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tre consolation que la philosophie subtile de Sénèque et ses théories sur les délices de la pauvreté?..... Ce n'était pas là l'opinion de Mécène, lui qui disait : « Faites-moi boiteux, «< manchot, bossu, édenté; pourvu que je vive, c'est bien. << Laissez-moi vivre sur une croix, si j'y peux vivre. » Mais je conçois bien qu'après un aussi lâche amour de la vie, il ait eu une réaction d'amour de la mort, quand même des raisons plus solides n'en eussent pas fait une mesure de précaution et de régime dans la Rome de Tibère et de Néron. »

y

Quand Silius fut mort en disciple fidèle au pied du tombeau de son maître, sa renommée, qui avait été si haute et si belle, descendit et s'effaça peu à peu. Il avait été trop admiré, il fut trop vite oublié. De tous ceux qui l'avaient connu, aimé ou flatté, Pline est le seul qui lui consacra un souvenir. Martial, qui autrefois, en lui tendant d'une main sa sportule, et de l'autre le recueil de ses oeuvres, lui avait adressé cette humble supplique (liv. tv, épigr. 14):

Sili, Castalidum deçus sororum,
Qui perjuria barbari furoris

Ingenti premis ore, perfidosque
Astus Annibalis, levesque Pœnos
Magnis cedere cogis Africanis :
Paulum seposita severitate,
Dum blanda vagus alea December
Incertis sonat hinc et hinc fritillis,
Et ludit popa nequiore talo,
Nostris otia commoda Camœnis,
Nec torva lege fronte sed remissa
Lascivis madidos jocis libellos.
Sic forsan tener ausus est Catullus
Magno mittere passerem Maroni.

O toi, l'honneur des vierges du Parnasse,
O Silius, dont la puissante voix

Flétrit l'orgueil, le parjure, l'audace,

Les sourds complots du chef carthaginois,

Et d'Annibal déjouant la colère,

Vaincu, l'immole à nos grands Africains;
Laisse un instant cette étude sévère :
Décembre, au jeu livrant la ville entière,
Roule à grand bruit les cornets incertains,
Les dés fripons du rusé victimaire.
Ma muse, à l'aise en ces jours de loisir,
Ose t'offrir ces légers badinages:
D'un œil content daigne lire ces pages
Tièdes encor des larmes du plaisir.
Peut-être ainsi Catulle que j'envie,
Eût à Virgile, au maître renommé,
Jadis offert son moineau bien-aimé,
Humide encor des baisers de Lesbie;

Martial qui faisait vanité de voir figurer ses vers dans les bibliothèques de Silius (liv. vi, épigr. 64):

Has, inquam, nugas, quibus aurem advertere totam
Non adspernantur proceres urbisque forique,

Quas et perpetui dignantur scrinia Silí, etc.

La cité, le Forum, nos meilleurs citoyens
D'une oreille attentive écoutent ces riens;
Notre immortel ami Silius, avec grâce,

Sur ses riches rayons leur accorde une place, etc.;

et qui, naguère encore, exaltait avec emphase toutes les gloires de son magnifique patron (liv. vii, épigr. 63):

Perpetui nunquam moritura volumina Silí
Qui legis, et Latia carmina digna toga;
Pierios tantum vati placuisse recessus

Credis, et Aoniæ Bacchica serta comæ?
Sacra cothurnati non attigit ante Maronis,
Implevit magni quam Ciceronis opus.

Hunc miratur adhuc centum gravis hasta virorum,
Hunc loquitur grato plurimus ore cliens.

Postquam bis senis ingentem fascibus annum
Rexerat, asserto qui sacer orbe fuit ;
Emeritos Musis et Phoebo tradidit annos;

Proque suo celebrat nunc Helicona foro.

Toi qui lis Silius, et ce livre durable,

Ce chef-d'œuvre immortel, digne du nom romain,
Tu crois que, le front ceint du lierre impérissable,
Du Parnasse toujours il suivit le chemin.

Non avant que d'atteindre, ô Virgile, à ta gloire,
Il accomplit d'abord l'œuvre de Cicéron.
Le fer du centumvir révère sa mémoire,

Et le client en foule aime à citer son nom.

Aux saints jours où tombait une tête maudite,
Il tenait les faisceaux au culte d'Apollon

Il a voué depuis sa vieillesse émérite,

Et préfère au Forum les sentiers d'Hélicon;

n'eût sans doute pas négligé l'occasion de faire son épitaphe; mais il était lui-même loin de Rome, mort ou bien près de maurir.

Silius n'avait pas songé à l'avenir de son livre; les copies en étaient rares et peu répandues; elles disparurent avec lui1. Désormais l'auteur et son œuvre restent complètement ignorés un seul grammairien des âges suivans 2, et un poète, au

1. Silius avait tous les moyens de répandre et de publier son poëme; ses richesses immenses lui permettaient d'en multiplier les manuscrits s'il l'eût voulu. Il est à présumer, au contraire, qu'il ne le fit pas: ce qui, jusqu'à un certain point, prouve qu'il aspirait peu à l'immortalité que Martial lui promettait, et qui ne lui a pas manqué.

2. Le grammairien Charisius. Annæus Cornutus, le maître et l'ami de Perse, avait composé sur Virgile des Commentaires qu'il dédia à Silius, comme au plus digne. Charisius nous a conservé de cet ouvrage une phrase à peu près insignifiante. Cornutus disait à Silius: Jamque exemplo tuo etiam principes civitatum et poetæ incipient similia fingere. Ce qu'il y a de plus clair, c'est que c'est un éloge.

cinquième siècle, prononcent au hasard le nom de Silius', que nul ne répète, et qui s'éteint bientôt avec tous les autres, dans le fracas des armes, et au milieu des clameurs barbares qui se disputent Rome et l'empire envahi.

Ce nom ne devait point périr; mille ans plus tard il devait reparaître et revivre : un manuscrit des Puniques2 avait survécu et triomphé du temps et des Barbares. Depuis des siècles, dit Vossius, « il luttait misérablement contre les mites et les teignes, » quand enfin il fut miraculeusement délivré. C'était en 1416, à l'époque du concile de Constance. Un homme d'une vaste érudition, de connaissances étendues et variées, grand amateur de livres, d'objets d'art et de monumens curieux d'antiquité, Poggio Bracciolini, qui avait suivi en Allemagne, à ce concile, en qualité de secrétaire intime, le pape Jean xx déposé en 1415, eut l'idée un jour, pour reprendre haleine, comme il dit 4, et sans doute aussi pour se distraire de ses chagrins et de la vue hideuse des persé

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Le nom de Silius ne se trouve évidemment enchâssé là avec ceux de Marsus, de Pédo Albinovanus, de Tibulle, que pour le besoin de la mesure; c'est une mauvaise cheville à de mauvais vers.

2. Quelques éditeurs ont intitulé ce poëme De bello Punico secundo; il est intitulé Punica dans le manuscrit de Venise, dit MS. Dupuy, Codex Puteanus, et dans quelques anciennes éditions. Cette leçon a été adoptée par les derniers éditeurs, et nous l'avons suivie. Lefebvre de Villebrune a préféré l'autre. On ignore, du reste, quel titre Silius avait donné à son ouvrage.

3. De Hist. lat., lib. 1, cap. 29. « Cum blattis tineisque misere conflictatus est. » Vossius ajoute que ce manuscrit fut découvert à l'époque du concile de Bâle, ad tempora concilii Basileensis; ce ne peut être qu'une faute d'impression.

4. «Animi laxandi gratia. » Lettre à Guarini de Vérone, datée de Constance, 16 décembre 1416.

cutions et des supplices dont il était le témoin, d'aller avec quelques amis au monastère de Saint-Gall, situé ́ à ́vingt milles de Constance, et qui renfermait, disait-on, une grande quantité de livres. Ce fut là « qu'au milieu d'un énorme tas de volumes, placés non pas dans une bibliothèque, comme leur dignité l'exigeait, mais dans une noire et sale prison, au fond d'une vieille tour, où l'on n'eût pas jeté un condamné à mort,» il découvrit un manuscrit de Silius. « Par Hercule, dit Pogge, sans l'aide que nous lui avons portée, il serait mort infailliblement au premier jour. Je n'en puis douter; non, cet homme opulent, ami de la recherche, de la propreté, plein de grâce et d'élégance, n'aurait pu endurer plus long-temps la saleté, la puanteur de son cachot, et la barbarie de ses geòliers. Il était désolé, et dans le désordre d'un condamné à mort; il avait la barbe hideuse et les cheveux souillés de poussière ses traits et sa tournure attestaient l'horrible et injuste sentence qu'il allait subir. On eût dit qu'il tendait les mains, qu'it implorait la foi des Quirites, les suppliant de le défendre contre un juge inique; indigné, lui qui adis à plusieurs avait sauvé la vie par ses bienfaits et son éloquence, de ne point trouver dans cette foule un seul homme pour plaider sa cause, pour compatir à ses misères, pour veiller à son salut, pour repousser les bourreaux qui l'entraînaient injustement au supplice1. »

1. POGGE, Lettre à Guarini. «Erant enim non in bibliotheca libri illi, ut eorum dignitas postulabat, sed in teterrimo quodam et obscuro carcere, fundo scilicet unius turris, quo nec capitalis quidem rei damnati detruderentur...... Nam, me Hercule uisi nos auxilium tulissemus, necesse erat illum propediem interiturum. Nam neque est dubium virum splendidum, mundum, elegantem, plenum moribus, plenum facetiis, fœditatem illius carceris, squalorem loci, custodum sævitiam diutius perpeti non potuisse. Moestus quidem ipse erat ac sordidatus, tanquam mortis rei solebant: squalentem barbam gerens ac concretos pulvere crines, ut ipso vultu atque habitu fateretur ad immeritam sententiam se vocari. Videbatur manus tendere, implorare Quiritum fidem, ut se ab iniquo judice tuerentur; postulare et indigne forre quod qui quondam sua ope, sua eloquentia multorum salutem conservasset, nunc

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