Immagini della pagina
PDF
ePub

série de réflexions satiriques, non seulement sur le caractère des femmes riches, mais sur leur luxe et l'abus de leurs parures, on voit la description de ces bijoux, de ces robes brodées, de ces voitures dont l'insolent étalage avait causé la loi d'Oppius et excitait alors la virulente mais impuissante éloquence du vieux Caton contre l'abrogation de cette loi.

Du reste ne voyons-nous pas comment Molière à son tour a pu imiter la pièce de Plaute dans toutes ses parties essentielles tout en restant on ne peut plus original? Le parallèle des deux ouvrages a été fait si souvent qu'il serait superflu de le refaire aujourd'hui; quelques critiques, comme La Harpe', ont témoigné pour Plaute un dédain excessif, et d'autres, comme Schlegel, un enthousiasme systématique. La vérité est que Molière a tiré de son devancier romain toutes les situations que pouvait admettre le théâtre francais, mais qu'il a modifié l'intrigue de la pièce latine conformément au rôle moderne de la femme et aux bienséances de la société de son temps; qu'il a, en puisant largement dans l'Aulularia 3, reconnu par ces emprunts mêmes la beauté et la puissance de l'œuvre ancienne; mais que son imagination et son goût lui ont fait trouver des additions et des changements très heureux, notamment dans le dénouement en y maintenant jusqu'au bout le caractère de son Harpagon, dont le dernier mot est pour << sa chère cassette >>.

(1) Cours de Littér., Ire partie; liv. I, ch. VI, section 2.

(2) Cours de Littér. dramat., Xlle leçon. Cf. Marmontel, Élém. de Littér., article moeurs; Cailhava, Art de la Comédie; Lemercier, Cours analytique, tom. II, p. 253; Duval, Théâtre des Latins, éd. de Levée, tom. II, p. 361; Bromig, Vergleichung der A. des Pl. und des Avare von Molière, Burgsteinfurt, 1854, in-4; G. Claus, De Aul. Pl. fabula iisque scriptoribus qui eam imitati sunt, Stettin, 1864, 74 p.

(3) Comparez surtout :

L'Aulularia, acte 11, sc. 8 et 9 et L'Acare, acte V, sc. 2;

[merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

V

La pièce CAPTIVI, les Captifs, imitée à la fois de deux pièces d'Anaxandride et d'Antiphane, est la plus morale des comédies de Plaute, peut-être aussi de tout le théâtre comique des anciens. Comme l'indique le prologue, « elle n'est pas faite sur le patron des autres; elle ne renferme point de ces vers licencieux qu'on n'ose pas se répéter; elle ne représente ni marchand de filles imposteur, ni courtisane perfide, ni soldat fanfaron ».

Non pertractate facta 'st, neque item ut ceteræ,
Neque spurcidici insunt versus inmemorabiles;
Hic neque perjurus leno 'st, nec meretrix mala,
Neque miles gloriosus.

v. 55-58.

Il ne s'y trouve mème aucun rôle de femme, aucune intrigue d'amour. Le sujet est surtout pathétique.

Hégion, riche vieillard d'Étolie, avait deux fils : l'un, Pegnium, lui a été ravi tout enfant, il y a vingt ans, par Stalagmus, un esclave fugitif, qui l'a vendu en Élide; l'autre, Philopolème, a été fait prisonnier récemment par les Éléens. Le malheureux père ne songe plus qu'à racheter la liberté de ce dernier et se met à faire le trafic des esclaves, espérant en trouver un de grande valeur qu'il puisse échanger contre son fils. La fortune semble le favoriser; il a acheté deux prisonniers: Philocrate, dont la famille est très riche et son esclave Tyndare. Il charge aussitôt Tyndare d'aller négocier l'échange de Philocrate et garde celui-ci avec soin. Tyndare part donc pour Elis. Mais quelle affreuse surprise! Hégion découvre, après ce départ, que

(1) La date de la première représentation n'est pas connue.

les deux prisonniers l'ont trompé en changeant de noms : ce n'est pas le vrai Tyndare qui s'en est allé, c'est Philocrate lui-même. Le doute ne lui est pas permis; car Aristophante, un autre prisonnier acheté par lui, ayant appris que Philocrate, son camarade d'enfance, est son compagnon d'infortune, a obtenu la permission de le voir et, sans mauvaise intention, vient de dévoiler la rusè des deux complices. Furieux, Hégion charge de chaînes, envoie aux carrières le serviteur dévoué qui s'est sacrifié pour son maître et qui, même en ce moment critique où il est menacé des plus terribles traitements, ne regrette pas d'avoir accompli son acte de dévouement'. « Qui périt pour la vertu, dit-il, ne meurt pas >>.

Qui per virtutem perit, at non is interit.

Act. III, sc. 5.

Cependant Philocrate sera fidèle à la parole donnée; il revient, et non seulement il est accompagné par Philopolème, qu'il rend à Hégion en échange de sa propre liberté, mais il amène aussi le perfide Stalagmus qu'il lui livre tout enchaîné. Après les premiers moments d'épanchement, le vieillard interroge Stalagmus et apprend alors que le fils qui lui a été ravi, autrefois, n'est autre que Tyndare, qui, vendu à Élis au père de Philocrate, a été élevé avec celuici et depuis ce temps est toujours resté à son service. Hégion retrouve ainsi ses deux fils en même temps.

Telle est la donnée de la pièce dans toute sa simplicité, et Plaute ne manque pas, dans les paroles finales qu'il fait adresser aux spectateurs par l'orateur de la troupe, d'appuyer de nouveau sur la pureté morale qui en fait le mérite

(1) L'Appendice IX donne une partie de cette scène.

(2) A la fin de la représentation, le chef de la troupe ou l'acteur chargé de prendre la parole en son nom venait demander des applaudissements an public. Il est désigné dans les comédies latines sous le nom de Cantor et quelquefois sous ceux de Caterva et Grex; dans ces deux derniers cas, peut-être s'avançait-il avec toute la troupe pour un salut final qui n'aurait pas été sans rapports avec le tableau qui termine souvent nos spectacles.

et le charme : « Spectateurs, dit-il, c'est sur le modèle des bonnes mœurs qu'on a fait cette pièce. Les poètes ne trouvent pas souvent des comédies semblables, où les bons apprennent à devenir meilleurs encore... Et vous qui aimez à voir la vertu récompensée, applaudissez ».

Spectatores, ad pudicos mores facta hæc fabula 'st....
Hujusmodi paucas poetæ reperiunt comœdias,
Ubi boni meliores fiant...

Qui pudicitiæ esse voltis præmium, plausum date!

Il connaissait trop son public cependant pour n'avoir pas pris garde de lui présenter une comédie trop sérieuse. Aussi y avait-il introduit un rôle bouffon, qui n'était d'aucune utilité pour le dénouement, mais qui, en se liant étroitement à toutes les parties de la pièce, devait, quoique épisodique, l'égayer presque tout le temps: c'est le rôle du parasite Ergasile.

Ce personnage, dès le début, paraît auprès d'Hégion, s'associant, à la façon d'un courtisan famélique, à la douleur paternelle du vieillard et pleurant dans la captivité de Philopolème la perte des bons repas qu'il avait auprès de lui. Hégion, à l'occasion de son jour natal et malgré son chagrin, veut bien l'inviter à dîner, mais en le prévenant qu'il fera maigre chère: aussi se met-il à la recherche d'une autre invitation; et rien de plus plaisamment triste que ses jérémiades alors qu'il a cherché longtemps sans rien trouver'. Mais aussi quelle joie, quand, le premier, il apprend sur le port le retour de Philocrate, accompagné de Philopolème et de Stalagmus!

Non ego nunc parasitus sum, sed regum rex regalior:
Tantus ventri conmeatus meo adest in portu cibus.
Act. IV, sc. 2.

Je ne suis plus parasite; je suis roi, le roi des rois, tant est grand le convoi de vivres qui se présente aujourd'hui dans le port pour ma bouche.

(1) Voir ce monologue à l'Appendice, X.

Avec quel empressement il va porter la bonne nouvelle à Hégion! Et, dès que celui-ci, pour l'en récompenser, lui a promis toute une vie de festins et l'a chargé de présider lui-même aux préparatifs culinaires, quel chant de triomphe!

Illic hinc abiit, mihi rem summam credidit cibariam.
Di immortales, jam ut ego collos prætruncabo tegoribus!
Quanta pernis pestis veniet, quanta labes larido,
Quanta sumini absumedo, quanta callo calamitas,
Quanta laniis lassitudo, quanta porcinariis !

Nam alia si memorem, quæ ad ventris victum conducunt, mora 'st.
Act. IV, sc. 3.

Le voilà parti, et il m'a confié l'administration générale des vivres ! Dieux immortels! Que de têtes je vais faire sauter! Quel carnage de jambons! Quel massacre pour le lard! Quelle débâcle pour les tetines! Quel désastre pour les filets de sanglier! Quel labeur pour les bouchers, pour les charcutiers! Je ne veux pas énumérer tout le reste des victuailles, qui sont du ressort de ma bouche, ce serait trop long.

Les cuisiniers, en le voyant agir dans leur cuisine, sont épouvantés ils croient voir un loup affamé, tant il grince des dents, tant il bouleverse et saccage tout. Un d'eux court en donner avis à Hégion; car, du train dont il y va, il ne reste ou ne restera bientôt plus rien :

Nam hercle hic quidem ut uti adornat, aut jam nihil est, aut jam nihil erit.

Act. IV, sc. 4.

Plusieurs commentateurs ont reproché à Plaute l'introduction de ce personnage qu'ils trouvent superflu; mais, à ce compte, il faudrait adresser une critique de même sorte à divers genres de compositions scéniques de notre théâtre moderne, où, au milieu de sujets pathétiques, une note gaie ne manque pas d'être donnée par quelque acteur chargé d'un rôle tout à fait secondaire. Remarquons plutôt avec quelle habileté une action dramatique, que la tendance naturelle des faits entraînait uniquement vers le ton hé

« IndietroContinua »