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est le seul chimiste qui pourrait voir sans étonnement le laboratoire de Braconnot.

Entre les mémoires sur la force assimilatrice, sur l'extractif, sur les corps gras, etc., et les travaux qu'il a publiés durant la période de 1819-1823, il y a donc une différence énorme. Plus d'expression vague, plus d'hésitation, notre chimiste va droit devant lui avec des faits et des raisonnements auxquels le temps n'a rien changé. Une ère nouvelle s'est ouverte pour lui et décidément, Braconnot n'est plus le même homme.

Un changement si radical doit avoir sa cause, et les personnnes qui aiment à rechercher les rapports qui lient les causes aux effets trouveraient ample satisfaction dans l'étude de la vie privée de notre héros. C'est que, son bonheur est maintenant complet; le rêve qu'il poursuivait depuis près de trente ans, est réalisé; il demeure avec sa mère. Plus d'obstacle désormais, car M. Huvet n'est plus... Le laboratoire est installé près de la chambre d'habitation, et l'on travaille sous les yeux de sa mère; et le soir pour ménager la vue de son pauvre enfant, la bonne mère lui lit soit des mémoires de science, soit des œuvres littéraires; elle connait les projets de Henry, et sait au juste où il en est avec ses études; dans ces moments d'abattement et de déception fort connus des chercheurs, elle sait le ranimer et le convier à de nouveaux travaux. Libre désormais de posséder son fils, elle ne le quittera plus des yeux ; elle aura les prémices de toutes ses découvertes; elle sera la première à lire ses publications; heureuse enfin, mais

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heureuse d'un bonheur chèrement acheté, elle pourra, avec quelque raison, répéter ce vers que l'historien Grotius avait gravé, le jour de sa fuite, sur les murs de sa prison :

"J'ai assez souffert pour avoir le droit de ne jamais dire je suis trop heureux. "

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Le fondateur de la chimie des principes immédiats est, sans contredit, Scheele qui fit pour les acides organiques ce que Priestley a fait pour les gaz. Avant le phlogisticien anglais on confondait avec l'air tous les gaz alors connus, et, si l'on excepte Black et Cavendish, les chimistes les plus distingués de l'époque n'admettaient pas qu'il y ait une grande différence entre l'air atmosphérique et l'air inflammable que nous appelons hydrogène, entre l'air atmosphérique et l'air fixe que nous appelons aujourd'hui acide carbonique. Pour eux, ces gaz étaient de l'air modifié par une substance étrangère (1); si bien qu'en 1793, Beaumé engage les chimistes non à s'éclairer

(1) Kopp. Geschichte der Chemie, t. III, p. 184.

sur la nature de ces gaz, mais à reconnaitre la matière étrangère qui est mêlée à l'air atmosphérique et lui communique les propriétés diverses qu'on avait constatées.

Une opinion analogue régnait au sujet des acides végétaux ; tous étaient de l'acide acétique, sauf à expliquer les différences qu'on avait remarquées entre eux, en faisant intervenir à propos une matière organique inconnue qui masquait, pensait-on, les propriétés de l'acide acétique. Bien que cette théorie eût été renversée par les immortelles découvertes de Scheele, elle a laissé un long écho dans nos traités. Fourcroy et Vauquelin l'appliquèrent encore, au commencement de ce siècle, à la constitution de l'acide formique, de l'acide maléique, et de l'acide lactique; nous avons vu que cette interprétation a persisté jusque dans ces derniers temps, puisqu'en 1830 la constitution spéciale de l'acide lactique était encore un sujet de controverse.

En 1769, Scheele adresse à l'Académie des sciences de Stockholm un mémoire dans lequel il étudie l'acide tartrique et le fait connaitre comme acide particulier, distinct de l'acétique. Découragé un instant par des procédés dont la recette n'est malheureusement pas perdue (Doc. VIII), il suspend ses publications; mais en 1775, il les reprend pour ne plus les interrompre. A côté des découvertes telles que l'acide cyanhydrique, le chlore, le manganèse et la baryte dont nous n'avons pas à nous occuper ici, il fait connaitre l'acide benzoïque, et découvre l'acide lactique dans le lait aigri, l'acide citrique dans le jus de

citron, l'acide malique dans les pommes; il isole la glycérine et la transforme en acide oxalique que déjà il avait obtenu en traitant le sucre par l'acide nitrique.

Sous le rapport des principes immédiats, Scheele eut en Allemagne des continuateurs qui le suivirent de loin. Il n'en eut pas d'abord en France où les chimistes étaient fascinés par le génie et les découvertes de Lavoisier. Les travaux que Scheele avait exécutés dans le domaine de la chimie minérale y étaient mieux appréciés; car l'humble apothicaire de Koping avait de son côté isolé et reconnu l'oxygène et l'azote. Ce n'est que vers la fin du dix-huitième siècle que l'on voit des chimistes français occupés de recherches de chimie organique. A leur tête brille Fourcroy, en collaboration de son ancien garçon de laboratoire qui fut Vauquelin. Une seule chose est restée de cette collaboration; une école distincte de celle de Lavoisier: faisant peu de cas de la balance, elle émettait des opinions et construisait des théories sans trop les vérifier. Elle était représentée par des travailleurs infatiga– bles, empruntant au hasard leurs sujets d'étude, toujours pressés de conclure et se laissant dominer par des opinions préconçues sans avoir l'excuse d'obéir à une idée directrice ou à un système.

Cette école, quelque peu empyrique, avait pour chef l'éloquent Fourcroy et pour tribune l'Ecole de Médecine et le collège de Pharmacie. L'école rivale avait des moyens d'action plus restreints, mais elle avait pour elle un fil conducteur et le génie de Lavoisier. Les lois de Wenzel

et de Richter qu'elle allait bientôt adopter la confirmaient de plus en plus dans cette tendance vers les sciences exactes, tendance en si bonne harmonie avec l'établissement où elle avait son temple : l'Ecole polytechnique. Aussi Berthollet trouva-t-il de l'écho dans cette institution où déjà il avait remarqué le jeune Gay-Lussac.

Ainsi, d'une part on faisait de la chimie sans critique, sans critérium et sans le concours de la balance, tandis que de l'autre on procédait systématiquement, balance en main, persuadé que dans la nature rien ne se crée, rien ne se perd.

On peut donc dire qu'à son arrivée à Paris, le jeune Braconnot trouva deux chimies distinctes, bien que toutes les deux dérivassent de la chimie de Lavoisier, l'une quantitative, l'autre qualitative. Nous avons vu dès son, second mémoire qu'il était partisan de celle-ci, mais. comme Vauquelin et d'autres bons esprits, il ne lui resta pas toujours fidèle.

Le moment qu'il choisit pour s'essayer dans une autre voie coïncidait précisément avec celui où la chimie des principes immédiats était à son apogée, 1819 1820, dates de la découverte de la strychnine et de la brucine, de la vératrine, de la quinine, de la cinchonine, etc.

Bien que notre chimiste n'eût aucune part, directe à la découverte de ces alcaloïdes, il n'était pas moins le représentant le plus éminent de tous ceux qui s'occupaient de recherches de chimie végétale. De 1806 à 1819 nul ne publia plus de travaux dans la manière de Fourcroy,

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