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sa sortie du sénat condamnait Sénèque. Ainsi Thraséas avait prononcé dèslors contre les sophistes (s'il pouvait s'en trouver) qui seraient capables de proposer un grand plaidoyer pour le parricide, et d'en faire un trèsgrand pour l'apologiste.

Cependant Sénèque et Thraséas moururent tous deux de même, et se firent ouvrir les veines: c'est tout ce qu'ils eurent de commun, et cela prouve seulement, qu'il y a un genre de tyrannie à qui l'on n'échappe pas plus en la flattant qu'en la bravant. Mais dans les mœurs de Rome, et surtout de ces temps-là, jamais la résignation tranquille à une mort forcée n'a suffi pour caracteriser la grandeur d'âme et le courage. Il n'y avait point de force plus vulgaire : les exemples en sont innombrables et les exceptions très-rares. Combien d'hommes méprisables et méprisés ont su mourir avec résolution dans ces temps-là comme dans les nôtres! Mais il y a ici quelque chose de plus: depuis un certain temps, Sénèque, instruit que Néron cherchait à se défaire de lui par le poison, ne se nourrissait plus que de fruits qu'il cueillait lui-même, et se désaltérait de l'eau de ses fontaines. Est-il bien difficile de se résoudre à quitter une semblable vie? Il peut n'être pas prouvé qu'il ait conspiré avec Pison, quoique cela soit aussi probable qu'indifférent; mais il est sûr qu'il dut avoir peu de peine à mourir.

CHAPITRE III.

Des divers Genres de littérature chez les Anciens.

Ce qu'on appelle polyergie ou littérature mêlée, nous paraîtrait peut-être

avoir tenu autant de place chez les anciens que parmi nous, si l'art de l'imprimerie, qui conserve tout, nous eût transmis toutes leurs productions. Les polygraphes u'ont pas été rares parmi eux, et quelques-uns auraient pu lutter contre nos in-folio, si l'on en juge seulement par les titres nombreux des ouvrages de Pline, que nous avons perdus, mais dont un seul a suffi pour éterniser sa mémoire. Il y a cependant certains genres qu'on peut croire n'avoir pas été cultivés chez eux autant que chez les modernes; par exemple, celui des romans, si fécond de tout temps dans notre Europe. Le sujet de la plupart des nôtres, et, d'ordinaire, leur plus grand mérite, tient, comme celui de nos drames, aux peintures variées de la plus variée de toutes les passions, l'amour; et nous avons vu que cette passion n'a point eu le même rang dans les écrits des Grecs et des Romains, comme elle ne l'avait point dans la société. D'ailleurs, il ne paraît pas que la gravité romaine se soit jamais accommodée de ces inventions fabuleuses, qui sont Je fond, plus ou moins diversifié, de tous les romans chez toutes les nations. L'imagination des Grecs se prêtait beaucoup plus à ces compositions frivoles, et c'est d'eux qu'il nous en reste un certain nombre, tels que Theagene et Chariclés, Chéréas et Callirhoé, qui, pour la variété des aven tures et des situations, ne le cèdent en rien à nos romanciers modernes, mais où l'on chercherait en vain ces développemens de sentimens passionnés ou délicats, et ces détails de caractère et de moeurs qui relèvent pour nous le prix de ces sortes d'écrits, et en rachètent quelquefois la frivolité. L'auteur de Daphnis et Chloé, Longus, a un autre mérite: c'est le seul qui ait eu un objet et voulu faire un tableau, celui de cette espèce d'innocence des mœurs pastorales, mêlées sans cesse à ce premier instinct qui entraine un sexe vers l'autre. Ses deux jeunes bergers ont une naïveté qui n'est pas sans intérêt; mais celle des images et des expressions va jusqu'à la licence, et rend la lecture de ce livre assez dangereuse pour être particulièrement interdite à la jeunesse, quand même il ne serait pas reçu en principe qu'une

jeune personne, comme a dit Rousseau, ne doit point lire de romans; et l'on peut ajouter, surtout le sien, à coup sûr le plus contagieux de tous. Parmi les Latins, on ne connaît guère qu'Apulée qui nous ait laissé on roman, l'Ane d'or, assez étrangement composé de morale et de magie, et dont la latinité, fort mauvaise, est celle du moyen âge. Mais l'épisode de l'Amour et de Psyché a eu un succès général, et a enrichi notre théâtre yrique. Si Apulée est l'inventeur de cette charmante fable, qui seule a fait vivre son ouvrage et son nom, cet auteur avait en ce genre une imagination digne de l'ancienne Grèce.

Dans l'érudition et dans la critique, il est juste de distinguer Denys d'Halicarnasse, dont nous avons déjà rappelé les travaux dans l'histoire. Médiocre dans le style et dans la narration, il a, dans ses Antiquités romaines, un mérite particulier, qui fait regretter davantage ce qu'on a perdu ; c'est d'être, de tous les anciens, celui qui a répandu le plus de lumière sur les premiers siècles de Rome, et travaillé avec le plus de succès à concilier les diverses traditions, et à éclaircir l'un par l'autre les premiers annalistes qu'elle ait eus, de manière à fonder la certitude historique. Il avait passé vingt ans à Rome du temps d'Auguste, et avait été à portée d'y amasser les matériaux de son ouvrage, et de recueillir des instructions et des autorités. Il suit, comme Tite-Live, les quatre auteurs les plus accrédités pour l'histoire des premiers âges de Rome, Fabius Pictor, Censius, Caton le Censeur et Valérius Antias, dont il ne nous reste rien; mais il a plus de critique que Tite-Live, et n'adopte rien qu'avec examen. Aussi a-t-il écarté plus d'une fois le merveilleux que l'orgueil national ou la crédulité superstitieuse avait mêlé aux origines romaines, aux événemens les plus remarquables de ces époques reculées, et que Tite-Live, au contraire, paraît avoir pris plaisir à orner d'un coloris dramatique. De ce nombre est, par exemple, le trait fameux de Mutius approchant sa main d'un brasier. Denys n'en dit pas un mot, et raconte le fait de manière que Mutius est ferme et intrépide, sans férocité et sans fureur. Mais pour ce qui concerne le gouvernement intérieur dans toutes ses parties, la religion, le culte, les céré– monies publiques, les jeux, les triomphes, la distribution du peuple en différentes classes, le cens, les revenus publics, les comices, l'autorité du sénat et du peuple; c'est chez lui qu'il faut en chercher la connaissance la plus parfaite; c'est là ce qu'il traite avec le plus de détail, comme étant son objet principal. Il arrive de là, il est, vrai, que l'intérêt de la narration est chez lui fort négligée, parce qu'à tout moment les recherches et les discussions coupent le récit des faits, au point qu'il a étendu dans treize livres ce qui n'en tient que trois dans Tite-Live. Mais ce n'est pas un reproche à lui faire, si nous lui avons l'obligation de savoir ce que les historiens latins ne se sont pas souciés de nous apprendre, uniquement occupés de leurs concitoyens, et fort peu du reste du monde et de la postérité. C'est en effet à deux Grecs, Polybe et Denys, que nous devons les notions les plus assurées et les plus fructueuses sur tout ce qui regarde le civil et le militaire des Romains, et sans doute il est bon que les uns se soient occupés de ce qu'avaient omis les autres.

Je devais ici ce témoignage à Denys d'Halicarnasse, dont la qualité distinctive a été l'érudition critique dans le genre de l'histoire: en fait de littérature et de goût, il n'á guère été, ce me semble, que ce que les anciens appelaient un grammairien ; car si Quintilien n'est pour nous que le premier des rhéteurs, parce que nous n'avons pas les plaidoyers où, suivant le témoignage unanime de ses contemporains, il avait fait revivre la saine éloquence et l'honneur du barreau romain, Denys, dans ce qu'il a composé sur la rhétorique, est à une si grande distance de Quintilien, et encore plus de Cicéron, que ceux-ci semblent avoir écrit pour les gens de

goût de tous les temps, et celui-là pour des écoliers. Ce n'est pas qu'en général ses principes ne soient bons, et ses jugemens assez équitables; mais sans parler même des ses éternelles redites, qui font rentrer presque tous ses Traités les uns dans les autres, et pour le fond et pour les détails, il paraît n'avoir guère considéré dans l'éloquence qu'une seule partie, celle qui était contenue chez les anciens dans le mot générique de compos sition pour les Latins, pour les Grecs, cursos, et qui comprenait tous les élémens de la diction, la construction, les tours de phrases, l'arrangement des mots, soit pour le sens, soit pour l'oreille. Il en résulte qu'une partie de son travail est de peu d'usage pour nous, et tellement propre à son idiome, que nous ne pouvons pas toujours savoir si les reproches qu'il fait aux grands écrivains, dont il épluche des phrases mot à mot, sont aussi fondés que le ton en est affirmatif. Il est difficile de ne pas voir dans ce genre de censure, qui tient chez lui une si grande place, une sorte de pédantisme, surtout quand il s'agit d'écrivains de la première classe, et dont il semble reconnaître, plutôt la renommée que sentir tout le mérite. Nous trouvons dans Cicéron et Quintilien quelques observations de ce genre, mais en très-petit nombre, et toujours choisies, de ma nière que tout le monde peut les comprendre, au lieu que celles de Denys ne sont le plus souvent à la portée que des nationaux. Or, vous vous souvenez que c'était-là précisément l'office du grammairien qui enseignait aux jeunes gens à lire les poëtes et les orateurs, de façon à connaître les procédés de la langue et du style, et l'effet du nombre et du choix. Denys ne va guère au-delà de ces objets, et paraît aller souvent au-delà de leur importance, qui doit toujours être en proportion avec le reste. Homère et Démosthène sont seuls à l'abri de sa férule; mais il maltraite fort Thucydide et Platon, et revient sans cesse sur le premier avec une sorte d'acharnement. Partout il fait profession de rendre justice à leur talent supérieur; mais pourtant il en faudrait rabattre beaucoup, s'il y avait dans ses critiques autant d'évidence qu'il veut y mettre de gravité. Pour Thucydide en particulier, nous sommes du moins en état d'apprécier les reproches les plus sérieux, ceux qui tombent sur l'ordre, la méthode et la narration; car tout cela est soumis aux mêmes règles dans toutes les langues, et ne pèche point du tout par les endroits que Denys y trouve répréhensibles. Ille blâme d'avoir pris pour division de son récit les hivers et les étés; mais Thucydide fait l'histoire d'une guerre, et illa divise par cam pagnes, comme cela est assez naturel, et comme il est même d'usage en pareille matière chez les modernes. Il n'y a point de faute dans cette disposition: il y en a encore moins dans le choix du sujet ; et quoiqu'il y ait même, en fait d'histoire, quelque chose à considérer dans la nature des sujets qui ne sont pas tous aussi favorables, soit pour l'intérêt, soit pour l'instruction, on a peine à concevoir ce qu'a voulu dire Denys d'Halicarnasse, quand il fait presque un crime à Thucydide d'avoir travaillé sur cette guerre du Péloponèse, époque désastreuse de tous les crimes et de tous les maux qui peuvent naitre de l'ambition, de la jalousie et de la discorde, et que Denys met en opposition avec l'époque que choisit Hérodote, qui fut celle de la constance et de la magnanimité des Grecs. Mais l'histoire n'est-elle instructive et digne d'attention que dans les tableaux des prospérités et de la grandeur ? Les exemples qu'elle trace dans le mal comme dans le bien ne sont-ils pas également une leçon pour les âges suivans ? Et serait-il moins utile d'inspirer l'horreur des crimes que l'émulation des vertus? Si Hérodote avait fait voir combien les Grecs avaient été grands dans la concorde et l'union, que pouvait faire de mieux Thucydide que de montrer ce qu'ils s'étaient fait de mal et de déshonneur dans leurs opiniâtres dissensions et leurs atroces rivalités? Et n'était-ce

pas encore un avantage d'avoir à peindre ce qu'il avait vu? Le critique est-il plus raisonnable quand il le reprend très-aigrement de sa sévérité à marquer toutes les fautes des différens partis, souillés tour à tour on tout à la fois par la perfidie, l'injustice et la cruauté, comme si c'était l'historien qui dût supporter l'odieux de ce qu'il est obligé de rapporter? Toute cette mauvaise humeur est fort étrange dans un homme qui d'ailleurs parait naturellement judicieux. Il avoue et répète en plusieurs endroits que Platon et Thucydide jouissent de la plus haute réputation, et sont regardés comme les modèles à suivre, l'un parmi les philosophes, l'autre parmi les historiens; et il croit réfuter cette opinion en opposant sans cesse les défauts de leur diction à la perfecction de Démosthène. Mais d'abord le mérite propre de l'historien et du philosophe, même dans le style, n'est pas celui de l'orateur, et c'est ce que Denys paraît avoir oublié; et, à l'amertune de ses censures, on dirait qu'il est choqué de l'admiration qu'on a pour eux. Je ne l'accuse pas pourtant d'une partialité prouvée : il peut avoir eu quelques préventions particulières : il est si rare de n'en avoir aucune!

Le bon Plutarque a fait uu traité de la malignité d'Hérodote; et Denys, compatriote de ce dernier, nous assure qu'Hérodote est partout un homme simple et bon. Ce qu'on aperçoit ici de plus avéré, c'est que Denys d'Halicarnasse, quoique en général d'un jugement sain, n'a pas les conceptions assez nettes. Le jugement se montre en ce que, Platon et Thucydide exceptés, il caractérise les poëtes, les orateurs, les historiens, les philosophes de la Grèce, avec assez de justesse pour que Quintilien l'ait suivi en cette partie de très-près, et quelquefois même l'ait presque répété. Mais le défaut de netteté dans les vues générales ne se manifeste pas moins dans le vague de ses divisions et classifications, trop susceptible d'équivoque, et quelquefois de contrariété, au moins apparente, et dans ce qu'il appelle ses résumés, qui ne sont que de longues et fastidieuses répétitions, qui produisent les mêmes choses sans les fortifier ou les éclaircir. Comme ecrivain, Denys, dans ses ouvrages didactiques, est lâche, trainant, diffus, sans agrément, sans variété, sans élévation. Comme critique, toutes ces théories se réduisent à une seule idée, dont le fond est vrai, mais qui n'est point du tout exposée comme elle devrait l'être, et qui s'obscurcit encore en se perdant au milieu de ses prolixes et minutieuses citations. En voici la substance: Platon, Isocrate, Thucydide, ont les beautés et les défauts du style figuré : tous trois pèchent par l'affectation, l'un de la grandeur, l'autre du nombre, le dernier de la pensée; ce qui fait que le premier est quelquefois enflé, le second souvent monotone, et le troisième souvent obscur. Parmi ceux qui ont préféré le style simple, Lysias a eu toutes les grâces de la simplicité sans tomber jamais, mais aussi sans jamais s'élever. Entre ces deux sortes d'extrêmes, Denys établit ce qu'il appelle très-improprement, ce me semble, le genre moyen, qui joint tout le mérite d'une pureté soutenue et d'une simplicité attique à ce sublime des figures de pensée et des mouvemens du discours, sans aucune affectation ni dans le discours ni dans la pensée, et ce genre moyen est celui de Démosthène. Telle est la substance d'un gros volume de rhétorique, qui pouvait être abrégé des trois quarts, et devait être mieux conçu et mieux expliqué. Il est hors de toute convenance de faire deux extrêmes, c'est-à-dire, deux exemples vicieux de deux classes d'écrivains, dont l'une, celle de Lysias, d'Eschine, d'Hypéride, est, de l'aveu même de Denys, le modèle du genre auquel ils se sont attachés, et n'a d'autre défaut que de n'être pas sublime, et dont l'autre n'a péché que par l'abus des qualités éminentes, telles que celles qui dominent dans Platon, dans Isocrate, dans Thucydide, c'est-à-dire, dans l'un la noblesse et la richesse des idées; dans l'au

tre, l'harmonie et l'éclat du style; dans le dernier, la force et la profondeur des pensées. Tout ce qu'il y a ici de vrai, c'est qu'en effet toute perfection est entre deux excès, et que Démosthène est habituellement plus près de l'une et plus loin des autres qu'aucun des écrivains grecs. Mais quand il est simple et pur, il l'est comme Lysias; quand il est grand, il l'est comme Platon; quand il est fort, il l'est comme Thucydide, et Denys lui-même l'avait senti, puisqu'il dit que Démosthène a imité ce qu'il y avait de meilleur dans tout ce qui l'avait précédé. Cela est vrai, et n'offre point du tout l'idée d'un genre moyen, mais celle d'un excellent esprit qui profite habilement de tous les autres esprits, en se rapprochant de ce qu'ils ont de meilleur, et s'éloignant de ce qu'ils ont de défectueux.

Dans un autre genre, le moraliste satirique Lucien, quoique né à Samosate en Syrie, et du temps des Antonins, lorsque les lettres grecques et romaines étaient également déchues, n'en est pas moins regardé comme un écrivain classique pour la pureté et l'élégance de la diction. Je ne voudrais pourtant pas, comme a fait son dernier traducteur, l'appeler le plus bel esprit de la Grèce; c'est exagérer beaucoup le mérite de l'auteur, et même la complaisance d'un traducteur, que de donner à Lucien ce qui pourrait appartenir à Xénophon ou à Platon. Ses nombreux ouvrages prouvent de l'esprit, de la finesse et de la gaîté caustique; mais ils roulent presque tous sur un même fonds d'idées et de plaisanteries. Toujours renfermé dans un même cadre, celui du dialogue, il y reproduit toujours les mêmes objets, des dieux et des sophistes: il se moque sans cesse des uns et des autres, et ses satires contre eux ne different guère que par les titres. C'est un pitoyable censeur de toute superstition et de toute charlatanerie; mais il est inconséquent dans sa mauvaise humeur; il confond avec les plus vils sophistes ceux mêmes qu'il a loués ailleurs comme de vrais philosophes; par exemple, Socrate et Aristote. Il met dans leur bouche un langage insensé et furieux, qui n'a jamais été le leur. En un mot, si Lucien a la verve d'un satirique, il a aussi les travers d'un bouffon qui sacrifie tout à l'envie de faire rire, et s'il offre dans beaucoup de ses dialogues, de la raison et de la saillie, beaucoup aussi sont dépourvus de sel, et d'autres tout-à-fait in- . signifians. Il avait pourtant de l'imagination, et même de celle qui invente; car, dans le genre de l'allégorie satirique, des auteurs de mérite ont profité de ses inventions. C'est d'un écrit fort ingénieux, intitulé Histoire véritable, que Swift a emprunté le plan de son Gulliver; et c'est de l'Ane de Lucien, autre roman non moins joli, qu'Apulée, vers le moyen âge, tira son Ane d'or, qui ne vaut pas l'original pour cette sorte de merveilleux plaisant, quoique bizarre, et moral dans l'intention, quoique extravagant dans les choses, dont il paraît que Lucien a eu la première idée. Dans l'histoire des arts et de leurs monumens, l'antiquité grecque peut opposer Pausanias à ce que les modernes ont de meilleur. Il écrivait vers le même temps que Lucien ; et tandis que celui-ci ridiculisait les fables du paganisme, Pausanias décrivait les chefs-d'œuvre d'architecture, de sculpture, de peinture, qui n'avaient pas peu contribué à rendre ces fictions vénérables. Son style est précis et plein, et, son livre à la main, on voyage dans l'ancienne Grèce. Il semble vous la montrer toute entière; mais en ce genre l'imagination est si impuissante pour suppléer les sens, que ceux qui n'ont vu que les débris semés dans la Grèce moderne, ont une bien plus grande idée de ce qu'elle était que ceux qui ne la connaissent que par les descriptions de Pausanias.

Sur ce que les anciens, et Cicéron en particulier, ont dit du savoir de Varron et de son grand ouvrage des Antiquités romaines, qui ne nous est pas parvenu, il avait fait à peu près pour Rome ce qu'avait fait Pausanias pour la Grèce. C'était un homme d'une érudition immense, mais dont on

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