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Je t'ai défait d'un pere, et d'un frere et de moi : Puisse le ciel tous deux vous prendre pour victimes, Ft laisser cheoir sur vous la peine de mes crimer! Puissiez-vous ne trouver dedans votre union Qu'horreur, que jalousie, et que dissension!

Et pour vous souhaiter tous les malheurs ensemble, Puisse naître de vous un fils qui me ressemble! Corn.

L'Interrogation s'emploie très-souvent dans le style véhément. Elle tient l'auditeur en haleine, le force d'écouter, et de prendre l'impression:

Quoi! Rome èt l'Italie en cendre
Me feront honorer Sylla?

J'adorerai dans Alexandre

Ce que j'haborre en Attila? Rousseau.

et

Mais parmi toutes les Figures oratoires il n'en est point qui contribue plus que l'Amplification à l'expression des sentimens, dans quelque sens qu'on la prenne. Car quelquefois on lui donne le même caractere qu'à l'hyperbole ; alors elle consiste à faire paroître grand ce qui est petit, et petit ce qui est grand; ou, comme dit Montagne, à faire de petits souliers pour des grands pieds, et de grands pour de petits.

Le vent redouble, et fait si bien qu'il déracine

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Celui de qui la tête au Ciel étoit voisine,

Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts.

La Fontaine

Pompée a fait plus de guerres que les » autres n'en ont lu, etc. Cic.

Quelquefois on confond l'Amplification avec la Gradation : » C'est un » crime d'empoisonner un citoyen ro" main : c'est presque un parricide de le » faire mourir; que dirai-je de ceux qui » le mettent en croix?

D'autrefois ce mot ne signifie qu'une certaine étendue qu'on donne à une pensée, présentée sous différentes faces pour faire une impression plus forte et plus profonde. L'ame est ébranlée par la premiere impulsion; la seconde la déplace; la troisieme la renverse. C'est ce qu'on appelle, appuyer. C'est ainsi que Rousseau amplifie cette pensée : Serons-nous toujours la dupe de la fortune?

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Fortune dont la main couronne
Les forfaits les plus inouis,

Du faux éclat qui t'environne

Serons-nous toujours éblouis !

Voilà un premier coup porté : le second suit, avec la même pensée.

Jusques à quand, trompeuse idole;

D'un culte honteux et frivole.

Honorerons-nous tes autels?

Le troisieme est encore la même pensée :

Verra-t-on toujours tes caprices
Consacrés par les sacrifices

Et par l'hommage des mortels ?

et

Une pensée importante qui passe comme un éclair, n'est gueres qu'apperçue. Si on la répete sans art, elle n'a plus le mérite de la nouveauté. Que faire ? Il faut la présenter plusieurs fois chaque fois avec des décorations différentes; de maniere que l'ame occupée par cette sorte de prestige, s'arrête avec plaisir sur le même objet, et en prenne toute l'impression qu'on se propose de lui donner. Qu'on observe la nature, quand elle parle en nous et que la passion seule la gouverne, la même pensée revient. presque sans cesse souvent avec les mêmes termes. L'art suit la même marche, mais en variant un peu les dehors:

,

Hé quoi vous ne ferez nulle distinction
Entre l'hypocrisie et la dévotion?

Vous les voulez traiter d'un semblable langage?
Et rendre même honneur au masque qu'au visage ?
Egaler l'artifice à la sincérité,

Confondre l'apparence avec la vérité,

Estimer le fantôme autant que la personne,
Et la fausse monnoie à l'égal de la bonne ?

Moliere.

Il n'est point d'inattention qui tienne contre une pensée si obstinée à repa

roître :

rottre il faut qu'elle entre dans l'esprit : et qu'elle s'y établisse, malgré toute résistance. Il y a grande apparence que c'est-là le Copia rerum et sententiarum des Latins, cette abondance vigoureuse qui fait que le discours, plein de verve, roule à grands flots et emporte tout avec lui.

Telles sont les principales especes de Figures, soit de mots, soit de pensées. Ce sont, dit l'Orateur Romain, comme les yeux du discours, ce qui lui donne de l'éclat, du feu, de la grace. Mais si ces yeux étoient répandus par tout le corps, que deviendroient les fonctions des autres membres, qui sont plus nécessaires encore et plus utiles? Ego hæc lumina orationis, velut oculos quosdam eloquentiæ credo; sed neque oculos esse toto corpore velim, nè cætera membra suum officium perdant.

CHAPITRE VIL

De l'Arrangement des mots par rapport à l'Harmonie.

IL L semble que l'idée et le goût de l'Harmonie composent toute la nature de notre ame comme l'ont dit allé

Tome IV.

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E

goriquement quelques Philosophes de l'antiquité. Tout ce qui est harmonieux s'établit chez elle de plein droit, et y fait comme partie de son être.

L'Harmonie en général est l'accord de plusieurs choses qui sont dans le même genre ainsi les couleurs ont de l'harmonie dans un tableau; les lignes tracées dans un parterre; les sons dans la musi que; les pensées dans le discours; enfin les mots et les tours dans le style.

Pour donner une idée nette de l'Harmonie oratoire, il faut distinguer dans le discours trois sortes d'accords: celui des sons et des mots considérés comme une suite continue, un courant de choses qui se tiennent et s'emportent mutuellement celui de ces parties entr'elles en les considérant par rapport à une certaine étendue qu'elles ont, et comme des pieces de compartiment faites pour figurer ensemble: enfin l'accord de ces mêmes sons et de ces mots comparés avec les choses qu'ils signifient. Faute de cette division, le mot d'harmonie est vague, indéterminé ; et tout ce que les Anciens en ont dit nous paroît énigmatique.

:

Comme nous traiterons cette matiere exprès dans le volume qui aura pour bjet la Construction oratoire, nous ne

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