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prêtre avec une maigre portion (1) qu'il lui distribuera «< par quartiers, d'une main souvent dédaigneuse, comme une espèce d'aumône (2). >>

Tout cela au détriment des paysans qui sont réduits à payer un prêtre «< en plus des dimes, » s'ils veulent avoir une messe le matin; ce qui les conduit à cette réflexion : « que le curé bine s'il est seul, étant odieux que le laboureur qui paie si cher les secours de la religion, en soit si déplorablement accommodé (3). »

Aussi en arrive-t-on à contester même la légitimité de la dime, qui, par exemple, originairement destinée à la subsistance des indigents, << va contre sa destination et ôte le pain de la main des pauvres (4). » Le général de Thorigné « ne craint pas de le dire, il n'y a que la conscience qui l'engage à payer la dîme aux gros décimateurs étrangers et qui ne font aucun bien à la paroisse en aumône ou autrement (5). »

On trouve d'ailleurs cet impôt trop onéreux (6) et les décimateurs l'aggravent en l'étendant abusivement; il donne lieu à une foule d'injustices.

La dîme se lève à des taux différents selon les paroisses (7), et quelquefois dans les deux parties d'une même paroisse (8). On voudrait la voir uniforme (9) et réduite partout au trentième (10).

On consentirait encore à payer les grosses dîmes, mais on demande souvent la suppression des «< menues et vertes dîmes >> telles que celles sur le blé noir, sur le lin, le chanvre, sur les

(1) Cah. de la Fresnais (14) et passim.

(2) Cah. de Saint-Laurent-des-Vignes (13).

(3) Cah. de Châteaugiron (2). (4) Cah. de Noyal-sur-Vilaine.

(5) Cah. de Thorigné (art. 5).

(6) Cah. de Saint-Pern. La dîme se perçoit au 12: « Il ne faudrait que six décimateurs pour prendre et enlever tout le produit de nos biens. >>

(7) Passim, par exemple Nouvoitou (4).

(8) Cah. de Quessoy.

(9) Cah. de Tressé (22), Tinténiac et passim.

(10) Cah. de Châteauneuf et passim.

porcs, les agneaux, toutes les dimes de charnage (1). Toutes ces dîmes soulèvent de nombreuses critiques. On a d'abord levé celle « des laines et agneaux » sous prétexte « d'aider à vêtir les pauvres,» mais «< cette dime odieuse depuis plusieurs années n'est point employée à son ancien usage(2). »

Les dîmes perçues dans les jardins, surtout, irritent les paysans (3). On veut avoir autour de sa maison « un journal de terre exempt de dîmes (4). »

La perception de la dîme est une source de procès fréquents entre les paroissiens et les recteurs (5). On sait bien que souvent <«< il ne faut pas s'en prendre au recteur qui n'a qu'une portion congrue()», mais on voudrait pourtant tarir la source de ces procès. On désire que les recteurs soient « suffisamment rémunérés pour n'être distraits de leurs fonctions par aucun intérêt temporel(7). » Il ne faudrait pas qu'il puisse s'élever jamais de conflit d'intérêts entre un recteur et ses paroissiens. A Châteaugiron on demande la suppression du casuel « pour que nul intérêt temporel ne divise le troupeau et le pasteur. »

Aussi quelques cahiers proposent que la dime soit «< attachée au clocher, » perçue par le général qui rétribuerait honorablement le recteur(8). D'autres voudraient voir la dîme remplacée par une redevance «< comme dans le royaume de Naples et ailleurs, »>«< afin de tarir entre les recteurs et leurs paroissiens la source de procès scandaleux (9).

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Il n'est pas inutile de remarquer, en terminant ce chapitre,

(1) Cah. de Drouger.

(2) Cah. de Saint-Potan.

(3) Cah. de Saint-Alban, Guipel, Javerné.

(4) Cah. de Coulon-de-Montfort, Tinténiac (15) et passim.

(5) Cah. de Châteauneuf, Moulins, Saint-Jacques-de-la-Lande.

(6) Cah. de Saint-Jacques-de-la-Lande. Les recteurs portionnaires étaient sans

doute chargés de percevoir la dîme pour les gros décimateurs.

(7) Cah. de Bourgbarré.

(8) Cah. d'Ossé.

(9) Cah. de Chevaigné, Melesse.

que les membres du bas clergé qui, dans leurs cahiers (1) confondent souvent leurs vœux avec ceux des paysans en matière civile et politique (2), sont souvent aussi du même avis sur les réformes qu'il conviendrait d'introduire dans l'état ecclésiastique. Le bas clergé de Rennes demande notamment le rétablissement de l'ancienne discipline (3), la restitution des dîmes enlevées aux pasteurs et aux pauvres (4), il remarque même que « le droit sacré de propriété ne peut trouver ici d'application raisonnable. » Il fait le sacrifice de ses privilèges pécuniaires(5), demandant par contre qu'on assure le sort des recteurs portionnaires (6), surtout dans des paroisses qui, «< comme Saint-Germain et Saint-Sauveur n'offrent à leurs recteurs aucun revenu fixe. » Le bas clergé enfin demande, avec les paysans, l'érection en paroisses des trèves qui comptent plus de 400 communiants (7).

(1) Cf. Cahier des demandes à faire aux États Généraux par les députés du clergé séculier et régulier du diocèse de Rennes. Ce cahier qui est signalé dans un article de la Revue historique (1884) et dans le Recueil de A. Brette, comme n'existant qu'au British Museum, se trouve à la Bibliothèque municipale de Rennes (2322)

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(2) Cf. surtout les art. 18, 23, 25, 29, 31, 32 et 34.

(3) Art. 5.

(4) Art. 8.

(5) Art. 7.

(6) Art. 9.

(7) Art. 10.

(A suivre).

LES TRADITIONS POPULAIRES

DU PAYS DE DOL

(Suite)

III

SOUVENIRS HISTORIQUES

La mort d'Anne Lepezant.

Autrefois, raconte-t-on, la justice était beaucoup plus sévère qu'aujourd'hui. Ainsi quelqu'un de notre pays ayant incendié une maison fut attaché, nu, à un poteau ses victimes purent passer devant lui durant toute une journée, l'insulter et lui cracher au visage. Puis le coupable fut pendu haut et court.

On cite mille autres traits du même genre.

La dernière exécution capitale qui ait eu lieu à Dol est celle d'Anne Pezant.

Son enfant tomba dans un four : par la faute très calculée de la mère, dirent ses accusateurs; de la manière la plus involontaire, répondit « son avoué. »

Toujours est-il que la malheureuse fut mise en prison.

Or, il était de coutume, que, si les religieuses pouvaient faire évader un condamné et lui ouvrir la porte de leur chapelle, la justice humaine perdait ses droits.

Les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, qui étaient alors en notre ville épiscopale, s'intéressaient vivement à la jeune femme;

elles ne la croyaient point coupable; elles tentèrent de la

sauver.

Vain projet! Au moment où Anne tremblante sortait de sa cellule, le geôlier lui mit sa rude main sur le collet, en criant: << La Pezante, rentrez. »

L'exécution eut lieu sur le Champ-de-Mars, en face de la vieille église Notre-Dame de Dol.

Et d'abord fut lue la sentence qui portait : « Anne Pezante sera pendue, brûlée et sa cendre jetée aux vents, pour avoir tué son enfant. »

d'une beauté

Le feu commença son œuvre par la chevelure sans égale... cependant que les officiers de justice maintenaient la foule pour que celle-ci assistât au supplice entier.

L'impression fut assez grande pour que plusieurs personnes s'imaginassent voir une colombe s'élever de l'échafaud et prendre son vol vers le ciel.

Des ballades populaires consacrèrent ces détails je n'ai pu trouver aucun texte de cette sorte, mais un manuscrit qui m'est tombé sous la main contient une copie de la sentence de mort d'Anne Pezant (1).

Souvenirs sur la Révolution.

Les souvenirs les plus abondants de l'époque révolutionnaire portent sur le clergé.

Le dernier évêque de Dol, Mgr de Hercé, a laissé dans le peuple la réputation d'un prélat simple et charitable. L'on raconte encore à son sujet certaines historiettes, mais invraisemblables. Voici la meilleure Deux hommes du quartier de l'abbaye étant entrés en dispute, l'un d'eux s'écria : « Ce que je dis est aussi vrai que je vois notre évêque au-dessus de cette chapelle et qu'il nous fait signe. » Or, le soir même, ils apprirent la mort du pontife dolois.

(1) Elle fut exécutée à Dol en 1773, pour avoir tué son enfant naturel.

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