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aimable génie, toi qui fis régner la vertu par l'onction et par la douceur; pourrois-je oublier la noblesse et le charme de ta parole, lorsqu'il est question d'éloquence? Né pour cultiver la sagesse et l'humanité dans les rois, ta voix ingénue fit retentir au pied du trône les calamités du genre humain foulé par les tyrans, et défendit contre les artifices de la flatterie la cause abandonnée des peuples. Quelle bonté de cœur, quelle sincérité se remarque dans tes écrits! Quel éclat de paroles et d'images! Qui sema jamais tant de fleurs dans un style si naturel, si mélodieux et si tendre ? Qui orna jamais la raison d'une si touchante parure? Ah! que de trésors d'abondance dans ta riche simplicité !

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<<< O noms consacrés par l'amour et par les respects de tous ceux qui chérissent l'honneur des lettres, restaurateurs des arts, pères de l'éloquence lumières de l'esprit humain, que n'ai-je un rayon du génie qui échauffa vos profonds discours, pour vous expliquer dignement et marquer tous les traits qui vous ont été propres! Si l'on pouvoit mêler des talens si divers, peut-être qu'on voudroit penser comme Pascal, écrire comme Bossuet, parler comme Fénélon; mais parce que la différence de leur style venoit de la différence de leurs pensées et de feur manière de sentir les choses, ils perdroient beaucoup tous les trois, si l'on vouloit rendre les pensées de l'un par les expressions de l'autre. On ne souhaite point cela en les lisant, car chacun d'eux s'exprime dans les termes les plus assortis au carac

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tère de ses sentimens et de ses idées; ce qui est la véritable marque du génie. >>

La Harpe, parlant de l'universalité des connoissances, qui ne peut être le partage d'un seul homme, après avoir payé un juste tribut aux talens de Voltaire, et avoir cependant démontré qu'à part la tragédie et la poésie légère, il occuperoit à peine le second rang dans d'autres parties, La Harpe s'écrie: « Un homme ( si j'ose dire ce que j'en pense), me paroît avoir été plus magnifiquement partagé que personne, puisqu'il s'est élevé au plus haut degré dans ce qui est de science et ce qui est de génie ; c'est Bossuet. Il n'a point d'égal dans l'éloquence, dans celle de l'oraison funèbre, dans celle de l'histoire, dans celle des affections religieuses (voyez les Méditations sur l'Évangile), dans celle de la controverse (voyez les Variations ); et en même temps personne n'a été plus loin dans une science immense qui en renferme une foule d'autres, celle de la Religion. C'est, ce me semble, l'homme qui fait le plus d'honneur à la France et à l'Église des derniers siècles. Et pourtant ce n'étoit point un esprit universel; les sciences physiques, les sciences exactes, la jurisprudence et la poésie lui étoient fort étrangères. >>

Ailleurs La Harpe s'exprime ainsi sur ce grand orateur : « Qu'un homme de goût le relise, qu'il le médite ; il en sera terrassé d'admiration. Je ne sau→ rois exprimer autrement la mienne pour Bossuet. Dans ses écrits on ne trouve jamais la moindre ap

parence d'effort ni d'apprêt, rien qui vous fasse songer à l'auteur. Il vous échappe entièrement, et ne vous attache qu'à ce qu'il dit. C'est là surtout, on ne sauroit trop le répéter, la différence essentielle du grand talent et de la médiocrité, du bon goût et du mauvais. Si votre imagination vous commande, vous commandez, et dans ce cas je ne verrai rien dans vous qui démente cette impression. Je ne vous verrai rien chercher, rien affecter, rien contourner. Suivez de l'œil l'aigle au plus haut des airs, traversant toute l'étendue de l'horizon ; il vole, et ses ailes semblent immobiles; on croiroit que les airs le portent. C'est l'emblême du poëte et de l'orateur dans le genre sublime; c'est celui de Bossuet. » Cette dernière image est une très belle imitation du style de Bossuet lui-même, et par là même, la plus vraie et la plus heureuse manière de le louer.

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Finissons par le sublime éloge que M. le cardinal Maury a tracé de notre orateur : « Au seul nom de Démosthène, mon admiration me rappelle celui de ses émules avec lequel il a le plus de ressemblance l'homme le plus éloquent de notre nation. Que l'ou se représente donc un de ces orateurs que Cicéron appelle véhémens et en quelque sorte tragiques, (grandis et, ut ita dicam, tragicus orator. BRUtus 203); qui, doués par la nature de la souveraineté de la parole, et emportés par une éloquence tou jours armée de traits brûlans comme la foudre, s'élèvent au-dessus des règles et des modèles, et portent l'art à toute la hauteur de leurs propres con

ceptions; un orateur qui, par ses élans, monte jusqu'aux cieux, d'où il descend avec ses vastes pensées agrandies encore par la religion, pour s'asseoir sur les bords d'un tombeau et abattre l'orgueil des princes et des rois devant le Dieu qui, après les avoir distingués sur la terre durant le rapide instant de la vie, les rend tous à leur néant et les confond à jamais dans la poussière de notre commune origine; un orateur qui a montré dans tous les genres qu'il invente ou qu'il féconde, le premier et le plus beau génie qui ait jamais illustré les lettres, et qu'on peut placer avec une juste confiance, à la tête de tous les écrivains anciens ou modernes qui ont fait le plus d'honneur à l'esprit humain; un orateur qui se crée une langue aussi neuve et aussi originale que ses idées qui donne à ses expressions un tel caractère d'énergie, qu'on croit l'entendre quand on le lit, et à son style une telle majesté d'élocution, que l'idiome dont il se sert semble changer de caractère et se diviniser en quelque sorte sous sa plume; un apôtre qui instruit l'univers en pleurant et en célébrant les plus illustres de ses contemporains, qu'il rend euxmêmes du fond de leur cercueil les premiers instituteurs et les plus imposans moralistes de tous les siècles; qui répand la consternation autour de lui, en rendant pour ainsi dire présens les malheurs qu'il raconte, et qui, en déplorant la mort d'un seul homme, montre à découvert tout le néant de la nature humaine; enfin, un orateur dont les discours inspirés ou animés par la verve la plus ardente, la

ouvrages

plus originale, la plus véhémente et la plus sublime, sont en ce genre des absolument à part, des ouvrages où sans guide et sans modèles, il atteint la limite de la perfection, des ouvrages classiques consacrés en quelque sorte par le suffrage unanime du genre humain, et qu'il faut étudier sans cesse, comme dans les arts on va former son goût et mûrir son talent à Rome en méditant les chefs-d'œuvre de Raphaël et de Michel-Ange. Voilà le Démosthène français! voilà Bossuet! On peut appliquer à ses écrits oratoires l'éloge si mémorable que faisoit Quintilien du Jupiter de Phidias, lorsqu'il disoit que cette statue avoit ajouté à la religion des peuples. Bossuet a été en Europe le véritable créateur et le plus parfait modèle de l'éloquence de la chaire. »

LOUIS BOURDALOUE, célèbre prédicateur (n. 1633, jésuite en 1648, m. 1704), relisoit tous les ans SAINT PAUL, SAINT CHRISOSTÔME et CICERON. C'est dans ces trois sources qu'il puisoit sa mâle et solide éloquence. On a dit de lui qu'il étoit le Corneille de la chaire, et que Massillon en étoit le Racine. On l'a comparé à Démosthène; on l'a appelé le prédicateur des rois, et le roi des prédicateurs. Toutes ces flatteuses dénominations prouvent bien que Bourdaloue est digne du rang qu'il occupe à tant de titres parmi les orateurs de la chaire les plus distingués. C'est surtout par la beauté et la régularité de ses plans, par une force toujours croissante d'idées distinctes et nettes, par une logique pressante,

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