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contradicteur; il prétend, non sans raison, que l'Essai analytique a contribué à éveiller l'attention des contemporains sur les erreurs de Quesnay et de son école. Mais on ne saurait affirmer que Turgot ait subi son influence.

Si l'exposé historique de l'œuvre et de la doctrine de Graslin est digne d'éloges, les appréciations critiques de M. D. me semblent beaucoup moins sûres, et elles manquent trop souvent de netteté. Il veut prouver que Graslin est un précurseur de l'économie classique; mais, par son attachement aux idées mercantilistes, par ses conceptions sociales, l'auteur de l'Essai analytique ne se distingue-t-il pas très fortement des économistes libéraux du siècle suivant?

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Certainement, M. D. a raison de déclarer que Graslin n'est pas socialiste, s'il veut dire par là que cet écrivain ne combat pas directement le principe de la propriété individuelle. Mais on ne peut nier que certaines tendances socialistes n'apparaissent chez l'adversaire des physiocrates, et il eût fallu les indiquer n'affirme-t-il pas que la propriété n'est respectable que lorsqu'elle est légitimée par l'effort, et que les propriétaires oisifs » sont une charge pour leur pays? Ne donne-t-il pas de l'impôt progressif la théorie la plus forte et la plus complète qu'ait connue le XVIIIe siècle? Ne dit-il pas encore que les classes laborieuses «< constituent vraiment la richesse d'un pays, >> et ne reproche-t-il pas aux Economistes de n'avoir jamais songé qu'aux intérêts des propriétaires? On trouve même dans sa Correspondance une description assez nette de ce que les socialistes appelleront plus tard les revenus sans travail, et il conçoit déjà l'idée que, dans une société, où « beaucoup d'hommes ont sur la masse des fruits du travail des droits qui ne sont plus leur mise personnelle à cette masse, » les progrès du machinisme, avantageux pour la classe des propriétaires, accroîtront les souffrances des travailleurs.

On pourra encore reprocher à M. D. de n'avoir qu'une connaissance très superficielle des faits et des idées du XVIIIe siècle. Dans sa Préface, il a voulu exposer la doctrine physiocratique, et il a eu raison de le faire, mais il ne semble la connaître que de seconde main, et sa description est beaucoup trop vague, parfois même erronée. Des références inexactes ou trop peu précises, des longueurs et des contradictions dénoncent aussi une rédaction trop hâtive. Mais, en dépit de ces critiques, l'étude de M. D. témoigne de sérieuses

recherches, et elle sera consultée avec profit par toutes les personnes qui s'intéressent à l'histoire des doctrines économiques du XVIIIe siècle.

Henri SEE.

Répertoire méthodique de l'histoire moderne et contemporaine de la France pour l'année 1899, rédigé sous la direction de GASTON BRIÈRE et PIERRE CARON, et publié par la Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, 1901, 1 vol., in-8o, de vi-229 pages.

Nous avons signalé, l'an dernier, le premier volume de cette importante publication, entreprise par la jeune et vaillante Revue d'histoire moderne et contemporaine, et nous avons indiqué la très grande utilité de cette œuvre. MM. Brière et Caron nous donnent aujourd'hui un second volume, le Répertoire de l'année 1899, qui marque encore un très notable progrès sur le précédent : la disposition typographique a été modifiée et améliorée, et les dépouillements ont été plus considérables: le nombre des titres indiqués, qui ne dépassait guère 2.000, s'élève, cette année, à 3.638. C'est dire qu'on trouvera, dans ce répertoire, le relevé de tout ce qui a paru d'important, en fait de livres et d'articles, dans le courant de 1899, sur l'histoire moderne et contemporaine de la France. Les auteurs savent que des omissions pourront encore leur être reprochées; mais pour les rendre de moins en moins nombreuses, ils comptent sur la collaboration des travailleurs de province, et ils espèrent que le nombre de leurs correspondants ne cessera de s'accroître. Rappelons le plan de classement que MM. Brière et Carron ont adopté : histoire par époques, histoire militaire, histoire religieuse, histoire économique et sociale, histoire de l'art, histoire locale (classée par ordre alphabétique des noms de lieu), histoire généalogique. Dans la Bibliographie de l'histoire économique et sociale, une place est faite à l'histoire des doctrines et un paragraphe spécial est consacré à l'histoire de la colonisation. A la fin du volume, trois tables (de noms d'auteurs, de noms de personnes, de noms de lieux) contribuent encore à faciliter les recherches.

H. S.

Biographie d'un prêtre de Corseul pendant la Révolution: M. PIERRELOUIS LE SAGE (Pleslin 1761-Corseul 1819) par M. l'abbé Pierre-Jean Rozé, missionnaire apostolique, chanoine de PortLouis. Saint-Brieuc Prud'homme 1898, in-8° de 60 pp. (1).

L'ombre de Crassus (Emilius), lieutenant du grand César a dû tressaillir d'aise à la publication de cet opuscule, s'il faut en croire

son auteur:

Au milieu d'une existence agitée, écrit-il dans une préface intitulée : la conception de cet ouvrage, tourmenté par la fièvre malgache, un désir irrésistible, mû par un sentiment de foi, me poussait vers les lieux saints. Un jour, je résolus de quitter la France, et de me rendre en Palestine... En dehors des bagages nécessaires, je pris comme vade mecum, l'Histoire de Flavius Joseph La guerre des Juifs contre les Romains.

Arrivé dans la plaine, campé sous les murs de l'ancienne Jéricho, j'ouvre mon livre et j'y lis un nom. C'était celui d'Emilius Crassus... Ce nom fut pour moi une révélation. Au collège, en traduisant les Commentaires de César, j'avais appris que Crassus, lieutenant de César, s'était rendu maître des Curiosolites, 44 ans avant l'ère chrétienne.

Après un an de séjour en Judée, en Palestine, en Samarie, au Liban, en Asie, j'arrivai en Europe, en passant par Constantinople, Athènes, Rome et Paris. De là je me rendis en Bretagne, dans mon pays natal, puis près de Moncontour, chez un ami d'enfance. A peine installé dans une modeste chambre, je trouvai sur une table un volume de l'Associa

(1) Le nom de M. Rozé, croyons-nous, ne figure pas sur les calendriers ecclésiastiques du département des Côtes-du-Nord. Dans une brochure intitulée Association amicale des anciens élèves de l'école libre des Cordeliers de Dinan, 5o assemblée générale 26 juillet 1896 (Dinan, Bazouge, in-8°) il est qualifié « missionnaire apostolique, demeurant à Dinard, villa des Ormeaux ». Sur les listes de tirage au sort de l'année 1847, nous avons relevé : N° 92 ROZÉ, Pierre, Jean, étudiant ecclésiastique, né le avril 1827 à Corseul, demeurant à Dinan, fils de Pierre et de Louise BUCHON.

Avant d'entreprendre la biographie de M. Le Sage, M. l'abbé Rozé avait déjà publié La Vie de saint Lunaire, évêque et confesseur (Saint-Malo, Richard et Lagadec, 1893, 1 vol. in-18 de 146 pp). Sur le titre de cet ouvrage, son nom est suivi de la mention « membre de la Société de géographie de Paris, » et, à la page 10, il cite Un joli coin du monde c'est Dinard, où, dit-il, il a décrit une partie du territoire où aborda le saint.

tion bretonne. Il traitait des Curiosolites. Le nom d'Emilius Crassus revint sous mes yeux. C'était fini, ma conviction était faite. Ce lieutenant de César était bien le vainqueur des Curiosolites, 44 ans avant Jésus-Christ. Je résolus d'écrire l'histoire de mon pays; la tâche me parut belle, mais aussi difficile. Pour mener à bonne fin une telle entreprise, trois choses sont nécessaires : le temps, les moyens, le talent. Le premier, je l'ai si Dieu me prête vie, le second (sic), la Providence y a pourvu, le troisième me fait défaut. A la grâce de Dieu, j'écris de Corseul...

Il vaut mieux dire de suite que l'histoire du pays de M. l'abbé Rozé tiendra dans peu de pages et qu'il va se borner à écrire la biographie d'un simple vicaire de Corseul, dont il raconte ainsi l'origine :

Vers la fin du XVIIe siècle, celui de Voltaire (1), vivait à Pleslin une famille vraiment remarquable. Cette famille, comme le chœur des anges, se composait de neuf membres, le père, la mère et sept enfants. Jean Le Sage était le nom du père, celui de la mère était caractéristique, choisi pour donner naissance à notre héros, c'était Marie Corseul. Comme les sacrements, les enfants étaient au nombre de sept; quatre garçons, trois filles. Numero Deus impare gaudet. Dieu aime les nombres impairs.

<< Notre héros >> Pierre-Louis grandit, en devenant un modèle de ferveur et d'édification. Pendant toute la journée il priait ou chantait des cantiques, tout en gardant son troupeau, et sa seule distraction était de tailler des petites croix en bois de houx qu'il plantait le long des chemins.

Appelé à faire sa première communion, dit M. l'abbé Rozé, et choisi pour renouveler les vœux du baptême, il le fit avec tant de foi, de piété et d'onction que chacun se demandait en sortant quel était cet enfant qui tenait plus du ciel que de la terre... Le soir, en famille, Pierre-Louis demanda à ses parents à entrer au collège, ajoutant que, dans ses vœux de première communion, il avait fait celui d'être prêtre (p. 11).

Ici trouve place un récit fait à M. Rozé par une centenaire qui << avec un charme extraordinaire, une simplicité merveilleuse » lui a

(1) Il faut lire « XVIIIe siècle » (p. 7).

raconté que l'enfant revenant de l'église après cette cérémonie « était arrivé au petit ruisseau d'Adria qui entre dans le jardin du presbytère de Pleslin quand une tourterelle s'envola d'une broussée de saules et passa sur la tête du communiant en rasant son chapet, puis, voltigeant deçà delà des deux côtés du chemin, toujours se reposant sur la tête de Pierre-Louis, le suivit jusque dans l'aire de la Champleois. >>

Ajoutons que M. Rozé, qui s'occupe d'étymologies, a découvert que «<le ruisseau d'Adria n'est que le diminutif de la mer Adriatique sur les bords de laquelle la Santa-Casa où eut lieu la conception de l'enfant Jésus à Nazareth, fut transportée par les Anges. »

Continuons:

Au collège, comme dans sa famille, sur les bancs du catéchisme, le jeune Pierre-Louis se fit remarquer par une foi ardente, un travail opiniâtre...

Une foi ardente, caractère très enjoué, aimant et aimé de tout le monde, telle fut la caractéristique du pasteur de Pleslin au séminaire et durant toute sa vie. M. P.-L. Le Sage arriva à Corseul vers la miseptembre 1787, un an, quatre mois dix jours avant la Révolution. C'était le moment critique. La renommée du jeune prêtre, du pâtre, l'avait devancé à Corseul. On ne parlait que de la simplicité de ce fils de laboureur, de la science de ce jeune prêtre, de sa virilité, de son caractère, de sa fermeté dans la foi, de ses vertus; c'était l'envoyé du Seigneur. Avec quelle joie, quel bonheur, quel enthousiasme fut-il reçu. A peine arrivé M. Le Sage se met à l'œuvre...

Nous sommes arrivés au début de la vie d'apôtre de M. Le Sage pour lequel son biographe ne trouve pas assez d'éloges :

Dans cette biographie, avait-il écrit pourtant au début de sa brochure, nous n'entreprenons point d'écrire la vie d'un saint; P.-L. Le Sage n'est point canonisé, son nom ne sera jamais au catalogue des bienheureux, nous essayons tout simplement d'esquisser à grands traits la vie, la foi, les vertus d'un enfant du peuple, d'un paysan, qui arrive au sacerdoce, devient un héros, un apôtre pendant la Révolution de 1793.

Ne fut-il pas à Corseul, Pleslin et les paroisses adjacentes, le rempart de la foi, de l'ordre, de la liberté religieuse et civile? Et sa vie nous démontre qu'il fut et qu'il demeura le prototype de la fidélité, de la

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