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appela lois sacrées, soit parcequ'elles furent promulguées à la suite de la retraite du peuple sur le mont sacré, soit parce qu'elles dévouaient les coupables aux dieux infernaux. Festus, à la vérité, nous fait connaitre une disposition de la première de ces lois, lorsqu'il nous explique comment on donnait l'épithète de sacer à l'homme que le peuple avait jugé criminel: « Il n'est pas permis de l'immoler, dit-il, mais celui qui le tue n'est pas condamné comme meurtrier; car voici ce que porte la première loi tribunitienne :

« Si quis eum, qui ex plebei scito sacer sit, occiderit, parricida ne sit.>> << Si quelqu'un tue celui qu'un plébiscite a dévoué, qu'il ne soit pas traité comme meurtrier. >>

De son côté, Cicéron, à deux reprises', nous fait savoir que la défense exprimée par une des XII Tables de ne proposer aucune loi spéciale (privilegium) contre les individus,

<< Privilegia ne irroganto»,

existait déjà dans les lois tribunițiennes. Mais nous chercherions en vain partout ailleurs d'autres renseignements sur les textes de cette législation.

II

Passons donc à celle des XII Tables.

Je n'ai pas à revenir ici sur les faits historiques au milieu desquels elle fut conçue: j'ai raconté dans mon Étude pouvant servir d'Introduction à l'histoire de la litté rature romaine', pour quels motifs avaient été créés les décemvirs et comment ils remplirent leur mission. Nous

(1) Cic., pro Domo, 17; pro Sextio, 30. Ct., De Leg., II, 4 et 19. (2) Liv. III, ch. 1, $ 5, 6 et 7.

savons que, les murmures du peuple s'élevant, depuis longtemps déjà, contre l'incertitude, le secret et la diversité des lois, le patriciat consentit à une capitulation qui en promettait la clarté, la publicité et l'égalité. Après un voyage dans l'Italie méridionale et en Grèce de commissaires du Sénat chargés d'étudier les plus sages des constitutions étrangères ', tout en tirant profit vraisemblablement de cette étude, on fondit en un seul droit national la législation des différents peuples qui avaient formé la Rome primitive; on y posa nettement, non sans exprimer certaines exceptions, le principe de l'égalité des patriciens et des plébéiens devant la loi civile, et l'on fixa les bases du pouvoir judiciaire, que détenaient encore les consuls, ainsi que celles de la procédure 2.

Il nous est assez indifférent qu'on ignore si les tables, au nombre de douze, sur lesquelles fut transcrit l'ensemble de ces lois, étaient d'airain (æreæ), comme le disent Diodore et Tite-Live 3, ou d'ivoire (eboreæ), ainsi que l'indique Pomponius, ou de bois de chène (roboreæ), comme le croient quelques commentateurs d'après un passage de Denys d'Halicarnasse. Une question plus digne d'intérêt est celle de savoir si le texte législatif était en vers et s'il fut converti en chant populaire. Ceux qui le prétendent ne manquent pas d'invoquer certaines analogies telles que les lois de Charondas, qui, selon Hermippus, furent mises en vers chez les Athéniens, et celles de Lycurgue, dont les poètes Thalès, Terpandre et Tyrtée donnèrent, à ce que dit Clément d'Alexandrie, des traductions aux Lacédémoniens. Ils ont soin aussi de citer ces mots de Cicéron : « Disceba

(1) Tac., Ann., III, 27; Pline le Jeune, VIII, 24; Athénée, Banquet des Sav., VI, 21; Justinien, Instit., $ 10, De Jure nat. gent. et civ.

(2) Ch. Giraud, Histoire du Droit romain, 1841, in-8, p. 69.

(3) Diod., XII; Tit. Liv., III, 27.

(4) Fr. 2, § 4. De origine juris.

(5) Notæ ad pandectas de Schulting et Smallenburg, tom. 1, p. 36. (6) Athénée, Banquet des Sav., XIV.

(7) Strom., 1, p. 308.

mus enim pueri XII, ut carmen necessarium, quas jam nunc nemo discit1», mots qu'ils traduisent ainsi : « Lorsque nous étions enfants, nous apprenions, comme un chant obligatoire, les XII Tables que presque personne n'apprend plus aujourd'hui ». Mais ni les analogies ni la phrase citées ne prouvent rien: l'usage de chanter des lois en vers a très bien pu convenir à des peuples amis d'ailleurs de poésie sans avoir jamais été adopté par les Romains; et puis le mot carmen n'a pas la signification qu'on lui donne, les Romains appelaient souvent de ce nom toute sentence solennelle et Cicéron désigne ici l'énoncé de la loi sans parler en rien de poésie: « Lorsque nous étions enfants, dit-il, on regardait comme une nécessité de nous faire apprendre le texte des XII Tables que presque personne n'apprend plus aujourd'hui. » La seule conclusion à tirer de ce passage est que, pendant longtemps, à Rome, on fit apprendre par cœur aux élèves des écoles l'œuvre des décemvirs.

Jusqu'à quelle époque cette œuvre fut-elle intégralement conservée ? Il est malaisé de le savoir. Placées, à l'origine, dans le Forum, les XII Tables furent renversées lors du sac de la ville par les Gaulois; on dut, aussitôt après, en rechercher les morceaux pour en réunir tout le texte, et l'on y réussit, comme l'atteste Tite-Live au début de son Vle livre. Peut-être subirent-elles un nouvel accident en l'an 685 de Rome; du moins un passage de Cicéron3 permet de supposer qu'elles auraient été alors frappées par la foudre; toujours est-il que ce second malheur aurait été réparé comme le premier. D'après le témoignage de Diodore', on les voyait, de son temps, en bon état sur le Forum, et s'il faut en croire l'interprétation donnée à quelques

(1) De Legibus, II, 23.

(2) Fœdera et leges (erant autem ex duodecim tabulæ et quædam regiæ leges) conquiri, quæ compararent, jusserunt.

(3) In Catilin., III, 8.

(4) Diod., XII.

mots de Cyprien', elles existaient encore en l'an 258 de J.-C.; l'incendie qui dévasta le Capitole sous Vespasien les aurait épargnées. Mais là s'arrêtent les renseignements de l'érudition sur la durée des XII Tables; tout ce qu'on peut ajouter, c'est que du temps de Justinien, le texte n'en était point perdu; Gaius l'avait rappelé dans le commentaire qu'il en avait donné ".

Mais ce livre de Gaius, qui eût été si précieux pour nous, ne s'est pas conservé, et non seulement nous ignorons. aujourd'hui, à peu d'exceptions près, l'ordre dans lequel se trouvaient classées les diverses matières traitées par les décemvirs, mais il serait bien difficile d'affirmer d'une manière absolue l'authenticité originale de quelques-uns des nombreux fragments que nous avons de leurs lois. Pour la restitution des Tables il y avait néanmoins beaucoup plus d'indications fournies par les auteurs anciens que pour celle des lois royales: réunir ces indications en faisceaux, les soumettre à une critique sévère et les classer dans un ordre dont on ne pût guère s'écarter, voilà le plan que se traça Jacques Godefrei 3, après les essais infructueux de ses prédécesseurs ; il l'exécuta si heureusement que, depuis lui, aucun de ceux qui ont pratiqué la jurisprudence historique ne s'est fait faute de profiter amplement de son travail: Heineccius, Hoffmann, Gravina, Bouchaud, Funck, Terrasson, Pothier, tous l'ont reproduit plus ou moins. Quelques-uns, il est vrai, comme Terrasson, Funck et Bouchaud se sont efforcés de recomposer le vieux langage en affublant de mots osques les citations qui leur étaient livrées; mais on les a blàmés avec raison d'avoir, pour ainsi dire, introduit le roman dans la science en substituant aux faits positifs de l'histoire les caprices de leur imagination. Le texte de Godefroi, plus conforme à la vérité

(1) II, Epistol. 2 ad Donatum.

(2) Að legem XII Tabularum, commentaire, dont quelques extraits seulement se trouvent dans le Digeste.

(3) Voir J.-H. Vanderheim, Comment. de J. Gothofredi meritis in restituendis XII tab. fragmentis, Lug. Bat., 1823, in-8.

historique, a été jugé préférable aux leurs, et quand, sur une revision nouvelle de Haubold et Dirksen, Zell' lui eut donné une forme plus rigoureuse encore, Ch. Giraud n'hésita pas à le placer, comme appendice, à la fin de son excellente Histoire du droit romain.

Dans l'impossibilité d'énumérer ici tous les fragments des XII Tables, je citerai de préférence ceux qui me paraissent mériter notre attention, soit parce qu'ils indiquent le mieux l'esprit de l'œuvre, soit parce qu'ils nous intéressent plus particulièrement sous le rapport de la langue.

La constitution décemvirale ne reconnaît de personnalité civile qu'aux citoyens libres et dans chaque famille naturelle elle ne voit qu'une tète civile, celle du chef, qui a la propriété de toute sa race. « Tous les rapports de famille, dit Ch. Giraud, dérivent de ce droit de propriété... ; et les noms de père, d'époux n'expriment jamais que le caractère d'une autorité absolue. » Ce pouvoir est si bien établi que, même lorsqu'on porte l'examen sur des époques moins éloignées, on ne manque pas de trouver des exemples incontestés de l'emploi qui en fut fait : après la découverte des mystères des bacchanales, deux mille femmes, qui y avaient participé, furent égorgées par leurs pères ou leurs maris dans l'intérieur des maisons3, et, au temps de Catilina encore, Aulus Fulvius, fils de sénateur, fut arrêté et mis à mort par ordre de son père pour avoir voulu se rendre. auprès du conspirateur. « Chez aucune nation, comme le déclarent les Instituts, les pères n'eurent un pouvoir semblable à celui qu'ils exerçaient à Rome »>, et Denys d'Halicarnasse fait remarquer combien les XII Tables étaient en contradiction avec la législation de Solon, en

(1) C. Zell, Legum XII tabularum fragmenta, Fribourg, 1825, pet. in-4 de 72 pages.

(2) Hist. du Droit rom., p. 81-82.

(3) Tit. Liv, XXXIX, 48; Val. Max., VI, 3, 7.

(4) Sallust., Catil., 39 ;Val. Max., V, 5, 5; Dion Cassius, XXXVII.

(5) Justinien, Instit., 1, tit. IX, $ 2.

(6) Den. d'Hal., II, 97.

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