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prète de la pensée, a la propriété d'arrêter le temps dans sa course rapide, d'affranchir le génie de la nuit du tombeau, de calmer les douleurs de l'absence et de rapprocher les siècles. Moyse existoit il y a plus de trois mille ans, et nous entendons encore Moyse, inspiré par l'Esprit divin, nous raconter les merveilles de la création; nous le voyons au pied du Sinaï, confident du Très-Haut, poser les bases de sa législation immortelle sur ces Tables sacrées qu'il reçut de Dieu lui-même. A chaque heure du jour nous pouvons interroger

les pellicules du papyrus; IV sur des peaux d'animaux passées, que l'on appeloit membrana, et que l'on a nommées depuis pergamena, parchemin, dont on rapporte l'invention à Eumène, roi de Pergame. Mais nous avons prouvé, dans notre Histoire du parchemin et du vélin, 1812, in-8°, qu'Eumène avoit seulement perfectionné et non inventé l'art de préparer le parchemin; Vo sur des morceaux de toile préparés pour recevoir l'écriture. Ce sont les livres faits de cette substance, que Tite-Live et Pline nomment libri lintei.

Sur ces quatre dernières sortes de matières on écrivoit, comme font encore aujourd'hui les Orientaux, avec un roseau trempé dans une encre à-peu-près semblable à la nôtre. L'usage des plumes est, dit-on, counu depuis le ve siècle; mais il n'a été généralement adopté que depuis le xe. Le P. du Halde prétend que l'encre de la Chine date de onze siècles avant J.-C. Le papier de chiffons ne remonte guère au-delà du x111o siècle; c'est le papier de coton dont les Grecs se servoient depuis le 1xe siècle, qui lui a servi de modèle. Le plus ancien monument sur papier de chiffons, date de 1239. (Voyez notre Dictionnaire de Bibliologie, 1802 3 vol. in-8°; nous y donnons la description historique de toutes les espèces de papiers anciens et modernes, et en général de toutes les matières subjectives de l'écriture.).

Homère, et Homère nous dira en vers sublimes la colère d'Achille et son repos si fatal aux Grecs. Virgile, son heureux émule, est également au milieu de nous, toujours disposé à nous attendrir sur les dernières infortunes de l'antique Ilium, et à nous découvrir, dans le terme des longs travaux du pieux Énée, la première origine du peuple Latin et de la superbe Rome, genus undè latinum..... atque altæ monia Roma. Les siècles orageux et barbares qui se sont écoulés depuis Démosthène et Cicéron, n'ont point étouffé la voix foudroyante de ces deux princes de l'éloquence; ils tonnent encore à la tribune, sur tous les points de l'Europe savante, comme aux beaux jours de la Grèce et de Rome. Horace nous enchante comme il enchanta Auguste, Mécène et le peuple roi, par la finesse de son génie, le charme de ses vers, et surtout par son aimable philosophie si bien appropriée aux sons de sa lyre. L'histoire dérou`lant à nos yeux ses longues annales, semble ajouter à notre courte et fragile existence celle de tous les siècles qui nous ont précédés. Un amique nous chérissons tendrement, est séparé de nous par l'immensité des mers; une substance mince blanche, légère et de nulle valeur (1) à laquelle

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(1) On trouve dans un des opuscules de Voltaire, un passage assez plaisant et d'une bonne philosophie, sur la fabrication du papier. Après avoir critiqué quelques ouvrages modernes, il dit ; Tout ce fatras fut du chanvre en son temps;

il a confié sa pensée, nous parvient; la distance disparoît à l'instant; nous voyons cet ami, nous l'entendons, nous lisons dans son cœur, nous savons ce qu'il pense, ce qu'il fait, quoique dans un aussi grand éloignement il soit pour nous comme s'il n'existoit plus. Cet adoucissement de l'absence est parfaitement rendu par St. Jérôme, dans une lettre qu'il adresse à deux de ses amis (1): «<< En ce moment, dit-il, je m'entretiens avec vos « lettres ; je les baise, elles me parlent. Toutes << les fois que je parcours ces caractères tracés << votre main et qui me rappellent vos traits ché«< ris, il me semble ou que je ne suis plus ici «< ou que vous y êtes près de moi» Et le com

Linge il devint par l'art des tisserands,

Puis en lambeaux des pilons le pressèrent ;
Il fut papier; cent cerveaux à l'envers

De visions à l'envi le chargèrent;

Puis on le brûle, il vole dans les airs,

Il est fumée aussi bien que la gloire.

De nos travaux voilà quelle est l'histoire;
Tout est famée, etc., etc.

par

(1) « Nunc cum vestris litteris fabulor, illas amplector; illæ mecum loquuntur. Quotiescumque carissimos mihi vultus nota manus referunt impressa vestigia, totiès aut ego hic non sum aut vos hic estis. « (S. HIERON., lib. I, ep. 37, ad Chromatium Jovinum et Eusebium.)

Saint Augustin écrivoit aussi à Saint Jérôme (epist. 40): « Libri quidem quos de horreo dominico elaborasti, penè totum te nobis exhibent, » C'étoit le beau travail de Saint Jérôme sur la Bible,

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merce, et l'industrie, et les lois, et les sciences, et les beaux-arts, que seroient-ils sans l'écriture? La parole seule n'eût établi que des rapports très limités entre les individus ; et grâce à l'écriture, les relations d'homme à homme, de peuples à peuples, de contrées à contrées, se sont étendues sur toute la surface du globe.

Tels sont cependant les bienfaits de cet art divin; mais le plus grand de tous est d'avoir contribué à polir la société, à l'enrichir des productions du génie et à étendre l'empire des lettres. Les lettres! Quel charme elles répandent sur la vie! Quelles douces jouissances elles procurent,' surtout quand on les honore d'un culte pur et qu'on ne les fait point servir d'aliment aux passions! Aussi l'un des plus beaux génies du monde, pénétré de leur utilité et de leur importance, en a fait un éloge digne d'elles et digne de lui. Quoique la vérité et le charme de ce morceau l'aient fait répéter mille fois, il tient tellement à notre sujet, que nous croirions mériter un reproche si nous le passions sous silence. L'orateur romain dans la cause de son ami Archias, après avoir parlé de Scipion l'Africain, de C. Lælius, de L. Furius, qui joignoient l'étude et l'instruction à un excellent naturel, et de Caton l'Ancien l'homme le plus savant de son siècle, s'exprime

ainsi (1): «Assurément ces illustres Romains, s'ils avoient cru que les lettres ne fussent d'aucun se→ cours pour connoître et pratiquer la vertu, ne se seroient jamais appliqués à les cultiver. Mais quand même on n'envisageroit pas cet inappréciable avantage, et que dans l'étude on n'auroit en vue que le plaisir, cette récréation de l'esprit n'en devroit pas moins être regardée comme la plus douce et la plus honnête; car les autres plaisirs ne sont ni de tous les temps, ni de tous les âges, ni de tous les lieux; les lettres, au contraire, forment la jeunesse, réjouissent la vieillesse, embellissent la prospérité, offrent un asile et des consolations dans l'adversité. Elles nous amusent dans nos loisirs et ne nuisent point à nos affaires. Compagnes de nos veilles, de nos voyages, de nos travaux champêtres, elles font

(1) « Qui profectò (clarissimi viri supra dicti) si nihil ad percipiendam colendamque virtutem litteris adjuvarentur, nunquam se ad earum studium contulissent. Quod si nou hic tantus fructus ostenderetur, et si ex his studiis delectatio sola peteretur ; tamen, ut opinor, hanc animi remissionem, humanissimam ac liberalissimam judicaretis. Nam cæteræ neque temporum sunt, neque ætatum omnium, neque locorum: hæc studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant, secundas res ornant, adversis perfugium ac solatium præbent; delectant domi, non impediunt foris, pernoctant nobiscum, peregrinantur, rusticantur. Quòd si ipsi hæc neque attingere, neque sensu nostro gustare possemus, tamen ea mirari deberemus, etiam quùm in aliis videremus. » (Pro ARCHIA poeta.)

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