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mières comparaisons il ajouta successivement le lithuanien, le slave et le zend; il ne se borna plus à l'examen de la conjugaison; et de plus, à l'explication des flexions, il joignit, comme le recommandait alors Jacob Grimm dans sa grammaire allemande, la recherche des lois phoniques dont le rôle est si important dans la formation et la métamorphose des idiomes. Par suite de ces nouvelles investigations, après avoir inséré dans les Annales de la littérature orientale et dans le recueil de l'Académie de Berlin plusieurs mémoires qui contiennent en germe sa Grammaire comparée, il publia, de 1833 à 1849, ce vaste monument, où Eugène Burnouf disait' trouver la solution la plus complète du problème que soulève l'étude comparée des langues appartenant à la famille indo-européenne.

L'impulsion ainsi donnée par Bopp à la philologie comparative fut on ne peut plus féconde en résultats et, s'il est permis de dire que sa méthode ne resta sans utilité pour aucun des savants qui l'appliquèrent aussitôt à la science historique des langues modernes, on peut affirmer aussi que ce fut elle en grande partie qui dès lors permit les progrès incessants de l'érudition dans ses recherches sur les origines et le développement des deux idiomes de l'antiquité classique. En ce qui concerne le latin, après qu'on eut bien constaté les liens qui l'unissaient au grec, on désira savoir de quelle façon particulière s'étaient tranformés en lui ces éléments qui dans le principe ont établi la parenté de toutes les langues indo-européennes. Mais il fallait pour cela remonter jusqu'à la première période de son existence, et comment se procurer les documents nécessaires à l'étude d'une époque si reculée? Nulle part ne se trouve un spécimen de l'idiome des Romains, tel qu'il était au temps de la fondation de leur ville; à peine même pos

(1) Journal des Savunts, 1833, p. 413.

(2) La Grammaire comparée de Bopp a été traduite en anglais par Eastwich et en français (Paris, 4 vol. in-8) par M. Michel Bréal, qui l'a enrichie, en tête de chaque volume, de très précieuses introductions.

sédons-nous quelques lignes authentiques de ce qu'il fut durant la longue période qui embrasse les cinq premiers siècles de Rome. Or voici quelle était la question à résoudre: comment la langue latine, avant et durant ce temps, avait-elle acquis le vocabulaire et les formes grammaticales que nous montrent les plus anciennes de ses œuvres venues en notre possession ? Question difficile assurément, mais qui ne rebuta pas les philologues.

Persuadés que les langues, comme les peuples et les individus, ne vivent que d'emprunts et d'échanges, et que par conséquent c'est de divers côtés et en dehors d'elles-mêmes, qu'il faut souvent en chercher les origines, ils dirigèrent leur méthode de comparaison sur les idiomes de ceux des peuples de la péninsule, qui, en contact continu avec les Romains, avaient dû se prêter à ce travail latent d'emprunts réciproques1. Les dialectes de ces anciennes populations, à la vérité, ne se parlent plus depuis longtemps, et même aucun d'eux, sauf le grec de certaines colonies helléniques, ne nous a été conservé dans des livres. Mais

(1) Dünntzer, dans son Traité de la composition des mots en latin (Cologne, 1836), Döderlein, dans son Manuel d'étymologie latine (Leipzig, 1841), Kärcher, dans son Lexique étymologique de la langue latine (Stuttgart, 3e éd. 1843), Heffter, dans son Histoire de la langue latine (Brandebourg, 1852), n'ont pas fait ressortir le rôle des dialectes de la vieille Italie dans la formation du latin; mais il faut citer, parmi ceux qui, vers la mème époque, ont ouvert, par des travaux remarquables, une mine de riches comparaisons entre ces dialectes et la langue des Romains: Kampfe (Umbricorum specimen, Berlin, 1835), Henoch (De lingua latina, Altonæ, 1837), Grotefend (Rudimenta linguæ umbricæ, Hanovre, 1835-1839), Jeannelli (Veterum oscorum inscriptiones, etc., Naples, 1841), Lepsius (Inscriptiones umbricæ et oscæ quotquot adhuc aperta: sunt omnes, etc., Lipsiæ, 1841), Avellino (Iscrizioni samn., Naples, 1841), Aufrecht et Kirckhoff (Die Umbrischen Sprachdenkmæler, Berlin, 18491851), 2 vol. in-4, le premier renfermant la phonétique et la grammaire, le second l'interprétation), Th. Mommsen (Die Unteritalischen Dialekte, etc., Leipzig, 1849, in-8 de viij-368 p. avec 17 planches et 2 cartes); Ariodante Fabretti (Corpus inscriptionum italicarum antiquioris ævi et glossarium italicum, Turin, 1867, ouvrage qui contient le texte des inscriptions et qui, dans le Glossaire, renvoie avec exactitude, pour chaque forme, aux savants qui en ont traité).

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Il y avait dans l'ltalle moyenne et mel grande variété d'alphabets; mais beaucoup de se distinguaient les uns des autres que par de simples nuances marquant les efforts de l'ecriture pour rendre avec autant de précision que possible la parole de peuples qui, frères d'origine, avaient pris à la longue, et par suite de leur dispersion en pays différents, des prononciations particu lières. En les groupant d'après leur ressemblance on les

(1) Le nord de l'Italie en eut aussi plusieurs, mais les dialectes qu'ils exprimaient n'agirent point sur la première formation du latin. Les Gaulois, nous l'avons dit (Et. p. 8. d'Intr. a l'Hist. de la litt, rom., L. I, chapitre III,

1), même au temps de leur grande victoire de l'All a, ne laissèrent aucune empreinte sur les mœurs et le langage des Romains. Si Quintilien Inst. Orat., 1, 5) peut noter quelques mots gaulois introduits plus tard dans la langue, tels que rheda et petorritum, qu'on trouve l'un dans Cicéron et l'autre dans Horace, c'est qu'il n'est aucune nation qui n'en ait fourni à Rome quelques-uns: il les cite au même titre que le mot mappa emprunté par elle aux Carthaginois et le mot qurdus pris aux Espagnols. Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs qu'on ne puisse relever certains traits d'analogie entre le latin et le gaélique qu'on parle encore aujourd'hui au pays de Galles

ramène à six types bien distincts: le grec (éolo-dorien), l'étrusque, l'ombrien, le sabellique, l'osque et le latin '.

Par les monuments et les monnaies nous avons des spécimens d'un grand nombre d'idiomes qu'exprimaient ces divers alphabets. Mais tous n'ont pas pour nous une importance égale.

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Il n'y a pas lieu, par exemple, de nous attacher au rutule, au sicule, au brutien, dont on ne possède que quelques mots. Le volsque, dont les travaux particuliers de W. Corssen ont fait ressortir la grande affinité avec le latin, n'est pas beaucoup plus riche en textes capables de rien préciser. Le falisque3, que Strabon considérait comme une langue particulière, est le dialecte d'un peuple qui, placé au point de jonction des Étrusques et des Romains, a constamment subi leur double influence mais n'en a guère exercé sur eux. La langue sabellique, quoique très répandue, n'a presque rien laissé d'elle. Les quelques inscriptions archaïques que nous en avons montrent plus de rapports directs avec l'ombrien et l'osque qu'avec le latin; dans d'autres moins anciennes, il est vrai, on trouve une sorte de patois qui servit de transition pour les Sabins et les Marses entre leur idiome national et le latin, et plusieurs locutions de ce sabellique dénaturé passèrent à

et dans certaines parties de l'Irlande, de l'Ecosse et de la Basse-Bretagne. Mais l'extension de la langue latine a pu influer sur ce que nous connaissons aujourd'hui du gaëlique. Et d'ailleurs cette langue celtique avait une origine aryenne comme le grec et le latin. Il n'est donc pas étonnant qu'on y trouve des mots comme di, capat, car, lab, loc, qui répondent avec la mème signification aux mots latins dies (jour), caput (tète), carus (cher), labium (lèvre), locus (lieu). La ressemblance de ces mots ne prouve assurément pas un emprunt fait par le latin au celtique.

(1) Je ne reviens pas ici sur la question de l'origine de l'alphabet des Romains; j'en ai parlé dans mon Et. p. s. d'Introd. à l'Hist. de la litt. rom., Liv. I, ch. III, S 4. Voyez d'ailleurs dans le Dictionn. des Antiq. gr. et rom. de MM. Daremberg et Saglio (3 fasc. p. 209-218) la dissertation de M. F. Lenormant sur divers types d'alphabets italiotes.

(2) De Volscorum lingua, Naumbourg, 1858.

(3) Sur les monuments découverts à Civita Castellana, l'antique Falerii, voir Detlefsen dans Bull. dell' Instit. di corr. arch., 1861.

Rome; mais ces emprunts, que constatent Varron, Festus, Macrobe et d'autres, n'eurent lieu que vers le temps d'Auguste, semblables à tant d'idiotismes et de parlers provinciaux qui devaient bientôt, venant de toutes les contrées de l'empire, faire invasion dans le langage populaire1 des Romains.

Quant à la langue des Messapiens, qui occupaient la péninsule iapygienne, elle n'exerça certainement aucune action sur celle de Rome dans les premiers temps; car les Romains n'entrèrent en relations avec les habitants de cette partie de l'Italie qu'au Ie siècle avant notre ère. A cette époque, sous l'influence des Tarentins et de leurs colonies, les lapygiens étaient familiarisés avec le grec, auquel ils avaient emprunté leur alphabet, comme le prouvent leurs inscriptions les plus anciennes dont les lettres rappellent souvent les formes particulières aux caractères archaïques de la Grèce 3.

Est-ce à dire que le messapien n'ait eu aucune analogie avec le latin? Le peu que nous en connaissons fournit l'indice du contraire. Dans les inscriptions funéraires, en effet, dont la traduction présente le plus de certitude, lorsqu'on examine les terminaisons des noms des morts, on

(1) Il est certain qu'il y eut à Rome un langage populaire différent, à beaucoup d'égards, de celui des lettrés, qu'on enseignait dans les écoles. Cette distinction entre les deux parlers, reconnue dès le xve siècle par Le Pogge, s'est appuyée sur un grand nombre d'observations précises depuis que l'étude comparative des langues romanes, inaugurée en France par Raynouard, a démontré que bien des mots néo-latins provenaient de mots latins qui n'appartiennent pas à la langue classique. Voir, sur ce sujet, les premières pages de la dissertation que, dans ses Mélanges arch. et litt. (1850, in-8), Edél. du Méril a intituléc Des Origines de la Basse Latinité.

(2) Cf. Not. Iapygo-Messapiche, par G. de Simone (Torino, 1877, in-4). (3) On n'y rencontre cependant ni le E, ni les aspirées et ', dont l'articulation grecque était sans doute étrangère aux Messapiens, ni les voyelles longues H et que les Grecs d'ailleurs n'eurent qu'assez tard. Les Messapiens avaient bien un caractère H, mais qui n'était pas une voyelle; ils s'en servaient comme d'un signe d'aspiration se prononçant avec le son s..

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