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lection appliqué à tous, maires et adjoints. Mais ici encore, le Gouvernement n'avait pu soustraire l'élection des adjoints à la loi commune. L'eût-on fait, il est probable que la cause de l'ordre n'y eût rien gagné, les maires, faibles ou exaltés, faisant nommer eux-mêmes, comme les autres, leurs adjoints.

On ne serait pas juste envers les maires et adjoints qui cherchaient à entraîner leurs collègues vers une immixtion plus ou moins déguisée dans les affaires du Gouvernement, si l'on ne tenait pas compte des préoccupations bien naturelles et bien légitimes qui obsédaient tous les membres des municipalités, sans distinction de partis, au sujet des questions qui concernaient la défense nationale. Et il est important d'ajouter que, dans les réunions dites politiques, c'était là le constant, pour ne pas dire l'unique objet des discussions qui s'y engageaient. Ces préoccupations dominaient tellement les esprits qu'elles envahissaient même les réunions administratives. C'est dans une de ces réunions qu'éclata le violent réquisitoire d'un des adversaires les plus acharnés du Gouvernement, qui souleva les plus ardents débats. Ce réquisitoire, blåmé de la piupart des membres de la réunion, à cause de la forme, répondait pourtant au fond à l'état des esprits et à la situation des choses, à tel point que les sentiments d'extrême défiance, qui y étaient exprimés, trouvaient parfois leurs organes les plus énergiques chez les amis les plus dévoués du Gouver

nement.

Bien que la première cause de l'insurrection du 18 mars soit la subite et profonde déception du patriotisme de Paris qui se crut, à la lettre, trahi par la capitulation, ce n'est pas dans l'exaltation patriotique de certains maires et adjoints qu'il faut voir la part des municipalités dans cette œuvre exécrable. C'est dans l'influence que les maires et adjoints, plus ou moins disposés à pactiser avec les partisans de la révolution et de la Commune, ont exercée sur l'élection des officiers de la garde nationale, pendant tout le temps du siége; c'est surtout dans le concours, direct chez les uns, déguisé chez les autres, prêté par certaines municipalités à la formation de ce Comité central de fatale mémoire. Des maires ne craignirent pas de compromettre ouvertement leur autorité dans ces élections pour assurer le succès des candidats qui avaient leurs sympathies, agissant ainsi en hommes de parti, et non en magistrats municipaux. Des adjoints mancuvraient en ce sens, contre la volonté formelle des maires amis de la légalité! Certaines municipalités étaient en communauté de sentiments, de vues, et même d'action avec les comités de vigilance et les comités d'armement, généralement composés d'hommes exaltés, hostiles au Gouver

nement, plus ou moins favorables aux desseins des factions, quand ils ne comptaient pas euxmêmes parmi les chefs ou les soldats de ces factions. Les comités de vigilance étaient tout particulièrement des foyers d'activité révolutionnaire, que les municipalités dévouées à l'ordre avaient beaucoup de peine à contenir et à calmer. Quant aux comités d'armement, on y rencontrait généralement de meilleurs éléments; plusieurs étaient composés de patriotes ardents qui, pendant le siége, n'avaient songé qu'à l'œuvre de la défense. Mais après la capitulation, ces comités tournèrent, en très-grand nombre, leur exaltation patriotique contre le Gouvernement qui n'avait pas répondu à leur attente. Enfin, en ce qui concerne le comité central, sans en faire partie, un certain nombre d'adjoints laissaient faire ou même aidaient ses promoteurs et ses organisateurs; ils allaient jusqu'à accepter la présidence de réunions d'officiers de la garde nationale ayant pour objet la formation de ce comité! Il est bon d'ajouter que si ce comité n'a pas trouvé plus de surveillance et de résistance chez les maires et les adjoints animés d'un meilleur esprit, ce n'est pas qu'ils aient manqué de vigilance et de résolution, c'est qu'ils n'avaient plus de moyens d'arrêter la conspiration qu'ils voyaient se former et se développer.

Quel que fût le degré de sympathie pour le mouvement révolutionnaire qui se préparait, aucun maire n'eut la main dans l'insurrection. C'est à peine si deux ou trois adjoints, membres de l'Internationale, s'y joignirent immédiatement. Mais les dissidences éclatèrent dès les premières réunions des maires et des adjoints qui eurent lieu dans la journée et la soirée du 18 mars. Un petit nombre, dont l'indignation et la colère étaient surexcitées par l'assassinat des généraux, ne pouvait se contenir, et voulait résister à tout prix. Il était facile de voir, à la satisfaction mal déguisée de quelques autres, qu'ils étaient prêts à pactiser. Le plus grand nombre semblait plus ou moins disposé à transiger pour éviter l'effusion du sang. A la première et à la seconde réunion des maires et des adjoints, auxquelles assistaient quelques députés de Paris, il ne fut d'abord question que de concessions de personnes pour intéresser la saine partie de la garde nationale à la résistance. Après l'évacuation de Paris par les troupes, on parla de traiter avec le Comité central qui avait déjà fait des ouvertures au sujet des élections municipales. Certains maires et adjoints se refusèrent tout d'abord à toute espèce de transaction, et se retirèrent des réunions, ne voulant à aucun prix donner une apparence de légalité à un pouvoir insurrectionnel qui sentait le besoin d'une consécration légale quelconque, et qui, à défaut de l'assentiment du

Gouvernement et de l'Assemblée, espérait le con. cours des municipalités élues pour rallier la population de Paris tout entière au Gouvernement de l'insurrection, devenu le Gouvernement de la Commune de Paris.

D'autres, non moins fermes dans la voie de la résistance, continuèrent d'assister aux réunions des maires et des adjoints, sans attendre rien de bon des pourparlers avec le Comité central, mais dans l'espoir d'organiser les forces de la résistance, et de profiter de la réaction qui commençait à s'opérer dans la saine partie de la population, après le premier moment de stupéfaction ou d'indifférence. Mais la plupart des membres de ces réunions, par horreur de la guerre civile qu'ils voulaient éviter à tout prix, se laissèrent glisser de plus en plus dans la voie des compromis, espérant amener un dénouement pacifique à la crise révolutionnaire par des élections où les amis de la conciliation auraient la majorité. Cet espoir était peu fondé, puisqu'on avait affaire à des gens qui voulaient bien se servir des municipalités pour jouer le jeu des élections municipales au profit des pouvoirs insurrectionnels, mais qui n'entendaient nullement livrer aux chances du scrutin les résultats inespérés que leur avait conquis une journée aussi extraordinairement heureuse pour eux que triste pour le pays. Mais si les conciliateurs eussent réussi, quelle eût été la situation? Le Gouvernement de Paris et de la France entre les mains de tous les partis et de tous les pouvoirs légaux et insurrectionnels, le comité central, le conseil municipal, les municipalités de Paris, les municipalités et les assemblées de province, en face du gouvernement et de l'Assemblée de la France, c'est-à-dire l'idéal de la confusion et de l'anarchie, devant l'étranger qui n'aurait pas manqué l'occasion d'anéantir notre pays.

Quelques maires ont expliqué cette conduite dans leurs dépositions, en disant qu'ils ne s'étaient fait aucune illusion sur le résultat de ces élections, mais qu'en traitant avec le comité central, ils l'empêchaient d'agir contre l'Assemblée et le gouvernement de Versailles, et sauvaient ainsi la situation. Ces préliminaires d'une transaction qui a eu tous les caractères d'une capitulation, puisque le comité central y obtenait pleine et entière satisfaction, n'ont arrêté en rien l'organisation de l'armée insurrectionnelle et n'ont pas donné une heure de plus à la réorganisation de l'armée de Versailles. Si le mouvement sur Versailles n'a pas commencé plus tôt, c'est d'abord parce qu'on n'était pas prêt; c'est ensuite et surtout, parce qu'on sentait l'ennemi dans la place. La présence assez menaçante de forces de résistance, leur organisation commencée, leur réunion dans un certain nombre de centres, tous ces in

dices d'une lutte possible à un moment donné, et d'une diversion dangereuse pour le cas où l'armée insurrectionnelle serait allée chercher le combat à Versailles, voilà de quoi tenir en échec et en arrêt l'ardeur du comité central. Or, c'est précisément ce danger qu'a supprimé la capitulation.

Mais elle a eu un plus grave inconvénient. A ce pouvoir qui avait la force, elle a donné une certaine autorité, en ralliant autour de l'urne électorale, une partie considérable de la population parisienne. Sans cette dernière et capitale concession, il est probable que le vide se fût fait autour de ces urnes, comme il s'y est fait plus tard pour les élections complémentaires. Si la résistance était devenue impossible, ce qui semble résulter des dépositions les plus sérieuses, n'était-il pas plus simple et plus digne de dire au comité central: « Nous ne pouvons accepter une pareille capitulation. Nous ne voulons pas faire couler le sang; nous vous laissons le champ libre, aussi bien pour vos électeurs que pour vos soldats. Nous nous retirons, en protestant contre la force qui opprime le droit pour le moment. » Le comité central n'en eût pas moins fait des élections, parce qu'il en avait besoin, mais sans les avancer d'un jour, et les municipalités de Paris n'auraient pas couvert ces élections d'un semblant de légalité.

Le meilleur parti, s'il eût été possible, était celui de la résistance. Plusieurs maires et adjoints l'ont tenté. Pendant toute la période de désaffection et de désorganisation qui s'est écoulée entre la capitulation et l'insurrection, ces courageux citoyens, prévoyant la catastrophe finale, cherchaient à la prévenir autant qu'il était en eux, soit en avertissant le Gouvernement de . l'existence et des menées du comité central, ainsi que des symptômes de la dissolution qui se faisait parmi les bons éléments de la garde nationale; soit en essayant de reprendre, pour le compte du Gouvernement, les munitions que le parti révolutionnaire se procurait par tous les moyens; soit en faisant évacuer les locaux occupés par l'état-major des comités insurrectionnels, dans la plupart des arrondissements! Continuant cette attitude énergique après le triomphe de l'insurrection, ils ont espéré la revanche de l'ordre et de la loi jusqu'au dernier moment, et salué le libérateur de Paris dans le chef envoyé par le Gouvernement de Versailles pour rendre le courage, la discipline, la direction aux forces de résistance réunies à Passy, à l'École Polytechnique, un peu partout, mais surtout dans les 1er et 2° arrondissements. L'amiral Saisset, après avoir sondé les cœurs et les sentiments des officiers désignés comme énergiques et dévoués à l'ordre, ne crut pas la résistance possible contre les for

ces écrasantes de l'armée insurrectionnelle. On ne pouvait résister. On ne devait pas capituler; on était réduit à céder à la force en protestant.

Comment la dernière réunion des maires et des adjoints a-t-elle pris le plus mauvais parti, en se décidant à capituler? On a peine à le comprendre, quand on reporte sa pensée à ce qui s'est passé dans la réunion précédente, pendant la nuit du 24 au 25 mars. Là, après une longue et vive discussion, le parti de la résistance avait prévalu, et la séance avait abouti à une protestation énergique adressée à la population de Paris, où les prétentions du comité central étaient nettement repoussées et ses artifices de transaction qualifiés sévèrement. C'est peu d'heures après qu'eut lieu fa réunion qui aboutit à la capitulation. D'où est venu ce revirement subit et complet? C'est ce que certains passages de plusieurs dépositions nous aident à comprendre. D'abord, plusieurs des maires et adjoints qui avaient insisté pour la résistance n'avaient point été prévenus de la réunion du samedi matin, ou n'avaient pu y assister. Mais le parti de la résistance y conservait encore assez de fermes organes pour maintenir la réunion dans les mêmes sentiments. Il faut dire toutefois que la réunion ne manquait pas de membres, maires, adjoints et députés, pour lesquels la capitulation n'avait rien de trop désagréable. Un témoin de la scène nous raconte dans sa déposition que la salle des délibérations était ouverte à tous, et qu'elle se remplissait d'officiers des bataillons fédérés. Mais ce qui décida la capitulation, si l'on en croit la plupart des témoins cités devant la Commission d'enquête, c'est le bruit apporté de Versailles par deux députés de Paris, qu'il était sérieusement question, dans les couloirs de l'Assemblée, de conférer la lieutenance du royaume au duc d'Aumale. « Alors, dit le témoin, les maires se sont jetés sur les plumes et ont signé le traité. » Toutes ces circonstances, jointes aux dispositions fort douteuses d'un certain nombre de maires, d'adjoints et de députés formant la majorité dans la réunion, expliquent comment tous ces pourparlers avec les délégués du comité central ne pouvaient guère finir autrement que par une capitulation des municipalités. Le même témoin, qui en parlait en parfaite

connaissance de cause, disait à l'amiral Saisset : « Nous avons à combattre des gens qui promettront tout, mais qui n'accepteront jamais rien. Quant à la réunion des maires et des adjoints, il ne faut pas trop y compter. Parmi eux se trouvent des gens qui voudraient s'en aller chez eux; d'autres se faufilent auprès de vous pour tâcher de vous empêcher de faire quelque chose; d'autres, enfin, seront carrément nos adversaires et les soutiens du comité central. » Si le soupçon pouvait paraître excessif de la part d'un des plus ardents à la résistance, dont la défiance croissait avec le nombre des défections, il n'est que trop justifié par les événements.

Là s'arrête le rôle des municipalités dans l'épouvantable drame qui commence au 18 mars. Cette grande magistrature municipale eût pu faire beaucoup pour la cause de l'ordre et des lois, si elle eût été unie dans ses sentiments politiques, comme elle l'était dans ses sentiments patriotiques. Mais, loin de s'entendre sur. le premier point, elle se divisait et s'agitait en sens contraire. A aucun moment de sa durée, cette magistrature n'eut, pour l'ordre et la défense du Gouvernement, l'initiative vigoureuse qui eût été nécessaire. Il n'y eut le plus souvent que des efforts individuels, et tout au plus partiels. Quand elle montra quelque initiative politique, ce fut presque toujours dans le mauvais sens, sous la pression des partis et des événements. Comme Paris, dont elle était la fidèle représentation en bien comme en mal, les municipalités vivaient entre elles en très-bon accord, tant que le sentiment patriotique les inspirait et les dirigeait. Quand la capitulation eut désespéré le patriotisme de tous, les municipalités rentrèrent dans l'arène des partis, et chacun n'obéit plus qu'à ses aspirations et à ses passions politiques. Le jacobinisme et le socialisme reprirent là, comme ailleurs, leurs traditions et leurs projets de révolution politique et sociale, interrompus par la crise héroïque du siège. En sorte que, si l'on voulait résumer leur rôle pendant tout le temps qu'elles ont duré, on pourrait dire qu'il fut utile, admirable de dévouement patriotique, en tout ce qui concernait l'œuvre du siége, mais impuissant et parfois malfaisant, en ce qui regarde l'ordre public.

RAPPORT DE M. DUCARRE

SUR LE ROLE DE L'INTERNATIONALE DANS L'INSURRECTION DU 18 MARS

Pendant que Paris, pris de vertige et affolé par un siége de cinq mois, subissait l'expérience de ce que, dans le langage révolutionnaire et international, on appelle la Commune, les manifestes, les proclamations des délégués de la Commune de Paris provoquaient les adhésions, les prises d'armes, l'organisation de la Commune dans toute la France.

Ces efforts ont abouti, à Lyon, aux événements des 22 et 23 mars, aux tentatives des 16 et 17 avril,

aux événedu 25 mars à

aux

aux

et à l'insurrection du 30 avril; ments du 23 mars à Marseille, Saint-Etienne, du 4 avril à Limoges, troubles des 16, 17, 18 avril à Bordeaux, tentatives du 22 avril à Rouen, aux nombreuses adhésions dans les centres moins importants, et enfin au projet trois fois tenté de réunir en assemblée chargée de se prononcer entre Paris et Versailles, les délégués des conseils municipaux des villes de France de plus de vingt mille habitants.

Cette assemblée, convoquée par le maire de Lyon au grand théâtre de cette ville, essaya ensuite de se réunir à Bordeaux et enfin, sur l'offre de Paschal Grousset, au palais du Luxembourg à Paris.

Nous devons résumer sommairement les événements dont nous venons d'indiquer les dates. Le 23 avril, à Rouen, la déclaration suivante est votée dans une réunion générale : « Les membres « de la fédération rouennaise et du comité radia cal de la Seine-Inférieure saluent avec enthoua siasme l'avénement de la Commune de Paris a et adhèrent sans réserve à son programme. » Les 16, 17, 18 avril, à Bordeaux, une partie de la garde nationale est aux ordres d'un Comité central, auquel les candidats à tous les grades doivent prêter serment d'obéissance absolue. Les affiches et proclamations de la Commune de Paris sont protégées par des gardes nationaux. Les agents de police sont arrêtés par eux et conduits à la prison de la garde nationale. Des officiers de l'armée sont attaqués et blessés; la voiture d'un

colonel est percée de balles de revolver; la caserne, où l'infanterie est consignée, est assaillie ; les vitres sont brisées à coups de pierre; le tocsin est sonné au beffroi la tentative échoue devant les mesures militaires prises à l'avance.

Le 4 avril, à Limoges, le mouvement éclate à la gare; le départ d'un détachement du 9° de ligne, de 450 hommes, pour Versailles est empêché; les soldats désarmés se débandent; à l'Hôtel-deVille le maire déclare qu'il ne reconnaît plus le Gouvernement de Versailles, ies officiers consultent leurs compagnies de garde nationale qui se prononcent pour la Commune; le colonel du 4 cuirassiers tombe frappé de trois balles par derrière; cet assassinat met fin au mouvement; le 7 avril, une proclamation affichée à Paris annonçait que Limoges avait acclamé la Commune et que sa population marchait contre Versailles.

Le 25 mars, à Saint-Etienne, le préfct, M. de l'Espée avait été fait prisonnier et tué à bout portant d'un coup de pistolet par l'un des émeutiers; à Saint-Etienne, le mouvement insurrectionnel avait été identique à celui de Limoges qui l'avait précédé.

Le 23 mars, à Marseille, l'insurrection s'empare du pouvoir civil et militaire, arrête les autorités, proclame la Commune et arbore le drapeau rouge. Quelques jours après, le général Espivent occupait la ville de Marseille à la suite d'opérations militaires sérieuses.

A Lyon, les 22 et 23 mars, la Commune est proclamée, l'Hôtel-de-Ville occupé par les bataillons partisans de la Commune. Le préfet est prisonnier, le général et le procureur de la république occupent la gare de Perrache. La municipalité reste chez elle. Au bout de trois jours, le mouvement avorte, le préfet est délivré ; les membres de la Commune improvisée partent pour Genève sous le couvert bienveillant de la municipalité lyonnaise.

Pendant tout le mois d'avril, les proclamations de la Commune de Paris restent affichées dans

différents quartiers de la ville de Lyon sous la protection de la garde nationale, et à la porte de la mairie de l'arrondissement de la Guillotière, par ordre exprès de l'adjoint de cet arrondisse

ment.

Les 16 et 17 avril, le rappel est plusieurs fois battu par ordre du Comité central, dans les quartiers des Brotteaux et de la Guillotière; les appels aux armes y sont réitérés sans succès. Ces tentatives semblent faire partie d'un plan d'ensemble révélé par les correspondances saisies.

On enrôlait à Genève des soldats prisonniers et des habitants de la Haute-Savoie venus dans cette ville pour vendre leurs denrées. Ces derniers ont déclaré qu'on leur offrait 50 francs de prime.

Cinq cents hommes, armés de chassepots, devaient marcher sur Lyon en recrutant des adhérents sur leur passage.

A Lyon, pendant ce temps, le mouvement devait commencer par l'arrestation des autorités, des otages et des officiers de l'armée; l'insurrection de Lyon avait le double but de diviser les forces de Versailles et d'offrir un asile à la Commune de Paris en cas d'échec. Lyon avait gardé toutes les munitions, tous les approvisionnements et farines réunis pour l'éventualité d'un siège prussien.

Celui des deux Billioray, qui a été fusillé à l'Ecole militaire, a déclaré au chef d'état-major qui l'interrogeait avant l'exécution, que la Commune de Paris avait reçu à cet égard des promesses formelles des délégués de la municipalité lyonnaise.

A Genève, comme à Paris et comme à Lyon, les chefs de la Commune, manquant de courage personnel, conspiraient à l'abri et envoyaient les imbéciles au feu. La colonne ne partit pas de Genève; l'insurrection du 30 avril engagée à Lyon par des doublures, fut réprimée après un sérieux combat dans lequel le préfet et le procureur de la république furent blessés à la tête des troupes. Le maire de Lyon et ses adjoints restèrent invisibles et silencieux pendant la lutte.

L'échec de Lyon mit fin à toutes les tentatives de soulèvement, à Saint-Etienne comme dans les villes du Midi.

Dans tous les mouvements que nous venons d'indiquer, on trouve invariablement, seuls du côté de la loi, l'administration, la magistrature et l'armée; partout les municipalités sont paralysées, s'abstiennent ou sont complices; partout la garde nationale obéit à un comité central auquel dit un déposant de Bordeaux, les candidats au grade d'officier doivent jurer d'avance une obéissance aveugle.

Mais partout aussi ce mouvement, dit commu

nal, c'est-à-dire exclusivement d'intérêt local, est dirigé, commandé par des étrangers à la localité :

A Rouen, on trouve Aubry et Gérard; A Bordeaux, Félix Pyat, Mégy, Paul Lafargue (gendre de Karl Marx) et Marchand; A Marseille, Mégy et Landeck;

A Limoges, Laviolette :

A Saint-Etienne, Amouroux, Montcharmont et Saint-Hilaire.

A Lyon, après Cluseret et Bakounine compromis le 28 septembre, arrivent Bastelica, Amouroux, Albert Leblanc, tous se disant membres de l'Internationale, tous, porteurs des délégations de l'Internationale.

L'Internationale! Qu'y a-t-il sous ce mot aujourd'hui dans toutes les bouehes? Une épée de Damoclès, ou les bâtons flottants de la fable? Peut-être ni l'un ni l'autre, mais à coup sûr, un symptôme dont il faut tenir compte et qu'il faut étudier.

L'Internationale, sur laquelle on a écrit des volumes,a déjà sa légende. On y trouve les premiers initiateurs réunissant quelques adeptes pour étu dier ensemble les problèmes sociaux que soulève la question du salariat. Tous à ce moment pouvaient déclarer qu'ils vivaient suivant les principes de la justice, de la morale, de la vérité.

Tout cela est bien changé. Le 28 septembre 1864, au sortir d'un meeting tenu à Londres (Saint-Martin Hall) en faveur de la Pologne (la malheureuse Pologne a déjà couvert de son nom plus d'une tentative de ce genre), l'Internationale se fondait sur ce principe que les ouvriers n'ont pas de patrie, qu'ils n'ont que des intérêts communs de défense contre le capital et la propriété.

Organisés en sections, professionnelles ou non, ils devaient obéir aux lois édictées par un parlement cosmopolite annuel, composé d'un délégué par groupe de 500 adhérents au moins.

Ils devaient suivre la direction politique et sociale d'un comité central siégeant à Londres, auprès duquel chaque nation ou région internationale a un secrétaire attaché, lequel transmet les actes du pouvoir directeur.

Jamais on n'avait mieux formulé, organisé l'idée d'un état dans l'état, de nationaux renonçant aux lois et obligations du pays qu'ils habitent, pour recevoir, de l'extérieur, des ordres absolus, des directions politiques et sociales.

Comment le régime impérial avait-il, en violation des lois françaises, laissé s'organiser une association qui met nos masses ouvrières sous la direction de communistes anglais et allemands, à la merci de toutes les polices étrangères?

Peut-être espérait-il y trouver un contrepoids à la grande centralisation industrielle à laquelle

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