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Ce faste a ses dangers. Il endetta Paulus,
Il ruina Mathon, il perdra Tongillus,

Ce Tongillus nourri dans un luxe sans borne,
Qui d'un rhinocéros aime à montrer la corne,
Quand d'esclaves crottés qui le suivent au bain
Arrive avec son huile un turbulent essaim.
Voyez-vous au Forum, sous sa masse grossière,
Suer ses Mœsiens et ployer sa litière ?

On dirait qu'à pleins sacs puisant dans son trésor
Il va tout acheter, esclaves, coupes d'or,

Murrhins, maisons de ville et maisons de campagne.
Au luxe qu'il affecte, an train qui l'accompagne,
On n'exige de lui nulle autre sûreté;

La pourpre et l'améthyste ont leur utilité.

Oui, souvent ces dehors d'une fausse opulence

Au plus mince avocat tiennent lieu de science;

Mais à Rome aujourd'hui, montrant un front d'airain,
La prodigalité ne connaît plus de frein.

Peut-être, pour séduire un nombreux auditoire,
Croyons-nous qu'il suffit du talent oratoire?

Préjugé! Cicéron, sans un brillant anneau,

Lui-même au dernier rang languirait au barreau, etc. '.

Cette nécessité, pour le jeune avocat, d'afficher le luxe et l'opulence, dut embarrasser beaucoup Silius à son début; et c'est, je pense, à cette époque de sa vie (de 25 à 30 ans) qu'il faut rapporter un fait étrange et honteux révélé par Pline avec une indulgente réserve, et qui trouve naturellement ici son explication. « Sa réputation avait reçu quelque atteinte du temps de Néron; il fut soupçonné de s'être rendu volontairement délateur, » credebatur sponte accusasse2. C'était un sûr moyen de fortune, en effet, que la délation, et je ne serais pas surpris que Silius, parvenu à cet âge où il pouvait s'être ruiné déjà, s'il était né riche, ce qu'on ignore, ou au contraire, et s'il était né pauvre, être vivement pressé

1. JUVÉNAL, sat. VII, V. 105 et suiv., traduction de M. Raoul. 2. PLINE LE JEUNE, liv. 1, lett. 7, à Caninius,

par le besoin, n'eût pris conseil que de son ardente ambition, et n'eût mis pour un temps sa conscience au service du jeune empereur. Si pareille chose pouvait jamais se justifier, Silius trouverait son excuse dans les exemples qu'il avait autour de lui. Sénèque, plus âgé de vingt ans, précepteur du prince, et qui, par conséquent, eût pu et dû lui tenir tête, s'était fait le plus humble de ses courtisans.

Silius fut vite et largement payé de cette infâme industrie. Il passa successivement par tous les emplois qui conduisaient au consulat, et fut enfin en 821 (de J.-C. 68), nommé consul par Néron, qui périt dans la même année. Silius avait alors quarante-trois ans. Crinitus, Juste-Lipse et J. Livinéius pensent qu'il fut trois fois consul: en 821 (de J.-C. 68), avec M. Galérius Trachalus Turpilianus ; en 838 (de J.-C. 85), avec T. Aurélius Fulvius, et en 847 (de J.-C. 94), avec Sextilius ou Statilius Latéranus. Ils appuient cette conjecture sur ce passage du Panégyrique de Trajan, chap. 58: Erat in senatu ter consul quum tu tertium consulatum recusabas, « lorsque tu refusais un troisième consulat, nous avions dans le sénat un consul qui l'était pour la troisième fois. » Livinéius admet sans hésiter que ce consul était Silius Italicus : il renvoie aux Fastes ceux qui pourraient en douter. Mais les Fastes, de l'aveu même de Juste-Lipse, sont ici obscurs et incertains. Si tel eût été d'ailleurs le sens de ce passage du Panégyrique, Pline n'eût pas manqué, dans sa lettre à Caninius, de rappeler clairement ces trois consulats. Il dit seulement que Silius eut deux fils, et qu'à sa mort il en laissa un consulaire. Martial a chanté le consulat de ce fils aîné de son ami, et cette épigramme, long-temps mal comprise et mal interprétée, a bien pu donner lieu à l'assertion peu exacte de Crinitus.

DE CONSULATU SILII.

Augusto pia thura victimasque
Pro nostro date Silio, Camœnæ

Bis senos jubet en redire fasces
Nato consule, nobilique virga
Vatis Castaliam domum sonare.
Rerum prima salus et una, Cæsar,
Gaudenti superest adhuc quod optet
Felix purpurá, tertiusque consul.
Pompeio dederit licet senatus,
Et Cæsar genero sacros honores,
Quorum pacificus ter ampliavit
Janus nomina; Silius frequentes
Mavult sic numerare consulatus 1.

SUR LE CONSULAT DE SILIUS.

Muse, à César l'encens et la victime,
De Silius hommage légitime;

Car Silius a revu les faisceaux :

Son fils, consul, à ces honneurs nouveaux
Lui donne part, et la noble baguette
Va battre encor l'huis sacré du poète.
Unique appui de l'empire, ô César;
Un seul désir lui reste le vieillard,
Voyant la pourpre au second fils qu'il aime,
Heureux deux fois, peut l'être une troisième.
Si du sénat Pompée obtint jadis,

Ce qu'à son gendre Auguste offrit depuis,
Trois consulats, pacifiques conquêtes
Qu'à ces seuls noms Janus enregistra,
Ce triple honneur, Silius l'obtiendra,
Mais Silius l'aime mieux sur trois têtes.

Comme on le voit, Martial parle ici de trois consulats; mais sur les trois, un seul, celui de l'année 68 revient à Silius: le deuxième, celui de l'épigramme, à son fils aîné sous Domitien, en 847 (94 de J.-C.); quant au troisième, Silius espérait, superest quod optet, le voir décerner à son second fils, Sévérus Silius, qui malheureusement mourut de son vivant, 1. MARTIAL., lib. vIII, epigr. 66.

et sans doute avant de l'avoir obtenu; car Martial, qui cherche à consoler son ami de cette perte, n'a pas fait la moindre allusion aux fonctions consulaires de Sévérus.

IN OBITUM SEVERI SILII.

Festinata sui gemeret quum fata Severi
Silius, Ausonio non semel ore potens ;
Cum grege Pierio mostus Phœboque querebar :
Ipse meum flevi, dixit Apollo, Linon.
Respexitque suam, quæ stabat proxima fratri,
Calliopen, et ait : Tu quoque vulnus habes.
Aspice Tarpeium, Pallatinumque Tonantem;
Ausa nefas Lachesis læsit utrumque Jovem.
Numina quum videas duris obnoxia fatis,
Invidia possis exonerare Deos *.

SUR LA MOrt de sévéRUS SILIUS..

Silius, puissant génie

D'Ausonie,

D'un double laurier paré,

Pleurait de son fils Sévère,
Pauvre père,

Le destin prématuré.

Sa douleur devint la mienne :

De sa peine

Je me plaignis à Phébus.

Et Phébus : « En vain ta muse

Nous accuse;

Moi, j'ai pleuré mon Linus. »

Puis il détourna la vue,

L'âme émue,

Vers Calliope sa sœur,

Disant « N'as-tu pas toi-même,

Sœur que j'aime,

Ta blessure dans le cœur?

1. Lib. 1x, epigr. 87./

« Vois le dieu de la colline

Palatine,

Le dieu Tarpéien : tous deux
Du sort ont subi l'outrage;

Dans sa rage,

La Parque a blessé les dieux.

« Et pourtant leur providence,
En silence,

Endure un destin cruel.

Trève donc à tes alarmes,

A tes larmes,

Et n'attaque plus le ciel! »

L'ambition, la gêne, l'exemple peut-être, avaient égaré Silius, qui n'avait pas, comme Lucain, un oncle à la cour: le besoin de se faire remarquer de l'empereur et de mettre à profit ses talens oratoires l'avait fait délateur. Mais il ne tarda pas à rougir du rôle honteux qu'il avait accepté; il brisa cette mauvaise arme qui ne pouvait plus que le blesser sans le servir. Une fois connu et accueilli du maître, il voulut désormais se suffire. Sa parole éloquente, admirée et recherchée, retentissait avec éclat dans toutes les causes : il fut pendant quinze ans l'avocat, l'orateur à la mode; sa fortune grandit, et s'accrut en outre des faveurs de César : esprit sage, prudent, modéré, mais probe, Silius sut se maintenir entre deux excès opposés, la flatterie et les complots.

Il était consul quand Néron mourut. Heureux et opulent, en quittant le consulat, il eût voulu renoncer aux affaires, et, dans un loisir studieux et occupé, jouir en paix de ses richesses. Les règnes si courts et si agités de Galba et d'Othon le tinrent en haleine, et, en montant sur le trône, Vitellius, qui l'avait connu et qui l'aimait, se l'attacha et le garda près de lui. Pline dit' qu'il se montra homme sage et honnête, sapienter se et comiter gesserat, dans ce poste incommode. Avec un prince comme Vitellius, qui voulait copier Néron, il n'était 1. Liv. 11, lett. 7.

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