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nes. Une telle méditation introduit l'ame plus avant dans les profondeurs de la nature, et donne au peuple même, sous des dehors froids, une sensibilité recueillie qui brûle en dedans, comme celle des peuples légers s'exhale tout entière en dehors. Cette chaleur ardente et sombre se fait sentir par-tout dans les poëtes anglais... En général, la langue poétique anglaise penche vers l'énergie, comme celle des Italiens vers la mollesse, et réussit surtout à peindre ce merveilleux terrible qui ébranle fortement l'imagination. Un de ses autres caractères est la richesse ; elle a prodigieusement acquis dans un commerce habituel avec les anciens poëtes qui ont été traduits en vers, soit en tout, soit en partie, par les plus grands poëtes anglais; car en Angleterre on n'a jamais cru que le génie dérogeât à traduire. Cicéron ne le

Là enfin les fables vivent encore dans les monumens qui les éternisent. Ce ne sont pas seulement les vases antiques, les statues, les bas-reliefs, qui les représentent; ce sont encore les lieux, ce sont les côtes visitées par les vaisseaux errans d'Ulysse et d'Énée, l'île où chantoient les Syrènes, l'île qu'habitoit Circé, le rivage de Cumes où aborda Dédale et où s'enfonçoit la retraite prophétique de la Sybille, cette mer si fameuse où Carybde et Sylla engloutissoient les vaisseaux, les antres du Cyclope, l'Etna dont la masse embrasée couvroit les géans, et plus près le laurier qui croît sur le tombeau de Virgile, d'où son ombre semble encore présider à ce pays des antiques fables qu'il a rendues immortelles. Tous ces charmes réunis font de l'Italie entière le séjour de l'imagination; là les eaux, l'air et la terre semblent, pour ainsi dire, exhaler de toute part la vapeur du merveilleux et le délire enchanteur de la poésie. C'est donc de tous les pays de l'Europe moderne, celui qui a dû avoir plus particulièrement une langue poétique. » (ŒEuv. posth. de TROмas, t. 11, p. 71-72).

pensoit pas non plus lorsqu'il traduisoit Démosthène, et le poëme grec d'Aratus sur l'astronomie...................... POPE, ADDISSON et DRYDEN n'étoient pas comme ce soldat barbare à qui l'on confia des statues et des tableaux précieux, et qui crut les rendre entiers, parce qu'après les avoir mutilés, brisés et rompus, il en rendit avec soin les pièces et les lambeaux : c'est assez l'emblême des traducteurs ordinaires qui défigurent deux langues et n'en enrichissent aucune... Passons aux principaux poëtes anglais : MILTON (1) qui ne prit aucun modèle dans l'antiquité, agrandit la langue poétique des Anglais par son génie et par

(1) L'article de ce célèbre poëte anglais devoit se trouver entre ceux de CLARENDON et de TURENNE, pag. 125; ayant été omis à l'impression, nous allons le rétablir ici.

JEAN MILTON (n. en 1608-mort 1674), avoit une telle prédilection pour la BIBLE, que tous les matins il en lisoit un chapitre en hébreu. Après l'Écriture Sainte, son livre favori étoit HOMÈRE qu'il savoit presque par cœur. On rapporte qu'il eut trois filles auxquelles il avoit fait apprendre à lire et à bien prononcer huit langues qu'elles n'entendoient pas. Il avoit coutume de dire qu'une langue suffisoit à une femme; mais il voulut, comme il étoit devenu aveugle, que ses filles fussent capables de lui faire les lectures dont il avoit besoin. On a su par l'une d'elles que ce qu'il se faisoit lire le plus souvent c'étoit Isaïe en hébreu, HOMÈRE en grec, et les Métamorphoses d'OVIDE en latin. Milton étoit si pau

le sujet extraordinaire qu'il traita (1)........ Il trouva des expressions égales à l'horreur des enfers, à la magnificence des cieux, à la volupté céleste et pure des premiers habitans de la terre, c'est-à-dire, à des sensations que l'homme n'éprouva jamais; il falloit que tour-à-tour il sanctifiât, divinisât sa langue et la rendit ou majestueuse, délicate ou terrible......... Moyse, les prophètes, Homère, l'Orient et son propre génie vinrent à son secours..... Nous ne citerons qu'en passant, CowLEY, poëte ingénieux et brillant, mais dont le style fut infecté de métaphysique. Ce poëte resté attaché à la cause de ses rois,

vre sur la fin de ses jours, qu'il fut obligé de vendre sa bibliothèque, et de faire un marché presqu'humiliant avec un libraire pour la première édition du Paradis perdu. Le contrat, daté du 27 mai 1667, a été conservé avec le manuscrit sur lequel est écrit l'imprimatur du censeur. Par ce contrat il est dit que le libraire s'engage à payer à l'auteur dix livres sterlings, en cas la vente n'allât que certain nombre d'exemplaires, et cinq livres de plus si elle alloit jusqu'à ce nombre. Une page de la traduction en vers de l'abbé Delille, a été payée davantage. Sic habent sua fata libelli.

pas

à un

(1) « Le Paradis perdu est un poëme dont la scène est très souvent hors des limites de la nature connue, dans les enfers dans le chaos, sur la voûte extérieure du Monde, au dessus de la hauteur des cieux, et dans le temple éternel de la Divinité; un poëme dont les principaux acteurs à jamais inconnus aux sens ne peuvent être saisis que par l'œil de l'imagination, et doi

comme MILTON à celle de Cromwel, étoit alors regardé comme le premier de l'Angleterre, car MILTON étoit à peine connu. Mais le colosse sortit de l'ombre qui le couvroit et fut bientôt à sa place; tout disparut ou s'abaissa devant lui. Sous le règne de Charles II, on fut ingénieux sans être subtil, hardi

vent cependant pour attacher être revêtus de toutes les formes de la vraisemblance; d'un côté le merveilleux des génies infernaux à peindre, et un caractère sublime dans son horreur même, en qui l'on doit reconnoître les traits d'une grande nature dégradée et un être presque divin, tombé en ruine; un être qui appartient au Ciel par son origine, à l'Enfer par ses tourmens et ses passions, à l'Éternité par sa durée; menaçant sous la main toute-puissante qui l'enchaîne, souffrant et malheureux avec toute l'énergie d'une force surnaturelle, placé entre trois mondes qui sans cesse occupent son activité funeste : celui des cieux qu'il a perdu, celui des enfers dont il est souverain, celui de la terre dont il aspire à être le conquérant; de l'autre côté, Dieu, les génies célestes, les merveilles de la création; les décrets qui font le destin de l'univers les messages des cieux à la terre et de la terre aux cieux; sur cette terre encore nouvelle, et parmi des berceaux de fleurs, le genre humain tout entier renfermé dans deux habitans, créatures innocentes et pures, chez qui la volupté même est sainte, et l'amour a les charmes les plus touchans de la vertu; le bonheur et l'immortalité perdus par un moment de foiblesse; le mal flétrissant tout-à-coup la nature; les sphères des cieux dérangées; la terre ebranlée sur son axe; un chemin immense de communication ' tracé à travers l'espace entre les enfers et la terre; la mort accourt pour s'emparer du monde; la race des hommes condamnée au malheur et au crime; le tableau effrayant de tous les maux des siècles à venir; et dans le lointain la perspective consolante du monde réparé, et de l'homme par les secours d'un Dieu remontant à sa primitive grandeur. Il faut convenir qu'un pareil sujet, sous la plume d'un homme de génie, devoit donner le plus grand essor à la langue poétique des Anglais. »

sans être bizarre, et correct autant qu'on le peut être avec une grande liberté. Ce fut l'époque de WALLER, de PRIOR, de ROCHESTER et de CONGRÈVE. Enfin parurent trois hommes d'un mérite distingué, DRYDEN, ADDISSON et POPE : le premier, d'un génie fécond, riche et vigoureux, mais inégal; le second, élégant et pur, mais qui n'eut que le degré de force qui peut se concilier avec une mesure toujours juste; le dernier enfin posséda peut-être toutes les qualités de l'esprit et quelques-unes de celles du génie ; car il n'avoit pas la hauteur du sublime qui n'appartient qu'à MILTON (1), et les mouvemens passionnés de l'ame qui sont eux-mêmes le sublime de la sensibilité et qui forment les grands traits de Shakespeare (1); mais il réunit d'ailleurs la précision et la vigueur philosophique, la force pénétrante de la satire, l'art de peindre ces nuances mélancoliques de l'ame si chères aux Anglais, et cette nature en deuil qui char

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(1) La Harpe dit, en parlant de la poésie anglaise, que Pope est de tous les auteurs anglais celui qui lui a donné le plus de précision, et Milton le plus d'énergie.

(2) « Veut-on', dit Rivarol, avoir une idée juste de Shakespeare? Qu'on prenne le Cinna de Corneille, qu'on mêle parmi les grands personnages de cette tragédie, quelques cordonniers disant des quolibets, quelques poissardes chantant des couplets, quelques paysans parlant le patois de leur province et faisant des contes de sorciers; qu'on ôte l'unité de lieu, de temps et d'action; mais qu'on laisse subsister les scènes sublimes, et on aura la plus belle tragédie de Shakespeare... Cet homme extraordinaire a deux sortes d'ennemis, ses détracteurs et ses enthousiastes : les uns ont la vue trop courte pour le reconnoître quand il est sublime; les autres l'ont trop fascinée pour le voir jamais autre. »

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