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du reste, ils pouvaient laisser le soin de la défendre à leurs recteurs, qui, dans les jours mêmes où les paysans se réunissaient dans les paroisses, tenaient au chef-lieu de leur diocèse une assemblée générale du bas clergé (1).

Pourtant, çà et là, dans les cahiers, apparaît l'attachement des paysans à la religion catholique. On ne voit jamais demander une seule réforme qui portât sur le dogme. Les vœux se rapportent seulement à l'organisation de l'Eglise, à la discipline ecclésiastique (2).

Et quelques assemblées ont donné à leurs députés le mandat de veiller à ce que l'on ne touchât pas à la religion. Les paroissiens de Soulvache adhèrent aux cahiers des autres paroisses, mais ils ajoutent : « Parce que néanmoins on ne pourra toucher directement ni indirectement à notre religion catholique (3). >>

Le cahier de Livré demande même la suppression de la tolérance religieuse.

D'autres vœux montrent le respect des paysans pour tout ce qui se rapporte à la religion.

Quelques assemblées se préoccupent d'assurer aux recteurs «<le respect qui leur est dû(1). » Ailleurs, on rappelle une Ordonnance de Louis XIV, sur la tenue qu'on est obligé de garder dans les églises (5).

Les paysans tiennent beaucoup à pouvoir assister à la messe le dimanche (6). Assez fréquemment on demande un deuxième

(1) L'assemblée du bas clergé du diocèse de Rennes s'ouvrit le 2 avril. (2) Et encore, la suppression du Concordat de François Ier et de Léon X, le retour à la pragmatique sanction ne sont-ils guère demandés que par des villes (Redon (31), Guingamp). - Ce qui est remarquable dans les vœux des paysans se rapportant à l'état ecclésiastique, c'est que la question financière, la question des biens de l'église, paraît dominer toutes leurs préoccupations à ce sujet. Beaucoup de leurs vœux n'ont évidemment pour but que de permettre au fisc de mettre la main sur les revenus des moines.

(3) Cf. aussi les cahiers de L'Alleu Saint-Jouin, de Montevert. (4) Cah. de La Bouillie, Saint-Alban.

Ordonnance du 13 mai 1650. Cf. cah. de La Bouillie.

(6) Cf. cah. de Tinténiac. On force les vassaux à travailler pour le seigneur le dimanche. Incident à ce sujet. On pourrait croire que les paysans tenaient moins dans cette occasion à aller à la messe qu'à se dérober aux corvées seigneuriales. Mais on en voit, dans d'autres paroisses, payer eux-mêmes un curé pour dire une deuxième messe, à leur commodité.

prêtre pour les paroisses où l'on ne dit qu'une messe. La création d'une cure ou d'un vicariat paraît s'imposer, ou bien que «<le recteur bine s'il est seul (1). » Il est gênant, en effet, pour les paysans d'abandonner tous à la fois la maison pour se rendre à l'unique messe paroissiale (2). Pour éviter cet inconvénient, ils s'imposent des sacrifices. Une paroisse paie 120 livres d'impôts ajoutés aux rôles de la capitation, pour avoir un deuxième prêtre; et c'est une vexation qu'on relève de la part des seigneurs que d'avoir fait mettre à midi, «< pour leur commodité » une messe que les paysans avaient demandée pour le matin (3).

La disette de prêtres fait l'objet de nombreuses plaintes, et les paysans semblent craindre sérieusement de mourir sans les secours de la religion : « malheur qu'on a vu se produire plusieurs fois). »

La foi des paysans bretons est donc vive et sincère, et l'influence du clergé sur une population animée de tels sentiments devait être considérable.

Mais tous les membres du clergé étaient-ils également l'objet de ce respect et de cette affection que témoignent souvent les paysans à l'égard de leurs pasteurs?

C'est une question délicate, et des intérêts purement temporels viennent la compliquer, en nous obligeant à des distinctions (5).

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(1) Passim, dans les cahiers. Saint-Lanneuc: « On demande un curé vicaire sans le ministère duquel on ne peut remplir les devoirs essentiels de la religion. »

(2) Cah. de Châteaugiron (2), de Trégomar (16) et passim — Cah. d'Ossé : On demande une messe du matin pour la commodité des paroissiens tellement gênés pour aller chercher la messe du matin dans les paroisses voisines pendant la mauvaise saison que le jour du repos est souvent pour eux plus pénible qu'un jour de travail. D

(3) Cah. de Goven Cah. de Saint-Aaron (4o) : « Quand il n'y a point de messe matinale dans une paroisse, le peuple souffre beaucoup et manque souvent la messe.»- Cah. de Montautour (3o). L'Eglise est située à l'une des extrémités de la paroisse : « Les personnes d'un âge caduc ne peuvent plus entendre la voix de leur pasteur, les enfants ne peuvent venir se faire instruire et croupissent dans l'ignorance de leurs devoirs. »

(4) Cah. de Dompierre (14).

(5) Sur tout ce qui regarde le clergé à cette époque. Cf. le Mémoire sur l'administration et la réformation des biens du clergé (déc. 1788).

Le clergé régulier - Les moines et les biens

ecclésiastiques.

Le clergé, sous l'ancien régime, était autre chose que le représentant de la religion. C'était d'abord un ordre privilégié, et le premier dans l'Etat; il jouissait d'immunités importantes, il avait d'immenses propriétés; les évêques et les abbés vivaient grassement de leurs revenus. Le clergé décimateur levait sur le peuple des campagnes un impôt régulier, la dîme. Il entretenait le bas clergé, réduit pour vivre à une portion congrue toujours insuffisante. Il y suppléait par les salaires qu'il recevait à l'occasion de l'exercice de ses fonctions; c'était le casuel. Souvent aussi, les recteurs portionnaires étaient obligés pour vivre de se livrer à des occupations tout à fait étrangères à leur état. Des prêtres affermaient des dimes seigneuriales (1); on en voyait prendre à bail des terres qu'ils faisaient valoir « par mains; d'autres se livraient au commerce, en concurrence avec les laïques.

Il nous faut distinguer d'abord, pour étudier les rapports des paysans avec le clergé, entre le clergé régulier et le clergé séculier.

Le clergé régulier comprenait les différents ordres religieux qui peuplaient les abbayes, c'était le clergé « sans charge d'âmes. »

Ces moines ne vivaient pas toujours comme aurait pu le faire supposer le revenu de leur abbaye; ils étaient souvent, eux aussi, réduits à une portion congrue. Mais les titulaires des abbayes étaient toujours << gros décimateurs » dans une ou plusieurs paroisses, et, dans l'énumération des rentes qui les écrasent, les paysans comptent toujours parmi les plus odieuses, celles qu'ils payent « à d'inutiles bénédictins (2), » à tel ou tel abbé (3) qui ne s'acquitte nullement de ses obligations envers les

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pauvres de la paroisse, « et vit à Paris où il trouve moyen de ne faire aucune épargne (1). »

On sait que les titulaires des bénéfices dépensent leurs revenus dans la capitale (2), et les moines sont réduits pour vivre à venir quêter dans les campagnes.

On proteste contre « ces quêtes répugnantes (3) » des ordres. mendiants et des prédicateurs (4). On se plaint « de l'importunité et des discours insinuants » des religieux et religieuses qui quêtent dans les campagnes « au préjudice des pauvres (5). >> << Ils obtiennent ainsi beaucoup de grains, beurre, laines, argent, etc., malgré la pauvreté et la misère des campagnes (6). » << On pourrait même dire qu'il est indécent de voir des filles ainsi courir les campagnes et les villes de tous pays(7). »

En général, l'opinion publique paraît nettement hostile aux moines, aux abbayes.

Et ce ne sont pas seulement les riches bénéficiers qui sont l'objet des plaintes. On accuse les religieux de causer du scandale dans les campagnes par leur mauvaise conduite. Le cahier d'Epiniac demande « la suppression des ordres religieux sans fonctions curiales... qui fomentent le libertinage dans les campagnes (8). ››

<< Les religieux, par l'abondance des biens, se rendent souvent plus scandaleux à leurs riverains qu'ils ne sont édifiants ("). » Et l'on voudrait «< que les abbés, dont les abbayes seront conservées soient renvoyés y résider pour surveiller les moines dont la plupart scandalisent les peuples, en ne voyageant

(1) Cah. de Brielles (17), Saint-Martin-de-Janzé.

(2) Cah. de Brielles et de Gennes (20).

(3) Cah. de La Fresnais.

(4) Cah. de La Boussac, Bréal, Montauban, Romillé, Saint-Mervon, La Guerche, Coatascorn, Henansal.

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(9) Cah. de Landebaeron - Cf. aussi : Saint-Pierre-de-Janzé, Saint-Sauveurde-Guingamp (7), L'Abbaye (4), La Boussac (6).

qu'en voiture, en buvant les liqueurs à discrétion et en vivant des meilleurs mets tandis que leurs vassaux périssent de misère (1). >>

On s'irrite de voir tant de richesses entre les mains de ces moines inutiles (2). « On gémit de voir les dîmes enlevées par de riches moines. C'est la criante usurpation du patrimoine des pauvres (3). >>

Des théories sur la destination primitive des biens de l'Eglise, qui justifieraient la reprise de ces biens par l'Etat, paraissent assez répandues.

<< Dans la primitive église, dit le cahier de Combourg, les dîmes étaient partagées en quatre parts, dont l'une était destinée pour l'entretien des temples et la décoration des autels, la seconde pour les pauvres, la troisième pour les pasteurs et la quatrième pour les prélats... Le concile de Nantes en 658 établit ce partage pour la Bretagne (4)... »

On reconnaît là l'influence des brochures révolutionnaires. Un Mémoire sur l'administration et la réformation des biens du clergé, paru en décembre 1788, avait été écrit «< pour offrir au roi le moyen possible d'accroître ses revenus sans augmenter les charges publiques. » On y examine les droits de propriété du clergé, l'usage que le haut clergé fait de ses biens : « Ce sont les biens du haut clergé que les Etats Généraux doivent attaquer, rendre à leur destination primitive, au soutien des pauvres, à l'entretien des temples et à la nourriture des pasteurs. >>

C'est une idée commune, en effet, que le Gouvernement pourrait, sans injustice, s'emparer des biens ecclésiastiques, et l'on

(1) Cah. de La Boussac (6).

(2) Cah. de Sainte-Croix-de-Guingamp et passim.

(3) Cah. de Montautour (2o).

(4) Cah. de Combourg (32). Et le cahier montre comment ces dîmes excitèrent la cupidité des seigneurs qui s'en emparèrent. Il y eut des restitutions au XIe et au XIIe siècles, mais les biens ecclésiastiques furent rendus aux prélats, aux chapitres, non à leur primitive destination.

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