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La Bibliofilía

RACCOLTA DI SCRITTI SULL'ARTE ANTICA

IN LIBRI, STAMPE, MANOSCRITTI, AUTOGRAFI E LEGATURE DIRETTA DA LEO S. OLSCHKI

L'exposition de la gravure sur bois (*)

NZE ans passés, le monde artiste commémorait, par une exposition à l'École des Beaux-Arts, le centième anniversaire de la découverte de la lithographie; et, devant les œuvres rassemblées à ce propos, depuis les essais de Senefelder jusqu'aux audaces de nos artistes contemporains, c'était plaisir de suivre les étapes successives et logiques du constant achemi

nement de cet art vers le mieux-faire et le mieux-dire.

Un spectacle tout autre nous est offert à l'exposition de la gravure sur bois, qui s'est ouverte, à Paris, ce mois de mai : là, pas d'évolution régulière, pas de développement raisonné. Après être demeuré, de longues années durant, indécis et stationnaire, c'est presque soudainement que l'art de la gravure en bois atteint à la perfection, avec le XVe siècle finissant ; à peine cent ans de gloire, et la décadence arrive. Vainement, au cours des deux siècles qui suivent, des artistes isolés tenteront-ils de galvaniser le cadavre; il faudra en attendre la résurrection jusqu'aux environs de 1830. Et tel est ensuite l'oubli des anciennes méthodes et l'illogisme des innovations, tel est l'abaissement de cet admirable moyen d'expression, qu'une phalange de vaillants artistes ne tarde pas à se former, en vue de rendre au bois toute sa franchise et sa vigueur primitives.

Nous avons donc sous les yeux cinq siècles d'avatars successifs, et la France n'est pas seule représentée, mais l'Italie, l'Allemagne aussi, et les Pays-Bas, l'Angleterre, le Japon, puisque l'intérêt premier d'une telle manifestation, c'est d'être complète; mais, comme on pourrait peut-être la juger par trop complexe et touffue et ne la point visiter avec tout le profit possible, si l'on se voyait dans la nécessité, pour préciser des faits et des dates,

(*) L'exposition de la gravure sur bois qui vient d'être inaugurée à Paris étant un événement du plus haut intérêt pour les bibliophiles, nous croyons être agréables à nos lecteurs en reproduisant ici l'étude de notre distingué collaborateur M. Emile Dacier, parue dans les numéros du 10 avril et du 10 mai dernier de la Revue de l'Art ancien et moderne, à la direction de laquelle nous adressons l'expression de non sincères remerciments.

N. d. l. D.

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de recourir aux ouvrages publiés sur la matière, il a semblé utile de résumer dans ses grandes lignes l'histoire de la gravure sur bois.

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1423 se crut longtemps invincible; mais les partisans des Pays-Bas lui répliquèrent par l'énumération des nombreux xylographes exécutés en Hollande, non datés, il est vrai, mais qui, s'ils peuvent être au moins contemporains de la célèbre gravure allemande, lui sont à coup sûr infiniment supérieurs au point de vue esthétique.

<< Avec son imposante date de 1423, ses droits consacrés et sa renommée officielle écrivait Le < BOIS PROTAT > Fragment d'une Cruci- le comte Delaborde (1), le Saint Christophe, fixion (entre 1370 et 1390). aujourd'hui dans la bibliothèque de lord Spencer, garde des privilèges devant lesquels il n'y a qu'à s'incliner. Suit-il de là que les gravures en bois du Speculum, de la Bible des pauvres, de l'Ars moriendi, ou telles autres pièces non datées soient nécessairement plus récentes, et, parce qu'une estampe allemande pourvue de son millésime a survécu, faut-il conclure que rien ne s'était produit en dehors de l'Allemagne à cette date? >

Assurément non, et en voici une preuve : un nouvel incunable de la gravure sur bois vient d'etre examiné et critiqué, et, non seulement il laisse loin derrière lui, pour la date, et le Martyre de saint Sébastien de 1437, et le Saint Christophe de 1423, et la Sainte Face

(1) Comte DELABORDE, Histoire de la gravure, pag. 30.

de 1406, et les Speculum, et les Bibles des pauvres, mais, en outre, il permet de croire que l'honneur de la découverte de la gravure sur bois revient à la France. La seule réserve à faire, c'est de se demander si ce bois gravé, qui ne mesure pas moins de soixante centimètres de hauteur, a pu, à la fin du

XIVe siècle, être tiré sur papier; autrement dit, s'il est la première « estampe ».

Trouvé il y a deux ans et demi par M. Protat, imprimeur à Mâcon, ce doyen des bois gravés servait de cale au dallage d'une chambre, dans une vieille maison, non loin de Sennecey (Saône-etLoire), et il figura à la dernière Exposition universelle de Paris, sans que personne soupçonnât son antiquité. Personne, sauf toutefois M. Henri Bouchot, le savant conservateur du Cabinet des estampes de Paris, qui, après un examen minutieux et de patientes recherches, lui assigna comme dates extrêmes les années 1370-1390.

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La Bibliofilia doit à la bonne grâce de M. Protat de pouvoir publier, une reproduction de cette image, qui n'est d'ailleurs qu'une partie de la planche primitive. Le

mon

second fragment se trouvait parmi les autres bois rencontrés au même endroit, et qui tombèrent en poussière. Complète, la composition devait représenter une Crucifixion, et le morceau qui nous est parvenu la partie gauche tre un groupe de trois personnages, au premier plan duquel se tient le centurion qui va transpercer le flanc du Christ d'un coup de son épée. C'est sur les détails du costume, sur l'inscription en lettres onciales qui accompagne la scène, sur la comparaison de cette pièce avec d'autres très anciennes planches, surtout avec les manuscrits et les monuments datés, que M. H. Bouchot appuie son argumentation, et il n'est pas téméraire de pronostiquer des étonnements, pour le jour prochain où paraîtra le livre qu'il prépare à ce sujet (1).

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BERGOMENSIS. De clar. mul. Ferrara 1497.

(1) Un Ancêtre de la gravure sur bois (Paris, Lévy, in-4. 1902). Avec reproduction tirée sur l'original. -L'auteur a tout lieu de croire que les planches tabellaires trouvées près de Sennecey provenaient de l'abbaye de La Ferté-sur-Grosne.

Non pas, il faut bien le reconnaître, que tous ces bois primitifs offrent une valeur d'art tellement considérable encore notre fragment de Crucifixion est-il d'un faire autrement habile que le fameux Saint Christophe, mais, si l'on veut bien se rappeler

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à quel point l'histoire de l'imprimerie, à ses débuts, est liée à celle de la gravure sur bois, on comprendra aussitôt pourquoi de semblables découvertes prennent une aussi importante signification.

De quelle façon, en effet, se présentent les gravures sur bois pendant la première

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moitié du XVe siècle, c'est-à-dire pendant la période qui précède la découverte de la typographie? D'une part, nous trouvons les «< images », tirées séparément sur des feuilles volantes et reproduisant le plus souvent des scènes pieuses, accompagnées ou non de courtes légendes: c'est un genre qui persistera d'ailleurs, et qui sera porté par Albert Dürer à sa plus admirable perfection.

Mais, à côté de ces estampes éparses, on voit apparaître de bonne heure et se développer parallèlement l'impression tabellaire, la xylographie, où, texte et figures se partagent également la planche de bois sur laquelle tous les deux sont gravés à côté de l'image, c'est l'illustration >>.

Que les caractères mobiles se substituent au texte fixe des xylographes, l'imprimerie est née, à laquelle on ne tarde pas à associer les figures sur bois : ce sont d'abord dès estampilles pour les initiales ou les marques d'éditeurs: on voit ensuite des planches d'anciens xylographes sciées et imprimées « au frotton », sur les parties réservées des livres déjà imprimés à la presse; enfin, dernier et rapide perfectionnement, on s'avise de tirer à la presse le texte et les figures: et la gravure sur bois devient ainsi l'auxiliaire de la typographie, à laquelle elle avait donné naissance !

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Ce fut là un de ces << mariages d'inclination », que le temps corrobore et féconde. Par ce fait qu'elle était un procédé de blanc et noir, sans demi-teintes, comme une page de livre, et que, enchâssée un milieu d'un corps typographique, elle pouvait se tirer en même temps que lui et d'un seul coup de presse, la gravure sur bois s'affirma, dès le début de l'imprimerie, comme le mode d'illustration par excellence. Son histoire, somme toute, c'est l'histoire du livre. Avant Gutenberg, elle le prépare; après, elle le soutient.

Deuxième moitié du XVe siècle : la gravure au burin, qui se hâte vers la perfection, influe sur son aînée. De la figure au trait primitive, où les contours et les grandes lignes étaient seuls indiqués, on passe aux tailles croisées, jusqu'alors spéciales à la gravure en creux, et l'on accuse plus vigoureusement les reliefs par des tailles épaisses; en

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