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tombe de lui-même : c'est comme si l'on soutenait qu'il ne faut pas desirer d'avoir des enfans, parce que c'est souvent une source de chagrins. Pour répondre à ce raisonnement, il n'y aurait qu'à montrer les parens que leurs enfans rendent heureux, et dire: Pourquoi ne serais - je pas du nombre? De plus, il est faux qu'un pere ne doive pas souhaiter à son fils les talens de Cicéron, parce qu'il a péri sous le glaive des proscriptions; et quel homme, pour peu qu'il ait quelque amour de la vertu et de la véritable gloire, croira qu'une aussi belle carriere que celle de Cicéron soit payée trop cher par une mort violente, arrivée à l'âge de soixantecinq ans? Qui refuserait à ce prix d'être l'homme le plus éloquent de son siecle et peut-être de tous les siecles, d'être élevé par son seul mérite à la premiere place du premier Empire du Monde, d'être trente ans l'oracle de Rome, enfin d'être le sauveur et le pere de sa patrie? S'il était vrai que le fer d'un assassin qui frappe une tête blanchie par les années, pût en effet ôter leur prix à de si hautes destinées, il faudrait croire que tout ce qu'il y a parmi les hommes de vraiment grand, de vraiment desirable, n'est qu'une chimere et une illusion.

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Au fond, cette satyre si vantée se réduit donc prouver que les plus précieux avantages que

l'homme puisse desirer, sont mêlés d'inconvéniens et de dangers, et c'est une vérité si triviale, qu'il ne fallait pas en faire la base d'un ouvrage

sérieux.

Horace ne tombe point dans ce défaut, qui n'est jamais celui des bons esprits; et sans vouloir revenir sur l'énumération de ses différentes qualités, je crois, à ne le considérer même que comme satyrique, lui rendre, ainsi qu'à Juvénal, une exacte justice, en disant que l'un est fait être admiré quelquefois, et l'autre pour être toujours relu.

pour

SECTION II.

De Perse et de Pétrone.

La gravité du style, la sévérité de la morale, beaucoup de concision et beaucoup de sens sont les attributs particuliers de Perse. Mais l'excès de ces bonnes qualités le fait tomber dans tous les défauts qui en sont voisins.

Qui n'est que juste, est dur : qui n'est que sage, est triste, a si bien dit Voltaire, et cela est vrai des ouvrages comme des hommes. La gravité stoïque de Perse devient sécheresse; sa sévérité que rien ne tempere, vous attriste et vous effraie; sa concision

outrée le rend obscur, et ses pensées trop pressées vous échappent. Aussi est-il arrivé que bien des gens, rébutés d'un auteur si pénible à étudier et si difficile à suivre, l'ont jugé avec humeur et en ont parlé avec un mépris injuste. D'autres, qui l'estimaient en proportion de ce qu'il leur avait coûté à entendre, l'ont exalté outre mesure, comme on exagere le prix d'un trésor qu'on a découvert et qu'on croit posséder seul. Un Pere de l'Église le jeta par terre en disant ; Puisque tu ne veux pas être compris, reste là. Un autre jeta ses satyres au feu, peut-être pour faire cette mauvaise pointe : Brûlons-les pour les rendre claires. Plusieurs savans, entre autres Scaliger, Meursius, Heinsius et Bayle, n'ont été frappés que de son obscurité. D'autres l'ont mis au dessus d'Horace et de Juvénal. Cherchons la vérité entre ces extrêmes, et quand nous aurons assez travaillé sur cet auteur pour le bien comprendre, nous serons de l'avis de Quintilien, qui dit de Perse: « Il a mérité beaucoup de gloire « et de vraie gloire. » C'est qu'en effet sa morale est excellente et son esprit très-juste; qu'il a des beautés réelles, et propres au genre satyrique; que son expression est quelquefois très-heureuse; que ses préceptes sont vraiment ceux d'un sage, et que plusieurs de ses vers ont été retenus comme des proverbes de morale. C'en est assez peut-être pour

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dédommager de la peine qu'il donne au lecteur qui veut le connaître; car c'en est une, et il faut d'abord avouer que c'est là un défaut véritable. L'obscurité est toujours blâmable, puisqu'elle est directement opposée au but de tout auteur, qui est de répandre la lumiere. On a dit pour le justifier, que, voulant attaquer Néron indirectement et sans trop s'exposer, il s'enveloppait à dessein; mais cette apologie est insuffisante. Elle ne pourrait regarder qu'un petit nombre de vers, où l'on croit, avec assez de vraisemblance, qu'il a voulu désigner le tyran; et l'obscurité de Perse est partout à peu près égale. De plus, l'application plus ou moins incertaine de tel ou tel endroit ne rend pas la diction en ellemême plus difficile à expliquer. Il faut dire encore à la louange de Perse, que ce n'est ni l'embarras de ses conceptions, ni la mauvaise logique, ni la recherche d'idées alambiquées qui jette des nuages sur son style; c'est la multiplicité des ellipses, la suppression des idées intermédiaires, l'usage fréquent des tropes les plus hardis, qui entassent dans un seul vers un trop grand nombre de rapports plus ou moins éloignés les uns des autres, et offrent à l'esprit trop d'objets à embrasser à la fois; c'est enfin la contexture même de ses satyres, composées le plus souvent d'un dialogue si brusque et si entrecoupé, qu'il faut une grande attention pour suivre

les interlocuteurs, s'assurer quel est celui qui parle, suppléer les liaisons, et renouer un fil qui se rompt i à tout moment. Mais quand ce travail est fait, on s'aperçoit que tout est juste et conséquent, et l'on se plaint seulement que l'auteur ait eu une tournure d'esprit si extraordinaire, qu'on dirait qu'il ait trouvé trop commun d'être entendu, et qu'il n'ait voulu être que deviné.

Mais, je le répete, il vaut la peine de l'être, et ceux qui ne savent pas sa langue, pourront, en lisant l'estimable traduction qu'en a faite M. Selis, et les notes et les dissertations également instructives qu'il y a jointes, s'assurer que Perse est un écrivain d'un vrai mérite, et digne de l'honneur que lui a fait Boileau de lui emprunter plusieurs traits, plusieurs morceaux qui ne sont pas les moins heureux de ses satyres. Tel est ce vers si connu:

Le moment où je parle est déjà loin de moi,

qui dans l'original ne tient que la moitié d'un vers. Telle est cette belle prosopopée de l'Avarice et de la Volupté, dont Boileau n'a imité que la moitié.

Le sommeil sur ses yeux commence à s'épancher.
Debout, dit l'Avarice : il est tems de marcher.
Eh! laissez-moi-debout-un moment tu répliques!-
A peine le soleil fait ouvrir les boutiques.--.

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