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Il se sert d'un des interlocuteurs, Aper, qui s'est fait l'avocat du siècle, pour critiquer vivement Cicéron et son style c'était répondre à ses détracteurs, qui lui reprochaient de n'avoir pas la phrase cicéronienne, et d'écrire suivant les suggestions de son propre génie.

« Les premiers discours de Cicéron, dit Aper, ne sont pas exempts des défauts de l'antiquité : il est lent dans ses exordes, diffus dans ses récits, sans fin dans ses digressions; il tarde à s'émouvoir, s'échauffe rarement, ter mine peu de phrases par un trait heureux et lumineux. Rien à détacher de son ouvrage, rien à retenir; c'est un édifice d'une archi+ tecture grossière, dont les parois solides et durables n'ont pas assez de brillant et de poli. Or l'orateur est pour moi comme un père de famille riche et honorable; il ne suffit pas que son toit le mette à couvert de la pluie et des vents; j'y veux quelque chose pour la décoration et les regards. C'est peu qu'il soit fourni des meubles indispensables aux usages de

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Si donc nous en croyons le grammairien Fulgentius Planciadès, et rien n'empêche de lui prêter créance, Tacite avait écrit des facéties. Cela ne doit pas plus nous surprendre que le Dialogue sur les orateurs: tout grand historien tient nécessairement quelque chose du poète comique.

Jamais homme ne s'est donné plus librement le spectacle des choses humaines : il se sentait venu au monde pour les voir et les écrire. Rien ne lui en interceptait l'intuition nette et vaste : il se gardait libre au milieu de toutes les opinions et de tous les événe⚫ments. Il approuvait beaucoup de maximes chez les Stoïciens, mais il ne s'asservit jamais au rigorisme absolu de cette secte; il croyait à une fatalité continue, menant le monde; mais il accordait à l'humaine liberté un jeu suffisant; philosophe, il se plaisait parfois à raconter les superstitions populaires; il n'aimait ni les Juifs ni ceux des Juifs qui s'appelaient chrétiens, mais il n'avait pas le fanatisme de la ferveur païenne. Un instinct secret, qui

l'attirait vers la Grande-Bretagne et la Germanie, lui dénonçait la ruine prochaine de la société qu'il peignait ; il accepta sans abattement son siècle et sa place; il jouit de l'amitié de Pline, de l'estime des bons, de l'admiration publique, d'une vie longue et de son génie.

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L'art fut le dieu de Tacite. Satisfaire ses vastes facultés par leur application, trouver des idées et des saillies à toutes les faces de son esprit, des sujets où il pût à la fois se montrer éloquent, comique, poëte, savant, tragique, changer le style romain, n'écrire ni comme Cicéron, ni même comme Sénèque qui mourait pendant son enfance, innover dans l'histoire telle que la connaissait l'antiquité, pénétrer pour la première fois dans l'intimité du cœur et de la vie, revêtir un fonds immense de formes aussi pures que celles de Salluste et de Thucydide, voilà sa passion et sa vie. Tacite est questeur, préteur et consul par accident, mais il ne se propose sérieusement que d'être écrivain immortel;

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