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On ne trouve point dans l'Ordonnance une énumération exacte des collocations à faire du prix d'un navire vendu par ordre de préférence. Le Code de commerce, dans son art. 191, établit l'ordre des priviléges d'une manière beaucoup plus complète. Il détermine les obligations qui sont privilégiées, et l'ordre et le concours entre les priviléges. L'Ordonnance ne parlait que de quelques priviléges; le Code de commerce les embrasse tous. En sorte qu'on ne peut prétendre au privilége pour aucune autre créance que celles qu'il énonce.

Le Code de commerce accorde le privilége à trois sortes de créances: 1°. Aux frais de justice et autres faits pour parvenir à la vente et à la distribution du prix; 2°. aux droits dus à l'État, à raison de la navigation; 3°. enfin, à certaines créances particulières contractées à l'occasion du navire même, ou à l'occasion de l'usage auquel le navire est appliqué. Parmi ces créances se trouve celle du vendeur.

Mais comme le privilége dérive de la qualité des créances, dont les unes méritent plus dé faveur que les autres, la faveur de la cause décide de l'ordre entre ces créances. Si la cause de deux créances est également favorable, alors on se règle par la priorité de date. Lorsqu'entre deux créances privilégiées, tout est égal, soit quant à la faveur de la cause, soit quant à la date, il n'y a plus de motifs pour préférer l'une à l'autre, et il est juste de les faire concourir. C'est d'après ces principes que la loi nouvelle s'est réglée dans les distinctions qu'elle a posées. (Voyez les art. 191, 320, 321, 322 et 323 du Code de commerce; voyez d'ailleurs notre Cours de droit commercial maritime, tom. 1, tit. 1, sect. 2, pag. 110 et suiv.)

Tout créancier colloqué dans son ordre, l'est tant pour son principal que pour les intérêts et frais. · (Art. 214 du Code de commerce ).

Mais le privilége accordé aux dettes énoncées dans l'art. 191, ne peut être exercé qu'autant qu'elles sont justifiées dans les formes prescrites par l'art. 192.

D'un autre côté, les priviléges des créanciers sont éteints, indépendamment des moyens. généraux d'extinction des obligations, par la vente en justice faite dans les formes établies par le tit. 2 du liv. 2 du Code de commerce, ou lorsqu'après une vente volontaire, le navire aura fait un voyage en mer sous le nom et aux risques de l'acquéreur, et sans opposition de la part des créanciers du vendeur. (Art. 193 et 194 du Code de commerce).

Du reste, il n'y a pas de doute que le privilége compète au prêteur, quoique le billet soit privé, puisque l'art. 311 du même Code porte que le contrat à la grosse est fait devant notaire ou sous signature privée.

Lorsque le prêt à la grosse est fait sur le chargement, le prêteur a privilége pour tout ce qui lui est dû, et il n'est primé que par les droits de douanes ou autres semblables dus au trésor public, par les frais de transport des marchandises du port au navire, de chargement, de déchargement, magasinage, fret et sommes dues pour contribution aux avaries communes. Le vendeur non payé des marchandises, ne peut prétendre aucune préférence. Il n'a d'autres droits sur la chose une fois vendue et livrée, que ceux de révendication. — { Art. 576 du Code de commerce).

Lorsque le prêt à la grosse est fait sur corps et facultés, le corps et les facultés forment une seule masse, et l'affectation porte en entier sur chaque portion du navire et du chargement appartenant à l'emprunteur; de sorte que le donneur jouit d'un privilége solidaire sur l'un et sur l'autre. (Voyez ci-après la sect. 5 de ce chapitre).

Textes des ordonnances.

Premier rang.

ndeur du navire.

Ouvriers.

Fournisseurs des matériaux.

SECTION III.

Rang des priviléges sur un navire qui n'a point encore fait de voyage.

J'AI fait construire un vaisseau, ou bien l'ayant acheté à crédit, je l'ai fait radouber et agréer. J'ai pris des deniers à la grosse sur le corps. Je n'ai payé qu'une partie de ce qui est dû aux ouvriers et aux fournisseurs. Ces divers créanciers le font saisir. Quel sera le rang de chacun d'eux?

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Le Consulat de la mer, ch. 32, dit que, si un vaisseau nouvellement fabriqué est vendu à la poursuite des créanciers, avant qu'il ait été lancé à la mer, ou avant qu'il ait fait son premier voyage, les maîtres de haches, calfats et autres ouvriers, comme encore ceux qui ont fourni le bois, la poix, les clous et autres choses nécessaires pour la construction du navire, » seront préférés à tous autres créanciers, quels qu'ils soient, même à ceux qui > auraient prêté avec déclaration par écrit que c'est pour employer à la con»struction du vaisseau.»

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Ordonnance de la marine, titre de la saisie, art. 17. « Si le navire vendu n'a point encore fait de voyage, le vendeur, les charpentiers, calfateurs et › autres ouvriers employés à la construction, ensemble les créanciers pour › les bois, cordages, et autres choses fournies pour le bâtiment, seront payés › par préférence à tous créanciers, et par concurrence entre eux. »

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Par cet art. 17, le vendeur du navire est mis à la tête du premier rang des créanciers privilégiés sur le navire qui n'a point encore fait de voyage. Cette décision est relative au droit commun du royaume, suivant lequel le vendeur peut réclamer la chose vendue à crédit, pour s'y payer du prix, par privilége.

Les charpentiers, calfateurs, et autres ouvriers employés à la construction, sont mis au même rang que le vendeur.

Au même rang, l'Ordonnance place encore les créanciers pour bois, corConcours des sus- duges, et autres choses fournies pour le bâtiment. Tous les susnommés sont rangés par concurrence entre eux.

nommés.

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Nota. Si le texte de l'Ordonnance ne m'arrêtait point, je dirais que, par moyen de la ventilation, il faudrait distinguer le corps du navire en l'état qu'il était lors de la vente, d'avec les réparations qui y ont été faites; déférer au vendeur la valeur primitive du vaisseau, et laisser la plus-value aux

fournisseurs et aux ouvriers. Mais l'Ordonnance veut que les uns et les autres concourent ensemble, au sou la livre de leurs créances respectives.

Si la construction du navire avait été

Si l'entrepreneur qui a reçu du propriétaire l'entier prix de la construction, n'a pas satisfait les ouvriers et les fournisseurs, auront-ils action per- donnée à prix fait. sonnelle contre le propriétaire, et privilége sur le navire construit?

La loi 1, ff in quib. caus. pign., décide que si un tiers prête à un architecte ou autre entrepreneur des deniers qui soient employés à la construction d'un édifice, et que ce prêt ait été fait par ordre du propriétaire de l'édifice, ce tiers aura le même privilége que s'il avait prêté au propriétaire : Pignus insula, creditori datum, qui pecuniam ob restitutionem ædificii extruendi mutuam dedit, ad eum quoque pertinebit, qui redemptori, domino mandante, nummos ministravit.

La loi 24, § 1, ff de reb. auctor. jud., accorde également privilége sur la maison construite ou réparée, à celui qui, par ordre du propriétaire, a prêté ses deniers à l'entrepreneur : Quod privilegium ad eum quoque pertinet, qui redemptori, domino mandante, pecuniam subministravit.

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« Mais si le prêt avait été fait à l'insu du maître, ou sans son ordre, et que » le maître eût payé cet entrepreneur, celui qui avait fait ce prêt n'aurait plus d'action que contre celui à qui il avait prêté. Que si le maître n'avait » pas payé l'entrepreneur, ce tiers pourrait exercer le privilége, soit qu'il eût prêté par ordre du maître, ou sans cet ordre, pourvu qu'il eût pris les précautions (convenables). Domat, liv. 3, tit. 1, sect. 5, n°. 10, pag. 250. M. le Camus, sur l'art. 176 de la Coutume de Paris`, tom. 2, col. 1335, propose la question: Si un marchand de bois qui a vendu du bois à un ⚫ maçon, entrepreneur d'un bâtiment, peut, après que le bois est employé » dans la maison, agir, pour le réclamer, contre le propriétaire du bâtiment, » ou en demander le prix? Il faut, dit-il, faire cette distinction : quand le propriétaire fait travailler à la journée, ou quand un maçon est entrepreneur; et alors il faut faire différence des tems; car si le bois n'est pas en› core employé, je crois que le marchand qui l'a vendu peut le réclamer; » mais s'il est employé, est pars ædium, et le vendeur n'a plus que la voie de » saisie et arrêt entre les mains du propriétaire, de ce que celui-ci peut de» voir à l'entrepreneur, n'étant obligé en aucune manière au marchand de bois, duquel il n'a rien acheté, et le meuble n'ayant point de suite par hypothèque..

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Telle est donc la disposition du droit commun. Ceux qui font des fournitures à l'entrepreneur sans l'ordre du propriétaire, domino non mandante,

T. II.

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n'ont aucun privilége sur l'édifice. En est-il de même au sujet des fournitures faites à l'entrepreneur d'un navire? Voici la disposition du Consulat de la mer, ch. 52:

Le maître de hache ou calfat, qui prend un ouvrage à forfait, doit payer > les ouvriers qui travaillent sous lui; de quoi le propriétaire doit les avertir, » de peur qu'ils ne soient trompés. Si le propriétaire manque de les en avertir, » ils sont en droit, faute de paiement de leurs salaires, de faire saisir et séquestrer le travail par eux fait, laquelle séquestration durera jusqu'à ce qu'ils soient payés de leurs salaires, avec dépens, dommages et intérêts. Mais si, des le principe, le propriétaire les avait avertis de ce dont il s'agit, cette saisie n'aura pas lieu. »

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M. Valin, art. 17, titre de la saisie, cite ce ch. 52 du Consulat de la mer. Il ne laisse cependant pas d'appliquer aux navires la disposition du droit commun. « Une observation, dit-il, importante à faire au sujet du privilége » des charpentiers et autres ouvriers employés à la construction ou au ra› doub d'un navire, est que, pour être en état de l'exercer, il faut qu'ils aient travaillé par ordre du propriétaire. S'ils n'ont été employés que par un › entrepreneur, à qui le propriétaire ait payé le prix convenu entre eux deux, ils n'ont alors aucun privilége à prétendre sur le navire, et il ne leur reste qu'une action simple contre l'entrepreneur dont ils ont suivi la , foi.......... Tout cela, ajoute-t-il, s'entend néanmoins, si les ouvriers et four› nisseurs ont su que l'ouvrage était alors à l'entreprise, et qu'ils n'avaient affaire qu'à l'entrepreneur. (Cette modification rapproche de la décision du Consulat la doctrine de cet auteur).

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»

Par une déclaration donnée le 16 mai 1747, Sa Majesté veut que, lorsque les négocians font construire un navire ou bâtiment à forfait par un maître > constructeur, les marchands fournisseurs et ouvriers n'aient d'action di> recte que contre le constructeur, sur les ordres duquel ils avaient fourni » ou travaillé pour la construction du navire; sauf à eux cependant à se pourvoir par voie de saisie et arrêt ou opposition entre les mains du pro

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› priétaire armateur, sur la somme qu'il pourra devoir au constructeur, sur laquelle ils auront préférence à tous autres créanciers du constructeur. » Mais cette déclaration du roi n'a pas été enregistrée au Parlement d'Aix. Elle le fut à celui de Bordeaux, sous cette modification: « Faisant droit aux » conclusions du procureur général du roi, ordonne que les marchés à forfait » pour la construction des vaisseaux, ne pourront être mis à exécution, que › par préalable ils n'aient été enregistrés ès greffes des sièges des amirautés. ■

Il n'est rien de si favorable que le prix des ouvrages et fournitures faites pour la construction d'un navire. Le commerce et l'Etat y sont intéressés. Il est juste que les ouvriers et les fournisseurs jouissent du privilége réel qui leur est accordé par l'Ordonnance de la marine, titre de la saisie, art. 16 et 17. On ne peut les priver de ce privilége, que dans le cas où il est prouvé qu'ils ont suivi la foi de la personne, non de la chose.

Claude Frichet avait fait diverses fournitures en fer, pour une pinque que le capitaine Cresp faisait construire, et à laquelle Thomas Bouis était intéressé pour treize quirats. La pinque fut saisie par les créanciers de Cresp, avant que d'avoir mis à la voile. Bouis, qui avait fourni tout son contingent, voulait réduire le privilége de Frichet aux quirats du capitaine. Arrêt du 13 mars 1747, au rapport de M. d'Etienne, confirmatif de la sentence de notre amirauté, qui accorda à Frichet la préférence sur la totalité du navire. Le capitaine Cresp était l'entrepreneur du bâtiment qu'il faisait construire; mais Frichet avait suivi la foi du navire, plutôt que celle de la personne : Navi magis quàm ipsi crediderat.

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Suivant les Arrêtés de M. de Lamoignon, titre des actions personnelles et d'hypothèque, art. 113, celui qui a livré au fermier des grains pour semer, » est préféré au propriétaire, sur les fruits qui en sont provenus. Il est vrai que cette doctrine est beaucoup controversée. On trouve dans Decormis, tom. 2, col. 1221, et dans la nouvelle édition de Duperier, tom. 3, liv. 1, quest. 16, pag. 74, deux arrêts du Parlement d'Aix, qui, pour prévenir les fraudes, accordèrent la préférence au propriétaire, à l'insu duquel la fourniture de la semence avait été faite : ce qui revient au mot domino mandante, des lois ci-dessus citées.

Mais ces lois, dont la décision ne pourrait être alléguée ici que par argument, n'ont la force de faire taire ni la disposition expresse du Consulat de la mer, ni celle de l'Ordonnance maritime. Les charpentiers, calfateurs et autres ouvriers employés à la construction, ensemble les créanciers pour bois, cordages, et autres choses fournies pour le bâtiment, doivent jouir du privilége à eux accordé, à moins que dans le principe on ne les ait avertis en due forme que, s'ils n'ont pas soin de se faire payer par l'entrepreneur, ils n'auront aucun privilége sur le navire, et je ne crois pas qu'un simple enregistrement du traité de prix, fait au greffe de l'amirauté, suppléât à la notification préalable que le Consulat de la mer exige; il veut que cette notification soit faite aux ouvriers et fournisseurs, afin qu'ils ne soient pas trompés.

On a vu ci-dessus que le Consulat de la mer, ch. 23, déclare les ouvriers

Deuxième rang. Donneur à la grosse,

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