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coururent d'abord à tenir nos premiers parents dans ces sentiments de crainte religieuse qui durent leur inspirer le plus grand éloignement du péché. Il ne leur resta plus aucun moyen naturel de se mettre à couvert de la mort. Cette mort, tôt ou tard infaillible, était devenue possible à toute heure. L'arrêt en fut même renouvelé d'une manière à le rendre plus effrayant, puisque ce n'était plus, comme auparavant, par voie de simple prédiction de ce qui devait arriver, mais par voie de condamnation et de peine qui avait été encourue. Puisque tu as mangé de l'arbre, dit Dieu, comme tu as été tiré de la poudre, aussi retourneras-tu dans la poudre ( Gen., III, 17-19 ). En attendant le moment, toujours inconnu, de cette dissolution, le coupable, banni du lieu de la félicité, se trouva dans une terre remplie de chardons et d'épines, obligé de manger tous les jours son pain à la sueur de son visage, sur cette terre maudite à cause de lui, et la femme, participant elle-même à cette malédiction, par un assujettissement à des travaux qu'elle aurait ignorés dans l'état d'innocence.

naturel d'immortalité, ce ne fut que par un principe de bonté et de sainteté. A prendre ainsi les choses, on ne sera plus en droit de demander, ni pourquoi Dieu ne mit pas plus d'obstacles à la chute d'Adum, puisque sa sagesse et sa bonté n'y avaient rien négligé de ce qu'il fallait pour la prévenir, sans faire violence à la liberté de l'homme; ni pourquoi Dieu punit si sévèrement une faute en apparence si légère, puisque ce qu'on appelle une punition n'est plus proprement que l'effet naturel d'une cause très-naturelle. Mais on peut encore demander pourquoi l'homme ayant eu le malheur de goûter le fruit de l'arbre de la science du bien et du mal, un Dieu tout clément et tout bon ne voulut pas lui permettre de toucher à celui de l'arbre de vie? Cependant la réponse est aisée et se présente en quelque façon d'ellemême. Ce dernier fruit pouvait bien prévenir la mort; mais il ne pouvait rétablir l'innocence. Rendant l'homme immortel il ne le rendait ni moins vicieux, ni par conséquent moins malheureux dans la vie; et conçoiton qu'il convint à la bonté souveraine d'accorder à l'homme pécheur une grâce qui ne pouvait remédier qu'imparfaitement à ses maux, ou qui plutôt n'aurait servi qu'à immortaliser sa misère? D'ailleurs, n'était-il pas nécessaire pour la gloire du Créateur, et pour ne pas laisser ses ordres exposés au mépris de la créature, que la dénonciation de mort, en cas de désobéissance, ne fût pas impunément éludée? Disons-le en un mot. La clémence de Dieu pour l'homme pécheur ne pouvait se manifester dans une juste étendue, qu'en lui rendant l'innocence avec l'immortalité, et sa sainteté devait lui ôter tout espoir d'immortalité dans un état de corruption et de vice.

Le dessein de Dieu était d'élever l'homme à un plus grand bonheur par un mélange de crainte et d'espérance. Ceci nous ouvre un neuveau plan que la Providence se trace à elle-même, pour remédier pleinement aux maux de la créature coupable, en maintenant les droits et la majesté du Créateur. Elle va remplir les désirs les plus vastes de l'homme, en l'élevant, dans une autre vie, à une félicité qui sera consommée, et par conséquent portée à un point de perfection qu'elle n'avait point eu et ne pouvait même avoir sur la terre; mais elle va aussi pour préparer l'homme à la possession d'une félicitè si parfaite, et pour le sanctifier par une attente si glorieuse, faire en sorte qu'il regrette sincèrement l'innocence qu'il à perdue, qu'il travaille avec ardeur à y revenir, et que pour cet effet il sente vivement toute sa corruption et tout son malheur. C'est donc le tempérament qui doit désormais servir de règle à sa conduite à l'égard du genre humain, et celui qu'elle déploie immédiatement après la chute de l'homme, en y entretenant à la fois, d'un côté la crainte, et de l'autre l'espérance.

Dieu mit en œuvre diverses rigueurs pour lui faire sentir sa faute et son maikeur.— Diverses choses très-frappantes et très-marquées con

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Arrêt de malédiction prononcé contre le tentateur. Il n'y eut pas jusqu'à l'ange apostat, funeste auteur de tant de maux, qui ne fournit à l'homme pécheur une brillante leçon de devoir, dans la sentence qui fut prononcée (Gen., III, 14, 15). C'est effectivement sur cet esprit séducteur que tombe la principale colère du Juge. Il est vrai que les expressions en sont figurées, parce qu'elles sont relatives au serpent naturel dont le tentateur avait emprunté l'organe ou l'apparence. Mais on peut dire aussi que ce sont des figures parlantes. Rumper sur la poussière et la manger, c'est l'image de l'abaissement le plus honteux et le plus triste. L'Ecriture s'en sert souvent (Ps. XVIII, 43; LXXII,9; Is., XLIX, 23; LXV, 25; Mich., VII, 17, etc.) en des rencontres semblables. Le démon devait donc être la dernière des créatures, la plus vile de toutes, de toutes la plus maudite et la plus malheureuse. Le reste est encore plus facile à comprendre, et nous le verrons tout à l'heure.

Promesse d'un Rédempteur qui serait la semence de la femme. Remarquons, en attendant, qu'au milieu de cette scène d'horreur, qui dut abattre l'homme sous le poids de la condamnation.qu'il n'avait que trop méritée, la bonté divine le soutint et le consola par les espérances ou plutôt par les promesses do grace qu'il fit luire à ses yeux. Sans mettre en ligne de compte, comme nous le pourrions, le délai de la mort qui fut accordé aux coupables, ils ne purent que découvrir toutes les compassions de la miséricorde divine, en leur faveur, dans l'arrêt même de malédiction qui fut dénoncé à l'esprit tentateur. Il avait cru faire périr la femme; et cependant cette femme doit avoir une semence et de la postérité. Il s'était flatté d'engager dans sa rébellion les créatures innocentes qu'il venait de séduire; et cependant il doit y avoir une inimitié éternelle entre lui et la semence de la femme. Il avait conçu l'espérance d'entrainer

dans une perte totale ces créatures, dont le bonheur causait son envie; et cependant il ne pourrait que leur mordre le talon, que leur faire de grands maux à la vérité, mais qui ne seraient point sans remède; au lieu que la semence de la femme lui briserait la tête, l'écraserait lui-même, renverserait totalement son empire, et ferait retomber sur sa tête tous les cruels effets de son imposture. N'était-ce pas annoncer clairement à nos premiers parents la manifestation d'un Sauveur et le jour de leur délivrance? n'était-ce pas même leur dire, avec autant de clarté que cela se pouvait encore, que ce grand Libérateur serait un homme sorti d'une Vierge, et que cette merveilleuse délivrance serait opérée pour la rémission des péchés, et par conséquent pour une parfaite réconciliation de l'homme pécheur avec Dieu?

Alliance de grâce, relative à cette promesse et scellée par l'institution des sacrifices. Fondés là-dessus, nous osons même penser qu'immédiatement après cette promesse, Dieu contracta dans les formes, avec nos premiers parents, une alliance de grâce, sous les conditions expresses de la foi et de la repentance. Moïse ne le dit pas en autant de mols, je l'avoue; mais il l'insinue assez clairement, lorsqu'il introduit Dieu, qui dit à Noé (Gen., IX, 9), J'établis mon alliance avec vous. Ce terme, mon alliance, ne désigne-t-il pas une alliance qui avait été déjà contractée avec les ancêtres de ce patriarche ? et quand l'avaitelle été, si ce ne fut pas avec Adam? D'ailleurs l'institution des sacrifices en est une indication qui me paraît sans réplique. L'usage qu'en firent Cain et Abel en marque une origine antérieure à leur temps. Ces sacrifices firent donc partie de la religion d'Adam depuis sa chute, et comme il n'est nullement vraisemblable que l'introduction en ait été arbitraire, il faut que ce soit Dieu lui-même qui l'ait faite; car autrement, et si Dieu luimême n'avait pas institué ce culte par une révélation directe, comment les hommes auraient-ils pu savoir qu'il lui était agréable, ou plutôt, comment Dieu l'aurait-il accepté ? Raisons de l'alliance de Dieu avec l'homme. - Mais en attribuant, comme nous le faisons, l'origine de cet établissement à l'ordre exprès de l'Etre suprême, on en voit sans peine les fins et le fruit. La mort des victimes présentait à l'homme une vive image de la sienne, non sans lui en rappe.er la cause et la source. Ces victimes, qui laissaient subsister la grande promesse d'un Rédempteur dans la semence de la femme, marquaient suffisamment qu'elles n'étaient elles-mêmes que des types et des figures de celle dont le sang pouvait seul effacer les péchés, et le ferait à quelque heure. Elles servaient par cela même à entretenir le genre humain dans le souvenir de cette grande promesse et dans l'attente de cette précieuse victime, qui ne devait être immolée qu'après une longue succession des siècles encore à venir.

Condition de cette alliance pour l'homme : la foi et l'obéissance, comme cela paraît par les

différents sacrifices de Cain et d'Abel. — Ces sacrifices ne furent donc institués que pour être des sceaux d'une alliance de grâce, que Dieu voulut bien contracter avec nos premiers parents, et ce fut effectivement la même méthode qu'il suivit en d'autres rencontres (Gen., VIII, 20, 21; XV, 8-18; Exod., XXIV, 4-11, etc.), n'ayant point traité d'alliance avec les hommes, sans la sceller de même par le sang des victimes. Par ce moyen il s'engageait avec les hommes, et les hommes s'engageaient avec lui. Ici l'engagement qu'il prenait avec eux était de leur donner un jour la semence de la femme qui briserait la tête du serpent, et ceux qu'il prenait avec lui étaient la foi de cette promesse et l'obéissance à ses lois.

Ce dernier point nous paraît incontestable, si l'on fait quelque attention sur les premiers sacrifices dont il est parlé dans l'Histoire sacrée. Je veux parler de Cain et d'Abel, qui en présentèrent tous deux également par devoir. Cependant Dieu accepta l'un, et n'accepta point l'autre. Quelle en fut la raison ? Dien l'a dit lui-même a l'aîné des frères. Si tu fais bien, lui dit-il, ne sera-t-il pas reçu ? mais si tu ne fais pas bien, le péché est à la porte (Gen., IV,7). N'était-ce pas lui reprocher qu'il manquait à ses dispositions ce qui aurait pu rendre son sacrifice agréable; et qu'est-ce donc qui y manquait? Saint Paul nous l'apprend, lorsqu'il dit que (Hébr., XI, 4) ce fut par la foi qu'Abel offrit un sacrifice plus excellent, et lorsqu'il ajoute (Hebr., XÍ, 7) que par cette même foi Noé fut fait héritier de la justice. La foi et la justice manquèrent done à Cain, et par conséquent ces deux conditions firent partie de l'alliance de grâce que Dieu fit avec Adam et sa postérité immédiatement après la chute.

L'objet de cette révélation étant fort éloigné, il fallait qu'il se développât par degrés. - En conséquence de ce que nous venons de poser, nous ne doutons point que Dieu n'eût révélé à nos premiers parents diverses choses qui regardaient la semence promise, et dont il importait que les lumières fussent transmises à leurs descendants. Nous venons d'en insinuer deux de ce genre: l'une que le Rédempleur sortirait d'une Vierge; et l'autre, qu'il opèrerait notre délivrance par l'effusion de son sang en qualité de victime; à quoi nous pouvons ajouter la promesse d'une résurrection qui ferait partie essentielle de cette délivrance. Cependant, comme le temps de la rédemption était encore extrêmement éloigné, nous ne saurions douter non plus qu'une foi générale ne fût suffisante dans ces premiers âges du monde. Il n'était point encore nécessaire que l'on connût en détail, et d'une manière distincte, tout ce que le Sauveur devait être et tout ce qu'il devait faire. Il n'y eut de nécessité pour cela qu'à mesure que le temps de sa manifestation s'approchait, afin que l'on pût le connaître. Il fallut donc que le premier oracle se développât d'une façon graduelle, et qu'une grande diversité de révélations successives servit d'un côte à entretenir l'attente d'un Rédempteur et à en

réveiller de plus en plus le désir, et de l'autre à le caractériser si bien, qu'on ne pût le méconnaître sans un aveuglement volon taire. Ce fut aussi la méthode que la Providence suivit, comme nous l'allons voir dans la suite.

CHAPITRE XIII.

Conduite de la providence envers le genre humain depuis la première promesse d'un rédempteur jusqu'au renouvellement que Dieu en fit au patriarche Abraham,

Dans l'enfance du monde l'instruction et la correction du genre humain demandèrent des traits grands et marqués. Nous venons de voir que, dans sa conduite envers le genre humain, la Providence se proposa désormais deux fins principales, en vertu de l'alliance de grâce contractée avec le premier homme: l'une était d'y entretenir la foi de la promesse d'un rédempteur, et l'autre d'y porter les hommes à l'obéissance. Il fallut donc, pour cela, que diverses révélations successives développassent, par degrés, la première, et que des dispensations, mêlées de grâce et de justice, fussent autant de leçons de devoir, tant pour réprimer la licence des mœurs, que pour faire aimer la vertu. Mais il fallut aussi, pour les mêmes raisons, que tout y fût marqué au coin de la toute-puissance divine, afin que les lumières et les leçons fissent une vive impression sur les hommes. De là cette multitude de faits singuliers, extraordinaires, surnaturels, qui composent l'histoire que Moise nous a donnée des premiers âges du monde, tant avant qu'après le déluge. Si le merveilleux qui s'y trouve la fait paraître incroyable à quelques personnes, ceci ne vient que de ce que ces personnes-là ne prennent pas assez garde qu'il fut nécessaire, dans l'enfance du monde, pour rendre les moyens d'instruction plus frappants, et par cela même aussi pour en rendre le souvenir plus durable. Quelques détails suffiront pour justifier cette observation, qui sert de clé générale aux premiers monuments de l'histoire sacrée.

Cain et Abel. Le tempérament de justice et de grâce que Dieu avait pris pour contenir les hommes dans l'obéissance, par la foi d'un Sauveur, ne réussit pas à l'égard de Caïn (Gen., IV, 1-16). Ce furieux trempe ses mains dans le sang de son frère, et marque l'ouverture du genre humain par l'un des plus grands crimes que les hommes puissent commettre. Le dépit de ce que son sacrifice avait moins plu que celui d'Abel lui fournit le prétexte de cette barbarie. Peut-être en conclut-il qu'il n'était pas lui-même la semence promise, ou qu'elle ne sortirait point de sa race, et que son ressentiment lui représenta tout permis contre un frère qui semblait le priver d'une si glorieuse espérance. Quel qu'en fût le motif, l'action était certainement à tous égards des plus noires, et les circonstances mêmes demandaient qu'elle fût punie d'une façon exemplaire. Cependant le coupable, qui craint avec raison une mort violente, cn

est garanti par Dieu lui-même. On s'en étonne, et quel est pourtant iei le sujet de surprisc? Caïn n'en est pas moins mortel dans le cours de la nature et dans les suites de la sentence prononcée contre le péché. Le délai de ce châtiment général est-il donc une grâce pour lui? Point du tout: c'est plutôt le contraire, si l'on fait attention que Dicu ne lui laisse la vie que pour la passer dans les cruels remords de conscience dont il paraissait agité; qu'il redouble à cette occasion l'arrêt de malédiction sur la terre qu'il devait cultiver, et qu'enfin il le bannit dans un pays éloigné de sa famille, lui donnant, par cela même, l'exclusion des faveurs et des espérances qu'il réservait à ses frères.

Mélange des familles, déluge. Une exclusion, d'ailleurs si douloureuse et si humiliante pour lui, le rendit effectivement l'opprobre et le mépris du reste de sa famille, dont il fut séparé pour longtemps (Gen., VI, 1-2). Le titre d'enfants de Dieu affecté à ceux. de Seth, et celui des enfants des hommes qui distinguait les descendants de Caïn, en fournissent la preuve. Cependant la grande séparation des deux branches s'affaiblit peu à peu, et le mélange qui s'en fit par le mariage des enfants de Dieu avec les filles des hommes rendit bientôt la corruption extrême et générale. En vain Dieu, pour réprimer ces torrents de licence, suscita (Jude, 14) des prophetes tels qu'Hénoch, par le moyen desquels il fit entendre sa voix (Gen., VI, 3), ou parla lui-même intérieurement à tous les hommes par des mouvements extraordinaires de la conscience (Gen., VI, 5, 6, etc). La corruption étant enfin portée au comble, la Providence se résolut aux extrémités les plus effrayantes, et pour infliger un châtiment dont la grandeur étonnât tous les siècles, et dont la mémoire durât autant que le monde (Gen., VI, 17; VII, 17, 23); elle y employa un déluge qui n'épargna rien sur tous les lieux de la terre. Mais afin de donner le temps à la repentance, et d'en fournir les motifs, Dieu se servit du ministère de Noé (Gen.V1,13) pour avertir le genre humain du malheur qui le menaçait, et lui fit donner cet avis de faveur (Gen., VI, 3), six vingts ans avant que la chose arrivât, en continuant (Matth., XXIV, 38, 39) jusqu'au funeste moment où elle arriva.

Noé, Cham et Sem. Noé (Gen., VII, 7) seul, avec sa famille, fut miraculeusement préservé dans cette désolation générale. La distinction fut accordée à sa foi et à sa vertu (Gen., VI, 8, 9,). Elle était d'ailleurs né– cessaire pour remplir l'attente de la semence promise à la femme, dans une branche de ses descendants ( Gen., VI, 71, 18). Aussi Dieu ne manqua-t-il point d'apprendre à ce patriarche (Gen., IX, 9) qu'il renouvelait avec lui son alliance, et bientôt après on apprit duquel des enfants de Noé devait sortir le grand rédempteur (Gen., IX, 22–26). Cham s'étant attiré l'indignation de son père, par une action que quelques rabbins conjecturent avoir eu pour principe le mépris de la grande promesse, ce père irrité le déclara

déchu de tout droit à cette espérance, en disant qu'il serait maudit, et le serviteur des serviteurs de ses frères. Il fixa même l'incertitude qui restait encore entre Sem et Japhet. en révélant que l'héritage de la semence de la femme était restreint au premier: Béni soit, dit-il, l'Eternel, le Dieu de Sem. Car ici l'Eternel ne peut être le Dieu de Sem qu'au même sens (Gen., XXVI, 24, etc.) qu'il le fut dans la suite d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

La tour de Babel et la confusion des langues. - Quelque clair que fût cet oracle, la famille de Cham feignit de ne le pas entendre, ou se flatta de pouvoir l'éluder. Loin de se soumettre à la condition d'être les serviteurs de Sem et de Japhet, ils formèrent le dessein ambitieux de les mettre tous dans la dépendance. Ce fut ea grande partie (Gen., XI, 1-9) ce qui leur fit entreprendre le superbe édifice de la tour de Babel. Ils y pensèrent sans doute à se garantir de tout déluge, au mépris de la promesse que Dieu avait faite, qu'il n'y en aurait plus de semblable au précédent; mais ils s'y proposèrent encore evidemment d'y jeter les fondements d'un empire universel, dont cette ville serait la capitale, en opposition directe à la prédiction de Noë. Cet excès d'orgueil et d'impiété ne dut pas être impuni. Dieu confondit et rompit ce dessein par la division des langues, qui les mit dans la nécessité de se disperser par pelotons, afin de former tout autant de petits états séparés, et ce qui les mit en même temps hors d'état de répandre le venin de leur irréligion dans les familles qui parlaient encore la langue primitive du monde. Ajoutez à cela que la diversité des langues, qui sépare naturellement les nations, jette par cela même entre elles, des semences d'éloignement ou d'inimitié, qui fournirent dans la suite à la Providence un moyen naturel de punir une nation par une autre, quand elle le juge à propos.

Sodome et Gomorrhe.--Malgré la mémoire encore toute fraîche du déluge, malgré la leçon encore plus récente de la tour de Babel, la corruption du cœur humain fit des progrès, non moins rapides qu'incroyables. Les villes de la plaine de Tseboim la portò rent en particulier à un point que l'on ne peut y penser sans horreur. Quel exemple affreux pour les siècles à venir, si le ciel n'en eût pas fait la punition la plus éclatante! Qu'elle fut en effet terrible, cette punition! et qui n'aurait cru qu'il eût prévenu sur la terre le retour d'un crime si contraire à la nature, et si odieux à la divinité ?

Progrès de l'idolatrie - Observons néanmoins que ce ne fut pas seulement du côté des mœurs que le genre humain se corrompit d'une manière si étonnante. Il se précipita encore dans tous les égarements du polythéisme et de l'idolatrie. Peut-être même que ce fut par là que commença le désordre. Ce qu'il y a de certain, c'est que cette espèce d'irré.igion gagna si vite dans le nouveau monde, que peu de temps après la mort de Noë, c'est-à-dire environ 400 ans après le

déluge (Gen. XI, 31; Josué, XXIV. 2, 3), elle avait déjà séduit la famille même de Sem.

Nécessité d'y opposer une digue, dans le choix d'un peuple particulier. — Dans ce dérangement universel, et qui menaçait d'une extinction totale la connaissance et le souvenir de l'alliance divine, va surtout la grande distance du temps auquel il convenait que le Rédempteur vînt au monde, Dica se choisit en grâce un peuple particulier, qui, ayant le dépôt de ses oracles, servit à en conserver et à en répandre les lumières, en attendant la semence promise à la femme. Mais afin de se former un peuple semblable, il fallait le prendre dès sa première origine, et par conséquent le tirer d'un particulier qui en serait le fondateur et le père (Gen, XI, 31; Josué, XXIV, 2, 3) Abraham fut donc l'objet heureux sur lequel tomba ce choix de la Providence.

Abraham choisi pour être le fondateur et le père. — Ce patriarche répondit pleinement aux vues que la sagesse divine cut sur lui. Jamais simple mortel ne marqua pour son Dieu plus d'attachement, plus de soumission, plus de zèle; jamais aucun ne donna des exemples plus brillants de foi et d'obéissance. Quoique né dans le sein d'une famille idolâtre, dès que le vrai Dieu l'appelle (Gen. XII, 1, 4), il abandonne tout pour le suivre. Quoique sans enfants encore et dans une terre étrangère, il croit sans hésiter (Gen., XV,6) que sa postérité sera nombreuse et mise en possession de cette même terre, où il n'est encore que comme dans un lieu de passage. Quoiqu'il soit averti (Gen., XV, 13–18). qu'il doit s'écouler quatre cents ans d'exil et de travaux, tant pour lui que pour ses enfants, avant l'exécution de cette promesse, son espérance n'en est point ébranlée. Quoique Dieu lui demande en sacrifice le sang d'Isaac, le seul fils que cette promesse regardait (Gen., XXII, 2-10), il le livre ou court le livrer (Hebr., XI, 19), comptant que Dieu pouvait le ressusciter. Mais à quoi bon ce détail? Toute l'histoire de ce saint homme est celle du père des croyants, dans le sens le plus littéral. Dieu lui-même en fit l'éloge: et que cet éloge est beau! Maintenant, lui dit-il à l'occasion de son sacrifice, j'ai connu que tu crains Dieu, puisque tu n'as point épargné ton fils unique pour moi ( Gen., XXI, 12). Je le connais, avait-il déjà dit dans une autre rencontre, et je sais qu'il commandera à ses enfants et à sa maison après lui, qu'ils gardent la voie de l'Eternel, pour faire ce qui est juste et droit ( Gen., XVIII, 19).

Dieu renouvelle avec lui la première alliance. — Aussi Dieu, qui ne le mit quelquefois à l'épreuve que pour justifier, aux yeux de toute la terre, le choix qu'il en avait fait pour être le père de la semence bénie, lui fit-il la grâce de renouveler solennellement avec lui l'alliance de cette glorieuse promesse; non sans marquer que cette source de bénédiction pour ses enfants le devait être aussi pour toutes les nations de la terre J'établirai, lui dit Dieu, mon al

liance entre moi et toi, et entre ta postérité après toi.... pour être une alliance éternelle (Gen., XVII, 7) et toutes les nations de la terre seront bénies en ta semence, parce que tu as obéi à ma voix (Gen. XVII, 18).

CHAPITRE XIV.

Vues et conduite de la Providence à l'égard de la postérité d'Abraham jusqu'à son introduction dans la Palestine.

La séparation du nouveau peuple se fait d'abord dans la maison paternelle. - En traitant son alliance avec Abraham, Dieu fit bien sentir que son dessein était de mettre un mur de séparation entre la nation qui devait sortir du sang de ce patriarche pour hériter de la promesse, et toutes les autres jusqu'à la venue du grand Rédempteur qui les devait réunir. Le signe de la circoncision (Gen., XVII, 7-14) en marqua le moyen et les vues. Cette séparation était nécessaire pour conserver, dans ce nouveau peuple, la connaissance et l'amour de la vérité, en prévenant leur mélange avec les idolâtres. Cela se fit d'abord naturellement par l'extrême lenteur avec laquelle ce peuple parut se former. Abraham lui-même n'eut qu'un fils en qualité de semence bénie. Isaac n'en eut pas davantage, et l'on sent assez que cela même donnait aux enfants tout le loisir et toute la commodité convenables pour se former à la piété dans la maison paternelle. Mais Jacob en eut douze, et comme cette famille nombreuse pouvait aisément se confondre avec les habitants des lieux où régnait l'idolâtrie, et par conséquent en suivre les mauvais exemples, Dieu y pourvut d'une autre manière.

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Cette séparation se fait ensuite dans le pays de Goshen. - Par une suite d'événements, tous plus singuliers les uns que les autres, Dieu conduisit Joseph en Egypte et l'y rendit le dépositaire de la toute-puissance royale. A l'aide de son pouvoir il y attira son père et ses frères. Odieux aux naturels à cause de leur différente manière de vivre (Gen., XLVII, 6, 27), il fallut leur choisir une demeure à part, et dans laquelle ils pussent être comme isolés. On leur assigna donc le pays de Goshen, et s'il y avait dans le monde quelque endroit où leur religion pût être à Couvert de toute infection d'un commerce étranger, n'était-ce pas dans ce coin de l'Egypte?

Séparation des Hebreux des autres peuples, inspirée par la barbarie des Egyptiens. Les maux extrêmes qu'ils eurent à y essuyer après la mort de Joseph durent même leur inspirer l'aversion la plus grande pour la religion de leurs maîtres. Ces maîtres, dépouillant pour eux tout sentiment d'humanité, les traitèrent comme les derniers des esclaves, et se portèrent enfin à faire périr tous leurs mâles, afin d'en éteindre la race. Cette situation, si triste et si cruelle, avait été prédite (Gen., XV, 13) au patriarche Abraham, et l'on en voit à présent la raison. L'Egypte étant plongée dans les plus gros

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sières superstitions de l'idolatrie, l'exempio et l'habitude pendant un long séjour ne pou vaient qu'être à craindre pour la religion des Israelites, si les Egyptiens, oubliant leur origine étrangère, eussent eu pour eux les égards que les provinces d'un même royaume se doivent. Un gouvernement doux, humain, équitable les aurait si bien naturalisés, que perdant tout désir et même toute idée de la terre promise à leurs pères, el que concevant même pour l'Egypte tout l'amour que tous les hommes ont naturellement pour leur patrie, ils se seraient portés d'euxmêmes à en adopter les dieux, et les cultes. Les barbares persécutions qu'on leur fit ne durent donc que produire des effets tout contraires, que leur rendre odieux les dieux et les cultes des Egyptiens, et que leur faire sans cesse pousser des soupirs pour la fin de leur esclavage. Tant il est vrai qu'un comble d'affliction, qui semblait être un abandon du ciel, en marquait réellement les soins et la tendresse !

Cette séparation est augmentée par la vengeance que Dieu en tira de l'Egypte. - Chose étrange pourtant, et qui paraît comme incompréhensible ! Tous les mauvais traitements que les Hébreux eurent à essuyer de la part des Egyptiens ne les empêchèrent point de se livrer sans réserve aux superstitions de l'Egypte. Leur penchant ne les y portait que trop sans doute, et peut-être aussi, qu'abattus par l'excès de leurs misères, ils s'imaginèrent que les divinités de leurs tyrans devaient être supérieures au Dieu d'Abraham, qui laissait prospérer cette tyrannie. Pour dissiper cette erreur, et pour en prévenir les suites, il ne restait donc qu'à rompre les fers de ce peuple, qu'à le faire sortir du pays de son esclavage. et qu'à remplir ses désirs impatients pour le lieu du repos promis à ses pères. Il fallait même que cela se fit d'une manière qui manifestât avec la dernière clarté, que cette délivrance était l'ouvrage du Dieu créateur, du Dieu tout-puissant, du seul vrai Dieu. Aussi tout l'annonce dans l'assemblage des miracles qui furent opérés dans cette rencontre, dans la faiblesse des ministres qui y travaillèrent, et dans les fléaux terribles dont l'Egypte fut désolée. Tel fut le principe de toutes ces scènes d'horreur, qui font frémir quand on y pense, et que l'on ne vit jamais se suivre de si près dans aucun autre royaume. C'est la clef que Dieu nous en donne lui-même, en parlant à Moïse (Exod., VI, 6): Dis aux enfants d'Israel, Je suis l'Eternel, et vous relirerai de dessous l'oppression des Egyptiens, et vous délivrerai de leur servitude, et vous rachèterai avec un bras étendu et de grands jugements, et vous prendrai pour m'être peuple, et je vous serai Dieu, et vous connaîtrez que je suis l'Eternel votre Dieu. En fallait-il moins, en effet, que ces actes éclatants et redoublés de pouvoir suprême, pour marquer que le Dicu des Israelites était infiniment supérieur à toutes les divinités égyptiennes, et que dans le temps même qu'il tolérait les injustices qui leur étaient

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