Immagini della pagina
PDF
ePub

:

Deniso Foursin

6-22-38

36444

ANNEXES

PROJETS DE LOIS,
LOIS, PROPOSITIONS

ET

RAPPORTS

SÉANCE DU VENDREDI 22 DÉCEMBRE 1871

Annexe n° 740.

RAPPORT fait au nom de la commission d'enquête chargée, aux termes de la résolution du 16 juin 1871, de rechercher les causes de l'insurrection du 18 mars et de constater les faits qui s'y rattachent, par M. Martial Delpit, membre de l'Assemblée nationale.

Le 18 mars a désormais pris place dans les dates néfastes de notre histoire, si nombreuses depuis un siècle. La société française, menacée ce jour-là dans son existence, a été pendant plus de deux mois tenue en échec par une insurrection formidable, qui a dominé Paris et essayé d'entrainer le reste de la France. Grâce à votre présence à Versailles, messfeurs, il n'y a pas eu de révolution. Vous avez pu grouper autour de vous toutes les forces vives du pays, et, pour la première fois, Paris a créé un gouvernement qu'il n'a pu imposer à la France. Mais la lutte

* Cette commission est composée de MM. le comte Daru, président; Piou, vice-président; le comte Desbassayns de Richemont, de Rainneville, secrétaires; Martial Delpit, rapporteur; levicomte de Gontaut-Biron, Boreau-Lajanadie, le vicomte de Meaux, Margaine, le comte de Melun, Méplain, Bourgeois, Vacherot, de Saint-Pierre (Manche), Ducarre, marquis de Mornay, duc de Larochefoucauld-Bisaccia, Flotard, de Chamaillard, Robert de Massy, Cochery, Buisson (de l'Aude), marquis de Quinsonas, vicomte de Cumont, Delille, marquis de La Rochethulon, de Colombet, de Labassetière, Ganivet, de Champvallier.

terrible qu'il a fallu soutenir pour renverser ce gouvernement insurrectionnel et reconquérir Paris, l'effroyable catastrophe dans laquelle les chefs de la Commune vaincue ont voulu ensevelir leur défaite, prouvent assez qu'il s'agissait là, non d'une simple insurrection, mais d'une de ces guerres sociales qui ont effrayé l'antiquité et que notre civilisation chrétienne semblait avoir à jamais reléguées dans les souvenirs du passé.

Aussi, après avoir acclamé l'héroïsme de l'armée à laquelle vous deviez le triomphe de l'ordre social; après avoir donné à l'éminent homme .d'Etat qui avait su organiser la victoire le plus éclatant témoignage de votre gratitude en déclarant qu'il avait bien mérité de la patrie (1); vous avez songé tout d'abord à rechercher les causes de l'insurrection. Dès le 27 mai, quand l'incendie de Paris fumait encore, vous adoptiez d'urgence la proposition d'ordonner une enquête. La commission chargée d'apprécier l'opportunité de cette mesure, de déterminer le mode et l'objet des informations à recueillir, vous soumettait son rapport le 8 juin (2), et, dans la séance du 16, vous

(1) Séance de l'Assemblée nationale du 23 mai 1871.

(2) Voyez le rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner la proposition de M Haentjens et de plusieurs de ses collègues, ayant pour objet la nomination d'une commission de trente membres à l'effet de rechercher, par voie. d'enquête, les causes de l'insurrection de Paris, par M. Martial Delpit (no 309, annexe au procèsverbal de la séance du 8 juin 1871).

4

PROJETS DE LOIS, PROPOSITIONS ET RAPPORTS

votiez un projet de loi qui confiait à une commission de trente membres le soin d'ouvrir une enquête sur les causes de l'insurrection du 18 mars (1).

Nommée en vertu de cette résolution, votre commission a entendu les dépositions des personnages les plus importants parmi ceux qui avaient été acteurs ou témoins des faits. Elle a porté ses investigations sur tous les points de la France, à l'aide de commissions rogatoires adressées en votre nom aux magistrats de l'ordre civil et judiciaire partout elle a obtenu le concours qu'elle ava't droit d'attendre. C'est le résultat de cette longue et patiente information que nous avons à vous faire connaître. La tâche est difficile et ardue, car ce ne serait pas répondre à votre confiance que de se borner à raconter les faits et à en exposer les causes; votre commission doit encore indiquer le remède au mal dont il lui a été donné de sonder la profondeur. C'est, en effet, une œuvre politique que vous avez voulu faire, messieurs; il ne s'agit pas pour vous de satisfaire une vaine curiosité ou de recueillir des matériaux pour l'histoire, mais de prévenir le retour d'horribles attentats et d'arrêter dans sa marche une conspiration qui ne s'attaque pas seulement à la forme du gouvernement, mais aux conditions d'existence de toute société.

L'insurrection qui a succombé à Paris a étendu ses ramifications sur toute la France. A l'heure qu'il est, elle n'a pas désarmé, elle n'a pas même désavoué les crimes et les incendies de Paris; il faut que le monde sache quels sont le mobilé et le programme de ces nouveaux barbares qui ne reculent pas plus devant les horreurs de la guerre civile que devant les désastres de l'invasion. Nous pensons que, loin de craindre de montrer au grand jour les erreurs des uns, les défaillances des autres, il y a profit pour tous à régarder en face l'abîme dans lequel nous avons failli tomber. Nous voudrions faire passer dans vos âmes l'impression de tristesse et de douleur qu'éprouvait votre commission tout entière à mesure que les

[blocks in formation]

témoins que nous entendions déroulaient devant nous le tableau des faits et exposaient les théories abominables qui les ont amenés. Nous espérons que cette impression sera salutaire pour le pays, et nous sommes de ceux qui croient trop fermement à la grandeur et à l'avenir de la France pour redouter de faire la lumière complète sur une page à jamais déplorable de son histoire.

Vous n'attendez pas de nous, messieurs, une discussion approfondie des questions philosophiques, politiques ou sociales que soulève l'insurrection de Paris. Votre commission n'a pas pensé qu'elle dût empiéter sur le domaine des acadėmies et de la science pour se livrer à des études purement théoriques. Elle s'est souvenue qu'en 1848 le général Cavaignac et l'Assemblée constituante s'étaient fait l'illusion de croire qu'on pourrait, à l'aide de petits traités demandés à l'Académie des sciences morales et répandus à profusion, affermir dans les esprits les principes fondamentaux de l'ordre social. « Il n'est pas donné à la science, a dit un homme d'Etat, de réprimer l'anarchie dans les âmes ni de ramener au bonheur et à la vertu les masses égarées : i! faut à de telles œuvres des puissances plus universelles et plus profondes: il y faut Dieu et le malheur (1). >>

Le malheur ne nous a certes pas manqué, et Dieu, vous le savez, messieurs, ne manque jamais qu'à ceux qui l'abandonnent. La chute de notre pay a été aussi rapide qu'imprévue. Après les désastres inouïs de la guerre et de l'invasion, quand l'ennemi occupe encore notre territoire, nous avons eu plus que la guerre civile, plus quam civilia bella, nous avons eu toutes les horreurs d'une guerre sociale. Qui donc ne verrait là une de ces terribles leçons que le souverain maître des choses ne ménage pas plus aux peuples qu'aux rois! Il ne nous appartient pas de dire aux hommes de ce temps-ci : et nunc erudimini: les faits le disent assez haut pour qu'il suffise de leur laisser la parole.

Nous rappellerons d'abord les événements du 18 mars tels que les témoignages de l'enquête les ont montrés à votre commission; puis, conformément au devoir que vous nous avez impo é, nous essayerons de remonter des faits à leurs causes en indiquant les causes morales comme les causes matérielles, les causes prochaines ou immédiates comme les causes éloignées. Si votre commission ne s'est pas trompée dans une longue et patiente étude, si ses appréciations sont justes, le remède ressortira avec une telle évidence du récit des faits et de l'exposé de leurs causes que

(1) M. Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, t. III, p. 148.

nous aurons à peine besoin de l'indiquer: il s'imposera de lui-même à vos convictions. Toutefois, nous savons que ce n'est pas avec des textes de lois qu'on réforme les mœurs; nous savons que le domaine de la conscience et de la pensée échappe au législateur: aussi serons-nous trèssobres à formuler nos conclusions sous forme de propositions de loi; c'est à votre sagesse qu'il appartiendra de décider si quelques-unes d'entre elles méritent cet honneur.

Toutes les dépositions que nous avons entendues ont été sténographiées; nous vous demandons d'en ordonner l'impression; vous voudrez y joindre les rapports des magistrats qui se sont avec tant de zèle associés à notre œuvre, ainsi qu'un assez grand nombre de pièces originales que nous avons pu recueillir. Rien, pour l'homme politique comme pour l'historien, ne saurait suppléer aux documents originaux; il faut, messieurs, que vous puissiez contrôler nos assertions et juger par vous-mêmes des résultats de l'enquête que vous avez prescrite.

Sur plusieurs points particuliers de cette vaste enquête, qui lui ont paru mériter une discussion plus approfondie, votre commission a demandé à quelques-uns de ses membres des rapports spéciaux.

Vous en trouverez le texte à la suite du rapport général, qui n'est qu'un résumé de l'enquête entière, une sorte de table des matières destinée à vous faciliter l'étude des graves ques

tions que l'insurrection du 18 mars impose à votre examen.

La révolution radicale et socialiste avait failli éclater le 4 septembre. La Commune aurait peutêtre été établie dès ce jour-là à l'Hôtel de Ville si les sectaires y fussent arrivés à temps. Devancés par les députés de Paris, ils commencèrent dès lors à conspirer et à préparer le mouvement du 18 mars. C'est donc aux tentatives avortées qui, à partir du 4 septembre et pendant quatre mois et demi de siége, tinrent constamment en échec le Gouvernement de la défense nationale, qu'il faudrait remonter, pour bien expliquer l'état de Paris au moment où triomphe l'insurrection, et faire connaître le concours de circonstances qui avait rendu possible la prise de possession de la première ville du monde par une poignée d'hommes inconnus, chez lesquels on ne sait ce qui doit étonner davantage de l'ignorance ou de l'audace. Mais, messieurs, vous avez confié à une autre commission l'étude de la révolution du 4 septembre et des actes du Gouvernement de la défense nationale. Nous ne pouvions empiéter sur sa mission. C'est au moment où l'armistice du 28 janvier vint mettre fin au siége, à la guerre et aux pouvoirs du gouvernement du 4 septembre que s'ouvre le champ de nos recherches. Les deux enquêtes se complètent l'une l'autre et vous nous permettrez de renvoyer, pour le récit des fails antérieurs à l'armistice, au rapport de la commission du 4 septembre.

« IndietroContinua »