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soit de Germanie, possédaient indistinctement des biens considérables dans les différentes Provinces qui les composaient; de sorte que, comme on voyait des Français des Gaules posséder de grandes Seigneuries en Allemagne, soit par des alliances, soit par les dons du Prince, les Seigneurs Germains possédaient aussi des terres dans la France. C'étaient les biens et les Gouvernemens qu'ils y avaient, et les plaçes qu'ils occupaient à la cour, qui les attiraient en France en grand nombre, ainsi que ceux de leur suite, qui parlaient aussi la même langue. Il n'est donc pas étonnant que les Evêques fussent obligés de prononcer des Homélies en langue Tudesque, pour les instruire dans cette langue, lorsqu'aux grandes Fêtes ils se rendaient dans les Eglises Cathédrales, suivant la pratique qui existait dans ce temps. L'obligation où l'on était alors de conférer avec les Seigneurs Saxons, Bavarois, Allemands, etc., engageait encore nécessairement les Francs établis dans les Gaules, qui voulaient avoir part aux affaires du Gouvernement, à continuer de s'instruire dans la langue Tudesque. Cette nécessité dura même après le démembrement de la Monarchie, à la mort de Louis-le-Débonnaire, suivant le témoignage de Loup de Ferrières, Siquidem inter alia, dit-il, quæ nobis jam plurima præstitistis, linguæ vestræ pueros nostros fecistis participes, (cujus lingua usum hoc tempore pernecessarium nemo nisi nimis tardus ignorat) (1), à cause des relations que les Français avaient avec les Germains soumis à Louis de Germanie. Il fallait, dans les assemblées générales, composées de Seigneurs de différentes nations, discuter les points contestés, faire des traités, etc.

(1) Lupus Ferrariensis, Epist. 70, apud Chesnium, Histor. Francor. Scriptor., tom. II, pag. 764.

C'est pourquoi ceux qui voulaient avoir part aux affaires de l'Etat, étaient obligés de savoir les deux langues, la Romance et la Tudesqué. C'est ce que l'on remarque en particulier dans Adalard, Abbé de Corbie, qui eut une si grande part aux affaires du Ministère sous les Règnes de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire. Lorsqu'il parlait la langue vulgaire ou Romance, dit l'Auteur de sa Vie (1), il la parlait si bien, que l'on aurait cru qu'il ne savait que celle-là: mais quand il parlait la Tudesque, il brillait davantage; et quand il s'agissait de parler Latin, il était encore plus éloquent que dans aucune autre ; Qui, si vulgari, id est, Romana lingua loqueretur, omnium aliarum putaretur inscius; nec mirum, erat enim in omnibus liberaliter educatus. Si vero Theutonica, enitebat. perfectius; si Latina, in nulla omnino absolutius. Testantur hoë quamplures ejus Epistolæ, quæ directa ad plurimos omnium habentur liberalissima. Cependant, ce passage de l'Abbé Gérard, qui rédigea dans le onzième siècle la Vie d'Adalard, fait voir que le Latin, le Tudesque et le Roman étaient trois langues différentes, plus ou moins encore en usage dans les Gaules, du temps d'Adalard.

Ce fut dans ces deux dernières que le Latin se trouva dans la suite comme enseveli; il n'y avait que ceux qui l'avaient étudié qui le parlassent, et c'était la langue des Ecclésiastiques. Charlemagne, suivant Eginhard (2), l'avait si bien apprise qu'il la parlait

(1) Vita S. Adalardi Abbatis, Auctore S. Gerardo tum Corbiensi, dein Abbate Monasterii Silva-Majoris, sæculo XI. Vide Acta Sanctorum Ordinis S. Benedicti, sæcul. quart., pag. 355. Item Glossar. Du Cange, Præfat., n. 13, pag. 13. Adalard mourut en 826.

(2) Du Chesne, Histor. Francor. Scriptor., tom. II, pag. 102. Latinam ita didicit, ut æque illa ac patria lingua orare esset solitus.

avec autant de facilité que sa langue naturelle, c'est-à-dire la Tudesque. La langue Romane, sur-tout, faisait tous les jours de nouveaux progrès, et commençait, dans la masse de la nation, à l'emporter sur la Tudesque, qui, après avoir été long-temps la langue de la Cour, finit par être reléguée en Allemagne.

Une des raisons principales pour lesquelles les Evêques étaient obligés d'avoir des Homélies en langue Tudesque, était le grand nombre de Seigneurs Germains ou Français Orientaux répandus dans les Gaules. La demeure des grands Seigneurs de Germanie dans les Gaules étant un des motifs des instructions en langue Tudesque dans les Eglises des Gaules, où le Roman Rustique était en vogue, on devait par la même raison obliger les Evêques de Germanie à avoir aussi des Homélies dans la langue Romance, pour les Français des Gaules qui y demeuraient; car comme il y avait des Français Orientaux répandus dans les Gaules, il y avait aussi des Français Gaulois qui demeuraient dans la Germanie. C'est pourquoi, dans le Concile de Mayence, tenu en 847, et auquel présidait Raban Maur, à la tête des Evêques de sa Métropole, on ordonna par le second canon (1), précisément et dans les mêmes termes, ce que les Evêques du Concile de Tours, de l'an 813, avaient ordonné touchant les Homélies traduites en langue Romance et en langue Tudesque. Or, comme il est trèscertain que, dans le district de l'Archevêché de Mayence, on ne parlait communément que la langue Tudesque, il fallait donc que les instructions en langue Romance ne fussent que pour les Français

(1) Concilium Moguntinum I, anní 847, capit. 2. Acta Concilior. tom. V, pag. 8.

des Gaules, qui demeuraient dans la Germanie. Qu'on ne dise pas que le mélange des Seigneurs Français Orientaux et Occidentaux ne devait plus être, en 847, le même qu'il l'avait été sous les Règnes de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, pendant lesquels les différens Etats ne formaient qu'un seul corps de Monarchie, tandis qu'après la mort de Louis, ses Etats furent démembrés, et eurent leurs Princes particuliers. Mais il faut savoir que le même systême de Gouvernement continua sous les fils de Louisle-Débonnaire, et que les Seigneurs ne cessèrent de posséder des terres dans les différentes parties de la Monarchie.

Enfin, n'y ayant presque plus personne en France qui parlât la langue Tudesque, qui était devenue en quelque sorte une langue étrangère par rapport aux Français des Gaules, il n'est plus fait mention de cette langue au commencement de la troisième race. La langue Romance fut la langue de la Cour comme du peuple; et cette langue, toute informe qu'elle était, fut parlée dans tous les lieux de l'Europe où les Français portèrent leurs armes (1).

(1) Quoiqu'on puisse regarder la Préface entière du Glossaire de Du Cange comme un chef-d'œuvre d'érudition, nous n'avons jugé à propos, pour remplir notre but, d'ajouter ici que l'extrait suivant:

N. XVII, pag. xix. Verum ut Franci nostri armorum gloria ac bellica fortitudine, rarius affinitatum, quod Austriacis Principibus accidit, Imperium suum in regiones exteras longe lateque propagarunt, ita linguam eo suam transtulere. Hanc enim si non transmissam omnino, ab ea saltem vocabula complura mutuatos earum incolas, et in suam sensim intulisse constat. Ex quo factum postea, ut in Acta et Diplomata, quæ, ut fieri tum solebat, Latino exarata idiomate a notariis vel amanuensibus conscribebantur, eadem in Latinam terminationem deflexa persæpe insererent. Ejusmodi quippe multa in iis occurrunt, et apud Historiarum Scriptores, quæ cum indigenæ hodie haud agnoscant, in eorum genuina retegenda notione sæpe laborant; præsertim

Guillaume-le-Conquérant en introduisit l'usage en Angleterre, où elle était la langue de la Cour et des Tribunaux de la justice. Le

vero quæ leges spectant, cum Europa fere universa suas a Francia nostra mutuo acceperit, ipsasque admiserit. Quæ enim regio ab eorum armis intacta, vel cui non aliquando imperaverit? an utrumque Imperium Francorum non fuit? Occidentali initium et incrementum dedit Carolus Magnus, tenuit id ejus stirps diu, eoque nomine non Germaniæ modo, sed et toti Italiæ jus dixit. Paruit Orientale, et Constantinopolis ipsa Flandrensibus et Curtenæis e Stemmate Francico proceribus. Græcia fere universa eadem tempestate nostros agnovit Dominos, iisque in regionibus stabilitæ leges Franciæ, quomodo servatam linguam Francicam docent eorum Diplomata, ex qua in Commentarios suos retulere interdum vocabula Græci recentiores Historici. Calabriam, Apuliam et Siciliam Normannos nostros obtinuisse quis ignorat? Quibus vario jure successere deinceps Principes e sanguine Regio, qui et Hungariæ, Poloniæ, Majoricæ, Corsica, Sardinia possedere subinde Regna? In iis porro servatam linguam Francicam, maxime in Regum Palatiis, satis docet Hugo Falcandus (de Calamit. Sicilia). Narrat enim, cum plerique ex Aulicis, qui in Regium Cancellarium conspiraverant, Comitem Henricum, Reginæ fratrem ab ejus amicitia divulsum, ad Regni negotia capessenda impellerent, illum respondisse, Francorum se linguam ignorare, quæ maxime necessaria esset in Curia. Hyerosolymitanum et Cyprium Regnum sua perinde debent initia et progressus Francis nostris, qui et linguam et leges suas eo intulerunt, semperque servarunt, quamdiu iis paruit. Regum Hyerosolymitanorum et Cypriorum servantur etiamnum leges, Assisiarum nomine, nostro conscriptæ idiomate. In Græcia ipsa, seu Orientali Imperio, dum Francorum fuit, lingua pariter Francica obtinuit, non Constantinopoli duntaxat, sed et in cæteris, quæ a primaria ista urbe pendebant, provinciis, diu etiam postquam a Græcis recepta est; adeo ut tradat Raimundus Montanerius, Scriptor Catalanus (in Histor. Aragon., cap. 262), sua ætate, hoc est circa annum MCCC, in Moreæ Principatu, et in Ducatu Atheniensi, linguam Gallicam æque ac Parisiis in usu fuisse vulgari; E parlaven axi bell Frances, com dins en Paris. Neque intacta ab eorum armis ac dominatione Hispania. Ut enim Caroli Magni expeditiones Hispanicas sileam, Lusitaniæ Regno initium dedit Princeps Francicus: Catalania diu etiam Reges nostros,

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