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s'étonne qu'on n'ait pas songé plus tôt à cet expédient, que l'on ait préféré accabler le peuple d'impôts (1).

Ces théories ne sont pas seulement répandues dans les villes et les gros bourgs, comme Dol, Montfort, Guingamp, Combourg (2), mais aussi dans les campagnes.

Les paysans constatent «<l'inutilité et l'incapacité des deux premières classes de l'Etat, qui ne seraient pas dans le cas de défricher une seule pièce de terre, de produire une seule récolte (3). » On trouve qu'il « n'est pas juste que les ecclésiastiques qui par état ont renoncé aux biens temporels jouissent de biens réservés au commerce de la société (4). >>

Et l'on propose « la suppression de tous les religieux riches ou mendiants non utiles à l'Etat, » en faisant valoir « les ressources qu'elle offrirait à l'Etat (5). » Plusieurs cahiers demandent plus simplement encore «< la sécularisation des ordres riches (6). >>

Pour «< remplir le déficit, en effet, un moyen principal qui ne surchargerait point les peuples » serait la suppression des abbayes et la réunion de leurs biens au domaine du roi, à charge pourtant d'une pension de 600 livres à chaque moine. Le conseil venait aux paysans de la bourgeoisie éclairée, car on ajoute « Le royaume de Suède et Danemark et l'empire d'Allemagne nous offrent dans ce genre de bons exemples à suivre (7). »

(1) Cf. cah. de Neuville (11). « Dans le malheureux état des finances, on ne peut se dispenser de rappeler chaque ordre religieux à sa primitive institution et de lui retrancher la superfluité d'un revenu qui ne tend qu'à en rendre plusieurs inutiles à la société, pour combler de ce superflu le vide effrayant qui nous occupe aujourd'hui. » — Cf. aussi cahier de Landebaeron : « En leur (aux moines) accordant une pension convenable et médiocre, il est en votre pouvoir de joindre le revenu à votre domaine, qui produirait un revenu immense à l'Etat.

» ... Tant de communautés religieuses qui possèdent des trésors remplis de barriques lattées d'or et d'argent qui ne parviendront jamais à aucun bien public et par conséquent propres au recouvrement par l'Etat. »

(2) Cf. les cahiers de ces villes.

(3) Cah. de Kermoroch (11°) et Sainte-Croix-de-Guingamp (17°).

(4) Cah. de Saint-Coulomb.

(5) Cah. de Saint-Adrien (13).

(6) Par exemple cahier de Roz-sur-Couesnon.

(7) Cah. de Poligné.

On s'accorde en général sur cette question de la sécularisation des biens de l'Eglise, mais on diffère sur les moyens d'exécution. Les uns proposent que l'on s'empare des bénéfices, seulement par extinction, que l'on vende les bénéfices vacants (1). On rappelle l'édit de 1768 sur les communautés désertes (2). D'autres voudraient voir vendre immédiatement les bénéfices sans charge d'âme, soit en assurant aux abbés et moines une pension viagère raisonnable(3), soit avec charge pour les adjudicataires de laisser jouir le titulaire pendant sa vie (1).

Les avis sur l'affectation de ces biens et revenus sont aussi différents A Romillé, on propose « de partager les biens de l'Eglise entre le roi et les seigneurs, en échange des droits féodaux. » Mais d'autres demandent, comme à Villedebidon « que les biens des abbayes revertissent aux pauvres, » ou «<que le prix en tourne à l'acquit des dettes de l'Etat (5). » Quand on est soumis au logement des gens de guerre, on voudrait «< que les maisons religieuses soient converties en casernes (6). » A Montfort, on serait d'avis que l'excédent de la vente des biens soit employé « à fonder des bourses dans les collèges pour l'éducation de la jeunesse, et autres établissements utiles. >>

La plupart des cahiers, comme nous avons eu déjà l'occasion de le dire, demandent qu'on emploie les revenus ecclésiastiques à des services d'intérêt public. On parle d'une «< caisse de religion (7),» avec laquelle on entretiendrait « des maîtres d'école dans les bourgs, »« des collèges non fondés (8), » des hôpitaux; on soulagerait les pauvres dans les maladies épidémiques, on rétribuerait des chirurgiens, des sages-femmes, « on établirait des cours d'écolle. » D'autres pensent à la nourriture

(1) Cah. de Le Pertre, Mézières.

(2) Cah. de Montreuil-le-Gast.

(3) Cah. de Sainte-Colombe (31), Bourg-des-Comptes, Montfort (6). (4) Cah. de Rougé.

(5) Id.

(6) Cah. de Dol.

(7) Cah. de Marcillé-Robert, Sainte-Colombe.

(8) C'est-à-dire des collèges non dotés, pourvus de fondation.

des pauvres, à l'établissement de quelques manufactures utiles à l'Etat (1).

On conteste donc au clergé régulier la propriété de ses biens; les cahiers qui n'en demandent qu'une meilleure répartition sont très rares (2).

Dans l'esprit des paysans, les biens, les revenus des abbayes étaient dès ce moment désignés pour faire les frais des réformes, des améliorations qu'on demandait.

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Dans le clergé séculier, le haut clergé semble partager le discrédit des abbés et des moines.

Les revenus immenses des évêques et des chanoines étaient également signalés par les brochures comme inutiles et mal employés.

Les évêques ne pouvaient même pas accorder de dispenses; il fallait s'adresser au pape, et lui payer des sommes quelquefois considérables (3). Les paysans voient avec peine tout cet argent passer à Rome (4). Les évêques sont d'ailleurs presque toujours absents et ne veillent point aux intérêts de leurs diocèses. On voudrait qu'ils soient astreints à la résidence (3), à peine de la confiscation de leurs revenus au profit des pauvres (6).

Le cahier de Saint-Méloir-des-Ondes demande même la résidence forcée de tous les bénéficiers et l'interdiction du cumul.

On désire enfin que les revenus excessifs des évêchés, comme des abbayes, « soient réduits à un taux modique(7).

(1) Cf. cah. passim, Plemy, St-Aubin-d'Aubigné, Corps-Nuds.

(2) Cah. de Thorigné (5).

(3) Cah. de Cancale, La Boussac, Dommagné.

(4) Cah. de Louvigné.

(5) Cah. de La Guerche.

(6) Cah. de Plessala.

(7) Cah. de Landujan.

Le bas clergé.

Mais les sentiments des paysans à l'égard des membres du bas clergé, avec qui ils sont en rapports continuels, sont plus intéressants à connaître.

En général l'impression est favorable au bas clergé. La plupart des recteurs et curés méritent et possèdent l'affection et le respect des paysans. Un assez grand nombre de cahiers font l'éloge du bas clergé (1). Souvent les paysans, exposant la misère de leur paroisse, disent que les pauvres n'ont d'autres ressources que les aumônes du recteur, pauvre lui-même et réduit à la portion congrue (2).

Les recteurs ont bien des fois, dans la fin de l'ancien régime, pris la défense de leurs paroissiens contre les agents du fisc, contre les officiers des seigneurs, contre les accapareurs (3). Ils écrivent à l'intendant pour lui indiquer les mesures qu'ils croient propres à diminuer la misère du peuple. Ils sont considérés par les paysans comme des intermédiaires naturels entre leurs paroissiens et le Gouvernement.

C'est par les bannies au prône et l'affichage à la porte de l'église, à la fin de la messe, que les paysans sont instruits des lois nouvelles, des règlements. L'Eglise est encore «< la maison commune » de la paroisse, et le curé est une sorte d'agent par lequel le Gouvernement fait connaître au peuple ses intentions,

(1) Cah. de Plehérel, Moulins (7o page), et Saint-Laurent-des-Vignes : « Ce sont ces humbles et vertueux ecclésiastiques, vivant au milieu de nous qui nous administrent aujourd'hui sans réserve tous les secours de la religion, partagent nos misères; et nous manquerions à la justice divine et humaine si nous ne sollicitions que leur sort soit amélioré d'une façon à pouvoir vivre honorablement sans s'occuper d'aucune œuvre servile. » Dans les cahiers, la formule de sympathie, souvent reproduite, est : « Les recteurs, témoins consolateurs de la misère du peuple. »

(2) Cah. : passim. On trouve cette portion congrue insuffisante. Elle n'est que de 250 1. à Saint-Perran. Elle est de 500 1. à Tinténiac. Sur le rôle et les occupations du recteur, cf. cah. de Tinténiac (15).

(3) Nous avons eu l'occasion de citer plusieurs exemples de l'intervention des recteurs en faveur de leurs paroissiens. La correspondance des intendants en fournit à chaque instant.

essaye de modifier l'opinion publique en sa faveur ou dans l'intérêt général (1).

Les paysans, qui pour la plupart ne savent pas lire, tiennent beaucoup aux bannies du curé. C'est un mode de publication qu'ils voudraient voir se généraliser et s'appliquer à toutes les nouvelles qui pourraient intéresser les paroissiens. Ils se plaignent d'un curé qui refuse de s'acquitter de ce devoir, et quelques-uns proposent un tarif pour les annonces (2).

Le rôle du curé est donc considérable dans la paroisse, et son influence est grande sur les paysans dont il connaît la situation, les affaires (3). Pourtant les recteurs semblent avoir pris peu de part à la rédaction des cahiers. Dans quelques-uns seulement l'influence du recteur est évidente et on y voit l'importance des attributions qu'un recteur pouvait réclamer dans une paroisse sans rencontrer d'opposition (4).

Il est évident qu'il n'existe pas d'esprit anticlérical dans les campagnes. On ne peut attribuer qu'à des ressentiments personnels les tendances qui se manifestent dans deux ou trois cahiers, à réduire le rôle des prêtres, à les empêcher, par exemple, d'assister aux assemblées (5).

(1) Se rappeler les publications faites par les recteurs au moment des séditions au sujet de l'exportation des blés.

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(2) Cah. de Lalleu-Saint-Jouin : « Que les recteurs et curés soient obligés de lire les billets à l'église, à un sol sur commun et cinq sols sur timbre, concernant les affaires d'un chacun. » Cah. de Plémy (13). On demande les bannies obligatoires au prône de la messe pour « le paiement des deniers royaux, rentes seigneuriales, fermages de biens fonds, ventes et autres choses qui pourraient intéresser le public... » « ne trouvant pas dans les campagnes autres personnes qui pourraient faire ces sortes de publications. » « Que ces publications soient faites gratis. » « Quelques-uns de ces messieurs se refusent à le faire, même de lire les rôles du 20°, s'excusant sur le prétexte de n'être point tenus de faire de pareilles publications. >>

(3) Cah. de Le Vivier. Le recteur ne peut suffire à sa charge « étant d'ailleurs assez souvent employé par des affaires de paroisse qui concernent le bien de ses paroissiens. >>

(4) Cf. cah. d'Henansal. Le curé serait chargé de délivrer des certificats de probité; et surtout cah. de Chelun.

(5) Cf. cah. d'Arbrissel (3). On demande bien que les représentants du Tiers ne soient ni nobles ni ecclésiastiques, mais c'est surtout pour avoir un plus grand nombre de représentants de classe, car on compte sur les députés du bas clergé pour défendre aux Etats les intérêts des paysans. On demande qu'ils y représentent pour moitié l'ordre du clergé.

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