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prendre des terres à ferme, de faire du commerce, quelquesuns font même fonction d'avocat (1). On comprend bien que c'est souvent pour eux une nécessité. On trouve pourtant que les curés ont «< dans leur état ecclésiastique des occupations plus que suffisantes, sans s'attacher à des fonctions de laïques (2). On demande que toutes ces occupations leur soient interdites (3). C'est peut-être même par intérêt que les paysans, désireux de se débarrasser d'une concurrence ruineuse, demandent avec tant d'unanimité l'amélioration du sort des portionnaires (4).

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Les recteurs enfin perçoivent un salaire à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions: c'était le casuel, et les idées des paysans à ce sujet, idées qui étaient partagées par une partie du clergé (5), paraissent inspirées par une rigueur de principes qui nous étonne. Ce sont d'ailleurs les idées que l'on retrouve dans toutes les brochures de l'époque, sur la réformation de l'Eglise :

« Le casuel m'a toujours paru un impôt aussi onéreux à ceux qui le payent que déshonorant pour ceux qui le reçoivent(“). » Le casuel «< fût-il dù légitimement, il faudrait le supprimer pour l'honneur de l'église (7). »

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Les cahiers demandent en effet la suppression du casuel «< qui déshonore la religion (8). » « Qu'il soit défendu au clergé d'exiger aucun casuel, qu'il en soit indemnisé sur le produit des dimes,

(1) Cah. de Saint-Thual. (2) Id.

(3) Cf. cah. d'Eveac. « On demande s'il est permis au recteur de cette paroisse qui depuis son règne s'est emparé de toutes les dîmes des seigneuries de cette paroisse, qui les a tirées des mains des particuliers qui vivaient eux et leurs familles à l'abri de leurs produits, qu'au moyen du produit des pailles... il afferme à toutes mains les terres des environs et même en laboure comme un gros fermier... »

(4) V. cah. de Saint-Grégoire près Rennes que le sort des recteurs soit amélioré puisque le désintéressement et la pureté des vues qui les animent leur font désirer de pouvoir remplir les fonctions augustes de leur saint ministère sans recourir aux rétributions ordinaires. » Il s'agit là aussi du casuel.

(5) Cf. le cah. de Chelun qui, certainement rédigé sous l'influence d'un prêtre, demande la suppression du casuel (art. 18). Cah. de Saint-Grégoire. (6) Mémoire sur le célibat des curés de campagne (mai 1789) (en note, p. 13). (7) Mémoire sur l'administration et la réformation des biens du clergé, p. 10. (3) Cah. de Livré (art. 11) et passim.

seul impôt représentatif de tous les droits et besoins du clergé (1). »

Une partie des recteurs étaient de cet avis (2). Les portionnaires comprenaient que c'était la cupidité des gros décimateurs qui les obligeait à recevoir de l'argent des pauvres paysans.

Les vœux des paysans, nombreux à ce sujet, s'expliquent aussi facilement. Ils sentaient bien qu'en rétribuant le recteur toutes les fois qu'ils réclamaient son ministère, ils le payaient deux fois. La dîme et le casuel faisaient double emploi, puisque la dîme était un impôt régulier levé pour l'entretien du culte et des pasteurs.

La vivacité de leurs plaintes était justifiée. Si l'on avait refusé d'appliquer, en Bretagne, l'édit du roi de septembre 1786(3), qui ordonnait d'augmenter les portions congrues, c'est que l'édit atteignait les gros décimateurs, qui allaient faire les frais de la réforme. On avait trouvé le moyen, dans le diocèse de Rennes, de concilier les intérêts des portionnaires et ceux des décimateurs aux dépens des fidèles. Un règlement de 1788 augmenta le casuel des recteurs en élevant le tarif des sacrements (4).

Les paysans comprennent très bien les conséquences de toutes ces mesures, et ils insistent sur la suppression du casuel; ils voudraient « sacrements et sépultures gratis, vu que les grosses dimes sont plus que suffisantes pour la subsistance des curés, s'il n'y avait pas d'autres décimateurs (5). »

(1) Cah. de Lassy.

(2) V. à ce propos Chassin, Cahiers de Paris, t. II, pp. 91 et sqq., et le cah. des jansénistes.

(3) Cf. Isambert, Les Lois anciennes, vol. XXVIII, p. 232 (no 2271). Déclaration concernant la portion congrue (2 septembre 1786). Elle a été enregistrée au Parlement de Paris le 5 septembre, à Grenoble le 11 novembre. Elle a été rendue « sur les sollicitations de l'assemblée du clergé. »

(4) Ce règlement est du 25 avril 1788; il augmentait les honoraires des recteurs d'un cinquième. Cf. cah. d'Ercé : « Nous désirerions que le tarif des ecclésiastiques accordé le 25 avril 1788 soit réformé et suivre l'ancien qui régnait dans l'évêché de Rennes. >> Cah. de Le Sel: « Que MM. les Recteurs ont augmenté leurs honoraires en rétribution d'un cinquième dans l'évêché de Rennes, nous demandons qu'ils soient réduits au taux précédent. »

(5) Cah. de Parcé (près Rennes).

Ils s'élèvent nettement contre ces nouveaux tarifs (1) et même contre « toute rétribution pour les fonctions ecclésiastiques (2). »

Mais il faut toujours remarquer que ces vœux sont surtout dirigés contre les décimateurs; c'est à leurs dépens que l'on veut voir augmenter les portions congrues, ce qui permettrait de supprimer le casuel pour l'honneur de l'Eglise et l'avantage des paysans. Les deux mesures dépendent l'une de l'autre.

Les gros décimateurs sont, en effet, comme nous l'avons déjà dit, fort peu respectés des paysans. Et ce ne sont pas toujours des évêques et des abbés, mais quelquefois aussi des recteurs qui partagent leurs profits et leur discrédit.

Les dimes.

Cette question des dîmes ecclésiastiques est très importante dans la vie des paysans sous l'ancien régime. C'était un impôt onéreux et dont le mode de perception était très vexatoire; aussi dans les années qui précèdent la Révolution les paysans expriment-ils nettement le désir de le voir disparaître; ils accumulent les plaintes contre ses inconvénients.

Il en est pour la dime ecclésiastique comme pour tous les droits féodaux. Il se répand parmi les paysans des théories nouvelles, on discute la légitimité des dîmes, leur raison d'être. On en recherche l'origine et on en rappelle la destination primitive (3).

(1) V. note (4), page 120, et cah. de Dompierre et passim.

(2) Cah. d'Ossé. Cf. cah. de Roz-sur-Couesnon (17) : « Que les portions congrues des recteurs et curés soient portées à 1,200 1, et 400 1. parce qu'alors tous les recteurs, curés et prêtres en général, seront tenus et obligés à faire gratuitement les publications de bans, mariages et sépultures. »

(3) Cf. cah. de Dommagné (9) Noyal-sur-Vilaine (10): « Cependant la dîme dans son origine provenue de la pure libéralité des fidèles et par la suite devenue un droit qui s'est successivement accru... Mais la majeure partie de nos dîmes est par un abus intolérable dévorée par des moines oisifs, inutiles! >> Cah. de Saint-Laurent-des-Vignes (13). « Que la dîme ecclésiastique établie en France par la seule volonté des habitants pour la subsistance de leurs pasteurs soit divisée suivant les saints canons. » — Cf. Chassin, Les Cahiers de Paris, t. IV, p. 59.

C'est que les inconvénients du système s'aggravent aussi. Les abus des décimateurs, toujours portés à étendre leurs droits, exaspèrent peu à peu ceux qui y sont soumis. On lève la dime jusque dans les jardins, on y soumet toutes les productions, même les «< accrois » des troupeaux.

Les paysans en viennent bientôt à demander la suppression pure et simple de la dîme, comme « contraire à la liberté des propriétés, nuisible à l'agriculture(1). »

Mais, en même temps, on discute l'utilité de ces revenus levés sur les récoltes des paysans et l'emploi qu'en font les décimateurs.

Les dîmes devaient servir à l'entretien des temples et des pasteurs, à secourir les pauvres, et l'on s'aperçoit que tout leur produit passe« en des mains étrangères et parasites (2), » «‹ à d'inutiles bénédictins (3), » « aux mains d'un chapitre tout noble, d'une abbaye déjà trop riche, d'un prieur romipète (4), » «‹ à de

riches moines (5). >>

Tous ces décimateurs ne remplissent nullement leurs obligations : « Des prêtres titulaires de bénéfices simples, obligés de résider dans la paroisse aux termes des fondations et d'y desservir des messes, s'y refusent (6). » Ils ne veulent pas faire réparer les églises (7), c'est l'occasion de procès avec les paroisses, comme pour les presbytères. Quelquefois, ils se décident à «< feindre de rebâtir l'église, » mais c'est pour traîner les choses en longueur, et pendant ce temps « on célèbre la messe à l'injure de tous les vents, dans la plus affreuse rigueur de l'hiver (8). >>

Ils négligent les pauvres, quand ils ne les abandonnent pas

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tout à fait (1). Les moines pouvaient, en effet, faire des aumônes dans leurs paroisses, mais ils percevaient souvent des dîmes dans des paroisses éloignées (2), et leur négligence envers ces dernières est attestée par de nombreux témoignages. Les Bénédictins de Rennes lèvent des dîmes en Noyal-sur-Vilaine, <«< mais jamais ils n'ont fait aucun bien à nos pauvres, » dit le cahier. Les moines de Marmoutiers ont 6,000 1. de revenus dans la paroisse de Saint-Martin-de-Janzé et «< depuis 17 ans, ils ont donné 48 1. aux pauvres (3). » Les Bénédictins de Vitré jouissent de la totalité des dîmes de Cornillé et du tiers de celle de Louvigné sans faire un sol d'aumône dans ces paroisses (4). Des lits avaient été affectés aux pauvres des paroisses de Saint-Didier et de Dommagné, à l'hôpital de Vitré qui levait la dîme dans ces paroisses; «< depuis 60 ans, les administrateurs ont eu la barbarie de les supprimer(5). »

Les décimateurs enfin, qui doivent assurer l'entretien des pasteurs, les ont réduits partout à une portion congrue tout à fait insuffisante (v. supra). Quelquefois même, ils refusent un prêtre aux paysans sur lesquels ils lèvent la dîme. C'est ce qui se passe à Montevert où les habitants sont «< obligés de payer le prêtre qui leur est nécessaire (6). »

Il faut qu'une paroisse ou une trève ait un surplus de 500 communiants pour que le gros décimateur se décide à y installer un

(1) Quelques décimateurs s'en excusent en disant a qu'ils doivent moins aux pauvres qu'à leurs parents. »

(2) Cf. Mémoire pour la réforme et l'administration des biens du clergé. « Les moines font beaucoup de bien » dans les paroisses où ils habitent, mais non dans celles dont ils enlèvent les dîmes à 20 ou 30 lieues de leur résidence. (3) Cf. cah. de Saint-Martin-de-Janzé. Cf. aussi le cah. de Brielles (17°) :

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« Les pauvres qui ont droit à une partie des dîmes n'en reçoivent aucun soula. gement. » — Cf. Mémoire... (déjà cité, p. 75). « On a vu dans le fâcheux hiver de 1784, je le répète avec douleur, des communautés et des chapitres gros décimateurs se refuser aux demandes des curés et seigneurs pour concourir aux secours si nécessaires dans leur paroisse...

» J'ai remarqué que dans tous les villages où le décimateur est du haut clergé ou d'un chapitre, la misère y est plus grande que partout ailleurs... »

(4) Cah. de Dommagné (9).

(5) Id.

(6) Cf. aussi cah. de La Chapelle-Fougeretz, La Boussac.

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