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se transforme, que de nouveaux éléments y pénètrent et que — fait capital ses membres ne se bornent plus à remplir une obligation stricte, ils se mettent réellement à la solde d'un prince qui, par là même, les tient un peu plus dans sa main.

Ils sont, à la vérité, un peu indisciplinés (1); ils sont naturellement pillards et débauchés (2; à leurs pareils, on a donné en France le nom significatif d'Ecorcheurs (3): ils semblent, même dans leur pays d'origine, prêts à justifier leur détestable réputation (4). Mais ils sont de cette race qui a donné à la France en un demi-siècle trois connétables(5), qui lui donne des maréchaux (6), des soldats de tout genre (7) dont la valeur est appréciée et dans les armées qui luttent alors en France(8), et dans les compagnies d'ordonnance() que le roi organisa trois ans après la mort de Jean V.

(1) Mand. de Jean V, no 1366, loc. cit., t. V, p. 257. Cf. Cosneau, op. cit., p. 118, etc.

(2) « Au milieu du pillage et du massacre, les soldats assouvissaient encore leurs fureurs bestiales... Richemont... fut aussi impuissant que les autres chefs à contenir la frénésie de ses Bretons. » COSNEAU, op. cit., p. 34.

(3) « Tels les devoit-on appeler et tenir partout où ils passoient, car après eux ne demouroit rien ne qu'après feu. » CoSNEAU, op. cit., p. 288.

(4) Les habitants de diverses paroisses exposent au duc « les grandes charges, exceix, et domages qu'ilz ont eu et soufert à l'occasion de la grande multitude et assemblée de noz gens d'armes et de troyt, qui de toutes les pars de nostre païs et par nostre ordonnance... se sont assemblez... et par le temps de quinze jours ont logié à leurs maisons... prins despencé et dégnaté leurs blez, foins, pailles et aultres denrées et estorements, telment qu'il ne leur est demouré comme nulz vivres ne provisions. » Mand. de Jean V, no 2389, loc. cit., t. VII, p. 228; cf. no 2194, loc. cit., t. VII, p. 114; no 2281, loc. cit., t. VII, p. 167.

(5) Du Guesclin est nommé connétable en 1370, Clisson en 1380, Richemont en 1425.

(6) Par exemple Pierre de Rieux. Cf. aussi l'Amiral de France P. de Coëtivy. D. MOR. Pr., II, col. 1359-1360.

(7) Cf. D. Moe. Pr., II, col. 1088-1090, col. 1120-1125, col. 1164-1165, etc. (Montres de gendarmes et comptes des trésoriers des guerres du Roi).

(8) Cf. COSNEAU, op. cit. « Il y avait dans l'armée bourguignonne un grand nombre de Bretons amenés par le comte de Penthièvre; » p. 17. « Cependant les Bretons de Richemont n'arrivaient pas... Celui-ci peut enfin partir avec un grand nombre de jeunes seigneurs, de chevaliers et d'écuyers... Il amenait au moins 6.000 chevaux, » p. 17-18. « Il lui fut alloué 900 livres afin qu'il put payer ses gens d'armes et les renvoyer en Bretagne, » p. 36, etc., etc. (9) Cf. DUPUY. Histoire de la Réunion de la Bretagne, p. 449, et D. MOR. Pr., II, 1559-1560, Montre de Guillaume de Rosnivinen.

Aussi, sans former avec eux des compagnies d'ordonnance régulières, comme le fera en France Charles VII, sous l'impulsion de Richemont, Jean V tend déjà à régulariser leurs services dans son pays. Il a sous la main des capitaines qui recrutent pour son compte des gens d'armes (1); il fixe le nombre de ceux-ci, puisqu'il fournit aux capitaines les arrhes que devra recevoir chaque recrue (2); il astreint les chefs à se présenter avec leurs hommes au premier appel (3); leur interdit et sans doute aussi leur assigne certaines résidences (4); les fait passer en revue par des commissaires désignés à cet effet(); en un mot il possède, semble-t-il, déjà un peu formées, quelquesunes de ces compagnies qui ne nous apparaissent toutefois assez nettement constituées que huit ans après sa mort, sous le règne de Pierre II (6).

Il a aussi une artillerie (7), et nous le voyons s'en servir pour la défense de ses villes et de ses châteaux (8) ou pour l'attaque des places fortes ennemies (9). Parmi ceux qui en sont chargés, les uns paraissent n'exercer qu'une charge temporaire (10), d'autres au contraire remplissent des fonctions permanentes et bien déterminées de « canonier » de « garde de l'artillerie >>

(1) Mand. Jean V, no 1359, loc. cit., t. V, p. 255.

(2) « Eut ordonné pour chaque homme d'armes, pour l'ennerer, IV 1. » Mand. de Jean V, no 1359, loc. cit., t. V, p. 255.

(3) « Pour venir servir le duc toutefois qu'il leur fera assavoir. » lbid. (4) Mand. de Jean V, no 1542, loc. cit., t. V, p. 97.

(5) lbid., no 1366, loc. cit., t. V, p. 257; no 1373, loc. cit., t. V, p. 259; no 1733, loc. cit., t. VI, p. 202.

(6) D. MOR. Pr., II, 1555-1557. Ordonnance du duc Pierre pour faire armer la Noblesse et les archers des Paroisses. Il est d'ailleurs probable que si les registres de chancellerie antérieurs à celui de 1666-1667, qui indique bien cette organisation, n'avaient pas été détruits ou perdus, ils auraient fourni de semblables documents. Cf. COSNEAU, op. cit., p. 375-376, note 6.

(7) D. MOR. Pr., II, col. 1234 « quatre petits canons de cuivre et un grand de fer, vingt-quatre pierres de canon pour le dit canon de fer, etc.... et autres canons. Mand. de Jean V, n° 2389, loc. cit., t. VII, p. 228.

(8) Mand. de Jean V, n° 197, loc. cit., t. IV, p. 75; ibid., no 200, loc. cit., t. IV, p. 76.

(9) Mand. de Jean V, no 2276, loc. cit., t. VII, p. 164; no 2290, loc. cit., t. VII, p. 173; n° 2389, loc. cit., t. VII, p. 235.

(10) Cf. Note précédente.

de « grand maître de l'artillerie (1); » les renseignements que nous possédons sur ce sujet sont malheureusement trop peu nombreux.

II

Pour fortifier encore son armée, Jean V essaya d'une importante innovation que la France ne devait tenter que vingttrois ans plus tard la création des compagnies de francs archers et de francs voûgiers.

A côté de la cavalerie qu'il commençait à constituer, il fallait en effet à Jean V une infanterie. Il l'établit par son mandement du 20 mars 1425(2). Chaque paroisse dut fournir des hommes. en nombre proportionné à sa population, les habiller, les équiper, garder et entretenir leurs effets et leurs armes.

Les hommes désignés par leurs co-paroissiens sont divisés en deux catégories : les archers, qui combattent surtout d'un peu loin, les voûgiers qui combattent surtout de près. Les archers ont en tête, une « cappeline» (3); ils revêtent de «< fors jacques(4) garniz de laisches-chesnes ou mailles pour couvrir les bras »; leurs armes sont, en première ligne, un arc avec sa trousse, ensuite une «coustille »(5) et une « hache » ou un <«<maill de plou. » Les voûgiers se couvrent aussi de la «< cappeline» et endossant le « jacque »; ils portent pour se protéger encore de longs « paviers »(6) en bois solide; ils sont armés de la «< voûge »(7) et de la «<coustille. »

(1) Mand. de Jean V, no 1437, loc. cit., t. VI, p. 29; no 197, loc. cit., t. IV; n° 2165, loc. cit., t. VII, p. 96.

(2) Mand. de Jean V, no 1622, loc. cit., t. VI, p. 150.

(3) Sorte de casque ou de pot de fer.

(4) Casaque en cuir fortement entoilé, avec une petite jupe. (Cf. la brigandine) Cf. SPONT. Rev. des quest. Hist., 1897, t. I, p. 448-449.

(5) Sorte de long couteau.

(6) Pavois ou bouclier.

(7) Arme en forme de lance. analogue au gordendag des milices flamandes et à la guisarme. Cf. SPONT, ibid.

Les uns et les autres doivent se tenir prêts et répondre à l'appel du Duc et partir immédiatement «< es lieux que par la bannie... leur sera fait savoir. » Ils trouvent leurs armes et leur équipement tout prêts, dans ces petits magasins où les gardent soigneusement les paroisses qui les ont fait fabriquer. Pour éviter tout manquement à l'appel, on a leurs noms inscrits << en beaux rolles, à la disposition du Maréchal de Bretagne. Ils ont dû, d'ailleurs, s'exercer à leur métier de soldat par ces jeux d'arc et d'arbalète auxquels, exclusivement, il leur est permis de se livrer.

Le service qu'on exige de ces hommes a aussi ses compensations ils sont déclarés francs et exempts de guets et de tailles, d'où leurs noms de francs-archers, et francs-voûgiers.

L'analogie de cette organisation avec celle que Charles VII adoptera en 1448 est frappante (1). Bien plus, le nom de Richemont qui figure au bas de l'ordonnance de Jean V paraît bien prouver que c'est à la Bretagne que la France emprunta l'idée de ses francs-archers (2).

Cet embryon d'armée nationale bretonne remplit sans doute mieux les intentions du duc que le corps des francs-archers français ne remplit celle du Roi du moins la destinée de l'un et de l'autre fut inégalement heureuse. En France, les francsarchers, qui avaient fait assez mauvaise figure aux journées de Montlhéry et de Guinegate, cessèrent d'être convoqués par Louis XI(3). Au contraire, les ducs de Bretagne, successeurs de Jean V, à plusieurs reprises, notamment en 1451(4), en

(1) Certaines parties de l'équipement et de l'armement sont identiques : le jacque, la voûge, l'arc. Les privilèges sont aussi les mêmes.

(2) On peut signaler dans l'organisation française quelques détails qui paraissent ne pas se trouver en Bretagne, mais ils sont sans grande importance. C'est ainsi que l'entretien des armes des archers et des voûgiers, confié en Bretagne à la paroisse, fut convertie en France en un abonnement fixe, en 1475. Cf. SPONT, ibid., p. 453. En France, au sud de la Loire principalement, on trouve des francsarbalétriers qui ne semblent pas connus en Bretagne.

(3) Après ces essais infructueux, il revient à l'emploi des mercenaires. (4) D. MOR. Pr., II, col., 1555. Ordonnance du duc Pierre pour faire armer la Noblesse et les archers des Paroisses. «Que les archers des Paroisses se mettent sus en habillemens à la fois qu'ils seront mandés. >>

1466(1), en 1471(2) confirmèrent les prescriptions de leur prédécesseur sur les francs-archers (3).

III

Mais ce n'est pas seulement sur les champs de bataille que se décide l'issue de la guerre; il faut prévoir encore les sièges, les assauts, les surprises, à une époque où les manoirs seigneuriaux sont souvent de petites forteresses(4), où les petites villes elles-mêmes ont leurs tours et leurs murailles (5). Jean V s'en préoccupe dans ses domaines et par le duché tout entier.

Il répare ou reconstruit certains de ses châteaux domaniaux (6) et anoblit les architectes qu'il y emploie, quand il est satisfait de leurs travaux (7). S'il défend aux seigneurs de réparer leurs donjons sans son autorisation, il l'accorde volontiers lorsqu'il juge ces travaux utiles à la défense du pays(8); estime-t-il au contraire que certains de ces châteaux ne peuvent que nuire, il ordonne de les raser(9).

Il veille également à ce que les villes se mettent en état de

(1) D. MOR. Pr., III, ordonnance du duc pour faire armer les nobles et les autres sujets à venir aux armes, col. 138-142.

(2) Id., Pr., III, ordonnance de François II pour les montres générales, col. 226.

(3) Par une ordonnance du 22 mai 1480, François II réglait la levée des « esleuz et des bons corps » destinés à renforcer les francs-archers institués par Jean V.

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(4) Mand. de Jean V, no 2465, loc. cit., t. VII, p. 170. Autorisation à la dame d'Yssé d'avoir, en la paroisse d'Yssé, « hôtel clouant à pont-levis et fort. D Ibid., no 1245 bis, loc. cit., t. V, p. 217. Autorisation à P. de la Marzelière de <clorre et fortifier de fossez et douves son hostel du Fretay. >>

(5) Hédé, par exemple, ou Jugon, etc.

(6) Succinio notamment (Mand. de Jean V, no 2276, loc. cit., t. VII, p. 164) Plaisance (Mand. de Jean V, no 2290, loc. cit., t. VII, p. 173.

(7) Mand. de Jean V, no 2276, loc. cit., t. VII, p. 164; no 2290, loc. cit., t. VII, p. 173.

(8) Mand. de Jean V, no 1364, loc. cit., t.V, p. 256; no 1245, loc. cit., t. V, p. 217; no 1401, loc. cit., t. VI, p. 5; n° 2458, loc. cit., t. VII, p. 265; n° 2465, loc. cit., t. VII, p. 170.

(9) D. LOB. Hist., p. 594. Cf. La Noblesse et Jean V.

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