faire de telles choses ? Et Jésus leur répondit: Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. Voilà un exemple de la manière dont Jésus en usait pour se faire connaître; d'où il parait qu'il prenait soin de ne pas se montrer à visage découvert, car il est évident par ce que les Juifs lui répliquèrent, qu'ils ne comprirent point ce qu'il voulait dire, ni ses disciples non plus, comme il paraît par ce que saint Jean ajoute ensuite, (v. 22: Après donc qu'il fut ressuscité d'entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu'il leur avait dit cela; et ils crurent à l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Nous pouvons donc considérer cette première démarche de Jésus-Christ comme le modèle de ses prédications et de la manière dont il se faisait connaître aux Juifs; car en général il a suivi dans la suite la même méthode: c'est-à-dire que nous pouvons conclure de là que ce divin Seigneur se manifestait d'une telle sorte, que tout le monde ne pouvait pas le reconnaître pour lors aux caractères qu'il se donnait; mais que pourtant ces caractères étaient accompagnés d'une telle évidence à l'égard de ceux qui avaient en ce temps-là l'esprit bien disposé, ou qui voudraient les examiner avec soin lorsqu'il aurait achevé le cours de son ministère, qu'ils suffisaient par eux-mêmes pour leur persuader qu'il était le Messie.

Du reste, l'Ecriture nous apprend la raison pourquoi Jésus en usa ainsi, cette première fois qu'il parut en public après son installation dans son ministère, afin que nous l'appliquions à tout ce que nous lui verrons faire de semblable dans tout le cours de sa charge. Car S. Jeant dit dans le verset suivant (23) que urs crurent en lui à

cause des miracles qu'il faisait (c'était là tout ce qu'il leur avait proposé pour les y déterminer), il ajoute (v. 24): Mais Jésus ne se fait point à eux, parcequ'il les connaissait tous; c'est-à-dire qu'il ne déclarait pas qu'il fût leur Messie et leur roi, d'une manière si ouverte que par cet aveu il se livrât au pouvoir des Juifs et s'exposât entièrement à leur malice; sachant bien que s'il se fût fait connaître plus ouvertement, ils n'auraient pas manqué d'en prendre occasion de l'accuser; car comme il est dit dans le verset suivant (25), Jésus connaissait assez ce qui était en eux. Au reste, nous pouvons remarquer ici que croire en son nom signifie croire qu'il est le Messie. C'est ce que nous apprenons par le verset 23, où il est dit que pendant que Jésus était dans Jérusalem, à la fête de Pâque, plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu'il faisait, Quelle autre créance ces miracles auraient-ils pu produire en eux, sinon que cette personne extraordinaire était celui dont l'Ecriture disait qu'il serait leur Libérateur?

Lorsque Jésus était encore à Jérusalem, Nicodème, qui était docteur de la loi parmi les Juifs, Falla trouver (Jean, III, 1-21); et Jesus lui déclara que quiconque croirait au Messie aurait la vie éternelle (v. 15, 16), mais en termes généraux, sans dire que ce fût lui qui était le Messie, quoique tout son discours tendit à cela. C'est là tout ce que l'Evangile nous apprend que ce divin Sauveur fit la première année de son ministère, si Vous y ajoutez son baptême, son jeûne et sa tentation dans le désert, ce qui arriva au commencement de cette même année. Pour le reste du temps qui s'écoula après la fête de Pâque, il le passa avec ses disciples dans la Judée, où il baptisait, comme dit saint Jean (III, 22). Mais ayant su, ajoute cet évangéliste (IV, 1,3), que les pharisiens avaient appris qu'il faisait plus de disciples et qu'il baptisait plus de personnes que Jean, il quitta la Judée et s'en alla de nouveau en Galilée.

En s'en retournant, comme il fut arrêté auprès du puits de Sichar, il eut un entretien avec une femme de Samarie, qui vint dans ce temps-là pour puiser de l'eau et après qu'il lui eut parlé ouvertement du temps qui allait venir, auquel on servirait Dieu en esprit et en vérité, ce que cette femme entendit tout aussitôt de la venue du Messie qu'on attendait alors, elle lui répondit ainsi (v. 25): Je sais que le Messie doit venir: et lorsqu'il sera venu, il nous annoncera toutes choses. Sur quoi Notre-Seigneur lui confessa en termes clairs et formels que lui-même qui parlait avec elle était le Messie (v. 26), ce que nous ne voyons pas qu'il ait déclaré si expressément à Jérusalem ou dans la Judée, ni même en parlant à Nicodème.

Cela devrait paraître fort étrange, que Jésus fût plus libre et plus ouvert avec une fem me samaritaine qu'il ne l'était avec les Juifs, si la raison de cette conduite ne paraissait pas clairement par ce que nous avons remarqué ci-dessus. Il n'était pas nécessaire

[graphic]

que Jésus gardât de pareils ménagements en cette rencontre ; car il était hors de la Judée, au milieu d'un peuple avec qui les Juifs n'avaient aucun commerce (v. 9), et qui n'était pas porté comme eux à le faire mourir ou à 'accuser devant le gouverneur romain, ni à se rébeller en choisissant un Juif pour être leur roi. Or voici à quoi aboutit l'entretien que Jésus-Christ eut avec cette samaritaine (v. 28, 39-42): Cette femme laissa sa cruche, s'en retourna 'à la ville, et commença à dire à tout le monde: Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai jamais fuit: ne serait-ce point le Messie? Or plusieurs samaritains de cette ville-là crurent en lui sur le rapport de cette femme, qui les assurait qu'il lui avait dit tout ce qu'elle avait fait. Les Samaritains donc étant venus le trouver, le prièrent de demeurer chez eux et il y demeurà deux jours. Et il y en eut beaucoup davantage qui crurent en lui pour l'avoir entendu parler. De sorte qu'ils disaient à cette femme : Ce n'est plus sur ce que vous nous en avez dit que nous croyons en lui; car nous l'avons ouï nous-mêmes, et nous savons (c'est-à-dire nous sommes entièrement persuadés) qu'il est vraiment le Messie, le Sauveur du monde. En comparant le verset 39 avec les 41 et 42, il paraît évidemment que croire en lui ne signifie autre chose que croire qu'il est le Messie.

De Sichar Jésus alla à Nazareth où il avait été élevé; et ayant lu dans la synagogue une prophétie tirée du chapitre LXI d'Isaïe, laquelle concernait le Messie, il leur dit (Luc, IV, 21): Ce que vous entendez aujourd'hui de vos oreilles est l'accomplissement de cette parole de l'Ecriture.

Mais étant en danger de perdre la vie à Nazareth, il quitta ce lieu pour aller à Capharnaum; et ce fut alors, comme nous l'apprenons de saint Matthieu, que Jésus commença à prêcher, en disant: Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche; ou comme dit saint Marc (I, 14, 15 ) : Il se mit à prêcher l'Evangile du royaume de Dieu et à dire : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche; repentez-vous et croyez à l'Evangile, c'est-à-dire croyez ces bonnes nouvelles que je vous annonce. Au reste, la raison pourquoi Jésus se retira vers Capharnaum, et s'arrêta sur les confins de Zabulon et de Nephtali, ce fut, comme saint Matthieu le dit expressément (IV, 13-16), afin qu'une prophétie d'Isaïe fût accomplie. Et, par ce moyen, ses actions et les circonstances de sa vie s'accordaient avec Jes prophéties, et donnaient à connaître qu'il était le Messie. 11 paraît d'ailleurs, parce que saint Marc dit dans l'endroit que nous venons de citer (I, 14, 15), que l'Evangile que Jésus prêchait, et qu'il voulait faire croire aux hommes, n'était autre chose que l'heureuse nouvelle de l'avénement du Messie et de son règne, dont le temps était alors accompli.

En allant à Capharnaum il passa à Cana, et un homme de qualité de Capharnaum vint l'y trouver (Jean, IV. 47), et le pria de vouloir venir chez lui pour guérir son fils

qui s'en allait mourir (v. 48). Et Jésus lui dit: Si vous ne voyez des prodiges et des miracles, vous ne croyez point. Alors cet homme étant retourné chez lui et ayant appris que son fils avait commencé de se trouver mieux à la même heure que Jésus lui avait dit : Votre fils vit; il crut, lui et toute sa famille (v. 53).

L'Evangéliste met ici cet homme de qualité au nombre des croyants. Et qu'est-ce qu'il crut? Il crut précisément ce que Jésus dit (v. 48) que les Juifs ne voulaient point CROIRE, hormis qu'ils ne vissent des signes et des miracles; ce qui ne peut être autre chose que ce que saint Jean remarque dans le même chapitre, que les samaritains crurent, savoir, que Jésus était le Messie. Car nous ne voyons nulle part dans l'Evangile qu'aucun autre point leur ait été proposé pour être l'objet de leur foi.

Après que Jésus eut fait ces miracles à Capharnaum, et qu'il eut guéri tous leurs malades, il dit: Allons aux villages et aux bourgs voisins, afin que j'y prêche aussi; car c'est pour cela que je suis venu ( Marc, I. 38), ou bien, comme le rapporte saint Luc (IV, 43), il dit au peuple qui s'efforçait de le retenir, ne voulant point qu'il les quittât : Il faut que j'évangélise, ou que j'annonce les bonnes nouvelles du royaume de Dieu aux autres villes, car c'est pour cela que j'ai été envoyé. Et saint Matthieu nous apprend comment ce divin Seigneur exécuta cette commission (IV, 23.): Et Jésus, dit-il, allait par toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, préchant l'Evangile du royaume, et guérissant toute sorte de mala dies et de langueurs parmi le peuple. C'était justement pour cela qu'il avait été envoyé; je veux dire, pour prêcher partout l'Evangile du royaume du Messie, et pour faire connaître, par ses miracles et par le bien qu'il faisait, qu il était le Messie.

De là Jésus s'en alla à Jérusalem, à la fête de Pâque, qui était la seconde depuis le commencement de son ministère. Et là, parlant aux Juifs, qui cherchaient à le faire mourir parce qu'il venait de guérir un homme auquel il avait ordonné d'emporter son lit un jour de sabbat, et qu'il disait que Dieu était son Père; il leur dit, qu'il faisait ces choses par la puissance de Dieu, et qu'il en ferait encore de plus grandes; que les morts mêmes ressusciteront un jour par son ordre, et qu'il les jugera en vertu du pouvoir que son Père lui a donné ; qu'il a été envoyé de la part de son Père, et que celui qui écoutera sa parole, et croira à celui qui l'a envoyé, aura la vie éternelle. Quoique ce soit là une description manifeste du Messie, nous pouvons pour tant remarquer qu'en cette occasion Jésus considérant qu'il parlait à des Juifs mal intentionnés contre lui, et qui ne cherchaient qu'un prétexte pour le faire mourir, ne leur dit pas un mot de son règne, et ne fait pas même entrer dans son discours le mot de Messie. Il se contente de dire qu'il est le Fils de Dieu, et qu'il est envoyé de la part de Dieu. Du reste, il les renvoie au témoignage que

Jean-Baptiste a rendu de lui, au témoignage de ses propres miracles, et à celui que Dieu lui-même a prononcé en sa faveur par une voix du ciel; et enfin au témoignage des Ecritures, et de Moïse lui-même. Et de tout cela il leur laisse conclure la vérité qu'ils devaient croire, savoir, qu'il était le Messie envoyé dé la part de Dieu. C'est ce qu'on peut. voir plus au long dans le chapitre V de S. Jean, v. 1-47.

La première fois que nous trouvons que Jé sus ait prêché après cela, ce fut sur la montagne (Matt., V; et Luc, VI). C'est là le plus long sermon que nous ayons de lui; et selon toutes les apparences, il a été prononcé devant le plus nombreux auditoire qu'ait jamais eu ce divin docteur. Car il paraît qu'il a été fait devant une grande foule de peuple, qui était venue à lui de Galilée, de Judée, de Jérusalem, de delà le Jourdain, de l'Idumée. et des environs de Tyr et de Sidon, comme il est remarqué dans saint Marc (III, 7, 8) et dans saint Luc (VI, 17). Mais dans tout ce sermon, Jésus ne dit pas un mot de ce qu'il faut croire; c'est pourquoi il n'y fait aucune mention du Messie, et n'avance rien qui puisse insinuer au peuple que ce titre lui appartienne. La raison pourquoi Jésus-Christ en use ainsi dans cette rencontre, se peut recueillir de cet endroit de saint Matthieu (XII, 16), où ce divin Seigneur défend au peuple qui le suivait de le donner à connaitre : ce qui suppose qu'ils savaient déjà qui il était. Car que ce chapitre XII de saint Matthieu doive précéder le sermon que Jésus-Christ fit sur la montagne c'est ce qui paraît clairement, si l'on prend la peine de le comparer avec le second de saint Marc, depuis le verset 13 jusqu'au verset 8 du chapitre III de ce même évangéliste; et que l'on compare en même temps ces deux chapitres de saint Marc avec le VI de saint Luc. Et ici j'avertirai mon lecteur une fois pour toutes, que j'ai toujours observé l'ordre des temps en parlant des discours de Notre-Seigneur, lesquels j'ai rapportés exactement dans cet ouvrage sans en oublier un seul, si je ne me trompe. Dans celui-ci Jésus-Christ enseigne seulement à ses auditeurs quelles sont les lois de son royaume et ce qu'on doit faire pour y être admis; et c'est de quoi nous aurons occasion de parler plus au long dans un autre endroit, car nous ne recherchons présentement que ce que Notre-Seigneur propose à croire pour être simplement l'objet de la foi.

Pour revenir à notre sujet, après que Jésus-Christ eut fait ce sermon au peuple, nous apprenons de saint Luc ( VII, 19 ) que Jean-Baptiste lui envoya faire cette question: Eles-vous celui qui doit venir, ou si nous devons en attendre un autre? c'est-à-dire, en peu de mots : Etes-vous le Messic? Et si vous l'étes, pourquoi me laissez-vous languir dans une prison, moi qui suis votre précurseur? Dois-je attendre ma délivrance de quelqu'autre? A quoi Jésus fit cette réponse : Allez dire à Jean ce que vous venez de voir et d'entendre que les aveugles voient; que les boiteux

marchent; que les lépreux sont guéris; que les sourds entendent; que les morts ressuscitent; que l'Evangile est annoncé aux pauvres, et que bienheureux est celui qui n'aura point éte scandalisé en moi. Pour savoir ce que signifie cette expression, étre scandalisé en lui, il ne faut que comparer Matth., XIII, 28 et Marc, IV, 17 avec Luc, VIII, 13., car ce que ces deux premiers évangélistes appellent être scandalisé en lui, saint Luc l'exprime par se retirer d'avec lui ou l'abandonner: c'est-àdire ne pas le recevoir pour le Messie (Marc, VI, 1-6) ou quitter son parti. Ici Jésus renvoie Jean-Baptiste, comme il avait fait les Juifs, au témoignage de ses miracles, pour savoir qui il était; et en général c'est par ce moyen-là qu'il donnait à entendre qu'il était le Messie, c'est-à-dire le seul prophète dont les Juifs attendaient la venue; car ils n'espéraient pas qu'un autre que le Messie dût leur être envoyé comme venant de la part de Dieu avec le pouvoir de faire des miracles. Ainsi l'on peut conclure de la réponse que Jésus fait à Jean-Baptiste, que ce divin Seigneur croyait que faire des miracles devant les Juifs, c'était leur faire assez connaître qu'il était le Messie. Et en effet, un jour, ayant guéri un possédé qui était aveugle et muet, le peuple, qui fut témoin de ce miracle, se prit à dire (Matth., XII, 23): N'est-ce pas là le fils de David? ce qui est autant que s'ils eussent dit: N'est-ce pas là le Messie? De quoi les pharisiens ayant été choqués, se prirent à dire que c'était par Beelzebuth qu'il chassait les démons. Mais Jésus faisant voir la fausseté et la faiblesse de cette accusation blasphématoire, justifie la conséquence que le peuple avait tirée de ce miracle, en disant (v.28) que puisqu'il chassait les démons par l'Esprit de Dieu, c'était une preuve que lo règne du Messie était arrivé.

Dans les miracles que faisaient les disciples de Jésus-Christ, il y avait une autre circonstance qui prouvait qu'il était le Messie; c'est qu'ils les faisaient en son nom : Levez-vous au nom de Jésus de Nazareth, et marchez, dit saint Pierre à cet homme boiteux qu'il guérit dans le temple de Jérusalem ( Act., III, 6). Il semble même que les apôtres étaient surpris de voir que la puissance de ce nom s'étendit si loin (Luc, X, 17): Or, les soixante et dix disciples s'en revinrent avec joie, lui disant: Seigneur, les démons mêmes nous sont assujettis par votre nom.

Au reste, Jésus-Christ prend occasion de ce message qui lui avait été fait de la part de Jean-Baptiste, de dire au peuple que Jean était le précurseur du Messie; que le règne du Messie avait commencé depuis le temps de Jean-Baptiste; et que tous les prophètes aussi bien que la loi avaient eu en vue ce temps-là (Luc, VII, et Matth., XI). Après cela, dit saint Luc, VIII, 1, Jésus allait de ville en ville et de village en village préchant et annonçant les bonnes nouvelles du royaume de Dieu. Par où nous voyons en quoi consistaient ses prédications; et par conséquent à quoi se réduisait ce qu'il vou

lait qu'on crût pour être reçu au nombre de ses disciples.

Peu de temps après, il se mit à prêcher au peuple près de la mer, après être monté dans une barque. On peut voir son sermon au long dans saint Matthieu (XIII), dans saint Marc (IV) et dans saint Luc (VIII). Mais c'est une chose bien remarquable que ce discours est tout à fait différent de celui que Jésus avait fait auparavant sur la montagne; car au lieu que ce dernier était si clair et si intelligible en tout, qu'il ne pouvait l'être davantage; celui-là est si enveloppé par les paraboles dont il est rempli, que les apôtres eux-mêmes ne l'entendaient pas. Si nous voulons savoir la raison de cette différence, il faut examiner les divers sujets qui sont traités dans ces deux sermons; cela nous donnera peut-être quelque éclaircissement là-dessus. Dans le sermon que Jésus fit sur la montagne il n'entretint le peuple que de choses morales, s'attachant uniquement à démêler les préceptes de la loi d'avec les fausses explications qu'on leur donnait dans ce temps-lå, à faire voir qu'il est d'une absolue nécessité de pratiquer les devoirs qui regardent la bonne vie et à montrer que ces devoirs s'étendent au delà de ce que pouvaient exiger les lois politiques des Israélites ou les lois civiles de quelque pays que ce fût. Mais dans le sermon que ce divin Docteur fit sur le bord de la mer, il ne parle que du règne du Messie, et cela par de continuelles paraboles. Une des raisons pourquoi il se servit de cette voie pour entretenir le peuple, c'est, dit saint Matthieu ( XIII, 35), afin que cette parole du prophète fût accomplie : J'ouvrirai ma bouche pour parler en paraboles, je publierai des choses qui ont été cachées depuis la création du monde. Jésus lui-même parlant à ses disciples, leur en rend une autre raison (v. 11, 12): Pour vous autres, leur dit-il, il vous a été donné de connaître le mystère du royaume des cieux, mais pour eux, il ne leur a pas été donné; car quiconque a, on lui donnera encore, et il sera comblé de biens. Mais pour celui qui n'a point, c'est-àdire qui ne fait pas valoir les talents qu'il a, on lui ôtera même ce qu'il a.

Il ne sera pas hors de propos de remarquer qu'ici Notre-Seigneur donnant à ses apôtres l'explication de la première des paraboles qu'il avait fait entrer dans son discours, donne simplement le nom de parole à la publication du royaume du Messie, et dans saint Luc, chap. VIII, 21, celui de parole de Dieu. Et de là vient que saint Luc, dans les Actes des apôtres, en parle souvent sous le nom de parole et de parole de Dieu, comme nous l'avons déjà remarqué. A quoi j'ajouterai cet endroit des Actes (VIII, 4): Ceux qui étaient dispersés annonçaient la parole de Dieu dans tous les lieux où ils passaient; car cette parole ne renfermait autre chose, sinon que Jésus était le Messie, ainsi que nous l'avons vu en examinant pied à pied tout ce que préchaient les apôtres, autant qu'on peut le savoir par leur histoire. Et c'était là, si je ne me trompe, tout ce qu'ils proposaient à

croire à leurs auditeurs. Car du reste leur doctrine, aussi bien que celle de notre Sauveur, contenait quantité d'autres choses, mais qui regardaient la pratique et non pas la créance. C'est pourquoi Jésus-Christ dit dans un endroit que nous venons de citer (Luc, VIII, 21): Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent; ce qui veut dire qu'ils n'étaient pas moins obligés d'obéir aux lois du Messie, qu'ils regardaient comme leur roi, que de croire que Jésus était le Messie, le roi et le libérateur qui leur avait été promis.

Saint Matthieu parle encore de ces prédications où Jésus-Christ exposait aux hommes ce qu'ils devaient croire pour être du nombre de ses disciples. C'est au chap. IX, v. 35, où il nous représente ce que ce divin Docteur proposait à croire et la manière dont il le faisait: Et Jésus, dit-il, allant de tous côtés dans les villes et dans les villages enseignait dans leurs synagogues et prêchait l'Evangile du royaume, guérissant toute sorte de maladies et de langueurs. Où vous voyez que Jésus-Christ les avertit que le règne du Messie était arrivé, et qu'il laisse, pour ainsi dire, à ses miracles le soin de leur faire voir et de leur persuader que c'est lui qui était le Messie.

Matth. X. Lorsqu'il envoya ses apôtres pour prêcher de lieu en lieu, il leur en donna l'ordre en ces propres termes (v. 7, 8): Dans les lieux où vous irez, préchez, en disant: Le royaume des cieux est proche. Rendez la santé aux malades, etc. D'où il paraît que tout ce qu'ils devaient prêcher, c'était que le règne du Messie était arrivé. Et Jésus leur déclare en même temps que tous ceux qui ne les recevront pas comme messagers de cette bonne nouvelle, ou qui refuseront d'écouter leurs paroles, seront traités, au jour du jugement, avec plus de rigueur que Sodome et Gomorrhe (14, 15). Mais au contraire (v. 32,) que quiconque le confessera devant les hommes, il le confessera aussi devant son Père qui est dans le ciel. Pour savoir ce que c'est que confesser Christ, il ne faut que comparer le v. 42 du chap. XII de saint Jean avec le v. 22 du chap. IX du même évangéliste. Quelques-uns des sénateurs même, dit saint Jean dans le premier de ces passages, crurent en lui, mais à cause des pharisiens, ils ne le confessaient point (1), de crainte d'étre chassés de la synagogue. Et au chap. IX, vers. 22: La crainte que son père et sa mère avaient des juifs les faisait parler de la sorte; car les Juifs avaient déjà résolu ensemble que si quelqu'un confessait qu'il fût le Messie (2), il serait chassé de la synagogue. Il est évident par ces deux endroits, que confesser JésusChrist, c'était confesser qu'il était le Messie. A propos de quoi permettez-moi de faire une autre remarque sur le sens de cette expression croire en lui (3). J'ai déjà prouvé ce sens par d'autres passages, mais on ne saurait

(1) Οίχ ώμολόγουν.

(2) Αὐτὸν ὁμολογήσῃ Χριστόν. (3) Πιστεῦσαι εἰς αὐτόν,

« IndietroContinua »