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fut prématuré; protestation rationaliste de l'humanité, il dut être vaincu par l'ardeur immense qui entraînait tous les esprits à la croyance d'une intervention divine; mais il devait recevoir du temps des réparations éclatantes. Où incline le monde depuis le xve siècle, au catholicisme ou à l'arianisme?

Cela nous conduit à une proposition fondamentale que l'auteur n'a pas assez développée et justifiée : l'humanité n'a pas d'âge; selon lui, elle doit être considérée comme un homme sans commencement ni fin, toujours jeune, toujours actif. J'admets très-bien que l'humanité n'a pas d'âges charnels, et n'est pas soumise à la décadence physique qui abolit peu à peu l'individu; mais si l'humanité a des âges spirituels, et l'idée de progrès ordonne de le croire, il y a donc pour elle une loi du temps dont il importe de trouver la théorie. Sur ce point, il y a, dans les doctrines de M. Buchez, omission complète ; il importe l'éternité dans les affaires humaines, sans résoudre le problème chronologique.

Nous reprendrons le même défaut de clarté et d'explication pour ce qui concerne le spiritualisme et le panthéisme. C'est un des points les plus vagues et les plus obscurs de l'ouvrage; le panthéisme est assimilé au matérialisme, injurié, accusé d'hypocrisie; tout cela manque de vérité. Le panthéisme. n'est pas le matérialisme, car il ne peut exister qu'à la condition d'un immense effort idéaliste; Spinosa en témoigne. D'un autre côté, le spiritualisme d'une doctrine, qui fait de l'homme une partie hiérarchique de l'univers, n'est-il pas panthéiste? Il nous paraît néces saire soit en retouchant cet ouvrage, que, soit dans d'autres travaux, M. Buchez traite intégralement ce problème.

L'écrivain a parfaitement compris l'étroite union du physique et du moral dans la logique; il a vu que la logique, avant d'être un art, était une loi, un fait naturel, à la fois physique et moral. Cette vue est un progrès sensible sur la psychologie abstraite. Mais par

une préoccupation peut-être inévitable, M.Buchez a trop subordonné les faits intellectuels aux faits physiques; nous espérons que les études ultérieures de l'anthropologie rétabliront l'équilibre et trouveront la loi.

En général et pour terminer nos critiques, M. Buchez voit beaucoup de choses, mais il les voit un peu confusément : il ne maîtrise pas assez les idées qui l'assiégent, et ne s'en montre pas assez le dominateur lumineux. Ainsi l'idée du sacrifice n'est pas nettement posée, et cependant revient souvent sous la plume de l'auteur, qui doit, sur plusieurs points importants, se procurer à lui-même l'évidence pour nous la communiquer.

Mais ce qui ressort du livre avec une récréante clarté, c'est le dévouement profond de celui qui l'a écrit, à la cause de l'humanité. L'auteur s'est consacré à l'enseignement et à la défense de quelques vérités qui lui ont semblé fondamentales; il a devant les yeux

un avenir pacifique promis à l'humanité, l'association qui doit remplacer la guerre et la concurrence en affranchissant le travail de tout privilége, l'égalité naturelle des hommes qui ne reconnaît d'inégalités sociales que celles produites par le mérite, enfin une organisation politique qui reproduise les lois essentielles de l'organisation naturelle de l'homme. A de pareils efforts, à de pareilles idées nous ne saurions répondre que par un cri d'assentiment et de sympathie, et quand même des dissentiments de détail s'élèveraient entre l'auteur et nous, nous en détournerions nos regards pour les fixer uniquement sur les vastes analogies qui nous sont communes. M. Buchez a encore le précieux mérite à nos yeux d'avoir écrit un livre non-seulement substantiel et fort, mais un livre qui en demande un autre, et qui ne peut être que le commencement de travaux ultérieurs. Nous croyons savoir qu'un des amis avec lesquels il émet en commun ses idées et ses études, M. Boulland, prépare une justification histo

rique des principes métaphysiques contenus dans l'Introduction. Nous désirons que le livre de M. Boulland soit suivi luimême d'autres travaux encore. Cet enchaînement d'études est excellent, et peut seul aujourd'hui accomplir quelque chose. Ainsi nous recommandons aux jeunes esprits la lecture attentive de l'ouvrage de M. Buchez, surtout parce qu'il demande des développements, des justifications et des amendements; il contraindra au travail ceux qui l'étudieront, il les fortifiera en leur imposant la nécessité de le comprendre et de le compléter. Toute production philosophique qui voudrait aujourd'hui s'enfermer en elle-même, et prononcer le consummatum est dans le cercle fatal qu'elle aurait éradié autour d'elle, serait fausse par cette prétention.

Faut-il gémir et faire mince état de nousmêmes, parce que nous sommes éloignés d'une solution complète? Dans les dernières années de la restauration, ne crut-on pas

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