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sait de lui à l'époque de la conspiration: Casar in animum induxerat laborare, vigilare; negotiis amicorum intentus, sua negligere; nihil denegare, quod dono dignum esset; sibi magnum imperium, exercitum, novum bellum exoptabat, ubi virtus enitescere posset. « César avait résolu dans son esprit de se montrer laborieux et vigilant, d'être tout aux affaires de ses amis et de négliger les siennes, de ne jamais refuser ce qui valait la peine d'être donné; pour lui-même il désirait un grand commandement, une armée, une guerre où il pût se divulguer tout entier. » Il les avait, le commandement, l'armée et la guerre pendant que Salluste écrivait, et bientôt il reviendra venger et récompenser son historien 1.

Mais voici Cicéron et Salluste face à face; suivons les procédés de l'écrivain. Il a élevé dans le drame de son récit, après le person

1 De Brosses prétend à tort que les deux portraits de César et de Caton n'ont été tracés qu'après coup; ils complètent les deux harangues et occupent une place naturelle dans l'économie du morceau. Salluste a pu retoucher plus tard certains endroits, mais il est évident que sa manière de composer est d'un seul jet et d'une même venue.

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nage de Catilina, deux hommes qui dominent tous les autres, César et Caton; il les a produits comme les deux premières gloires de son siècle, Caton, comme la plus sainte image de la vertu, César, comme le plus étincelant exemplaire du génie : les places sont prises, où mettre Cicéron? Dans un certain milieu entre la grande vertu et le grand génie. Cicéron se remue beaucoup; il fait dans Rome une vigilante police, il prononce dans le sénat une oraison excellente, utile à la république, et que plus tard il a éditée lui-même, orationem habuit luculentam atque utilem reipublicæ, quam postea scriptam edidit; il est non pas un grand homme, non, il est... quoi donc enfin? un excellent consul, optimo consuli. La vengeance est ici d'autant plus cruelle qu'elle ne s'exerce pas aux dépens de la justice, et l'ironie d'autant plus poignante qu'elle paraît plus courte et plus calme. Optimo consuli rabattait terriblement la vanité de Cicéron; c'était comme si SalJuste eût dit : Cicéron, le plus éloquent et le plus vain des Romains, homme nouveau,

sans pensée et sans goût pour la cause démocratique, croyant au génie de Pompée, associant le culte des idées nouvelles de la Grèce et des vieilles formes de la république, attendant Pharsale pour reconnaître César, le plus impolitique des hommes, n'ayant d'autre action que son consulat, et s'étonnant dans tous ses discours d'avoir agi une. fois; optimo consuli.

Salluste achevait les dernières lignes de ce premier chef-d'oeuvre dont les Romains ne jouirent que plus tard, quand César donna de ses nouvelles à l'Italie et à Pompée; il revenait enfin : irrité des injustices du sénat, il avait forcé Corfinium et Branduse; il était dans Rome. Salluste reconnut incontinent dans le vainqueur des Gaules le maître des nouvelles destinées de la république; il lui adressa une lettre ou plutôt un mémoire politique, assemblage de passions vives et d'idées justes, des colères de l'homme de parti et des jugements de l'homme d'Etat. J'en vais donner la sub

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stance. Après s'être excusé sur la nouveauté de cette confidence, il fait la plus amère peinture des fautes de Pompée, de l'oligarchie aristocratique, de Caton, de Domitius, qui ont immolé comme des victimes quarante sénateurs et moissonné la jeunesse ; ce préambule épuisé, il entre en matière.

Les deux fondements de la république sont le peuple et le sénat. Mais le peuple n'est plus guère qu'une multitude sans mœurs, sans traditions politiques, et incapable de gouvernement. Il faut en régénérer les classes par de nouveaux citoyens, et raviver ainsi l'esprit de liberté. Il faut aussi former des colonies où les anciens et les nouveaux citoyens se mêleront. La faction aristocratique s'écriera que c'est violer la constitution que d'imposer l'exil des colonies à des Romains, et que si un seul homme peut faire des citoyens à son gré, la cité libre n'est plus qu'une monarchie; il faut mépriser ces impuissantes clameurs.

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Mais César sera surtout le bienfaiteur de la patrie et du genre humain, s'il peut détruire ou du moins diminuer l'avidité qui se décèle de tous côtés pour l'argent. Les mœurs, la discipline et le génie sont incompatibles avec une semblable avidité. L'homme de bien, quand il voit le mauvais citoyen plus considéré que lui parce qu'il est plus riche, s'indigne d'abord; mais peu à peu l'argent empiétant toujours sur la vertu, il passe lui-même du côté des plaisirs.

L'élection des magistrats est chose importante, et le peuple s'y entend assez bien; la loi de Caïus Gracchus est judicieuse. Ce grand tribun voulait qu'on mît dans une urne les centuries des cinq classes, et qu'elles donnassent leurs suffrages à mesure qu'on les tirerait au sort. Cette égalité de prérogatives engendrait l'émulation de la vertu.

Pour les juges, ne les faire nommer que par un petit nombre serait tyrannique, et ne les choisir que parmi les riches ne serait

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