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St les Gaulois n'avaient pas professé la même religion

que les Franks, leurs vainqueurs, ils seraient probablement tombés dans le même état de sujétion, d'avilissement et de misère, que les Grecs du bas empire, sous la domination turque, ou les Juifs, nation seulement tolérée dans les Etats chrétiens.

Il ne suffit donc pas à un peuple de conserver son existence physique, ses coutumes, et même ses lois civiles. Là où il n'existe aucuns droits politiques, les droits privés ne sont pas garantis; là où le vainqueur ne désarme pas, l'état de guerre subsiste; il ne peut pas y avoir de fusion.

A l'égard des Gaulois, la férocité naturelle des Franks se trouva comprimée par leur conversion au christianisme; en cela les Franks subirent la loi des vaincus. Le lien de la religion fut si puissant, que bientôt les Gaulois catholiques acquirent, auprès des vainqueurs, toute l'influence que donnent des lumières supérieures.

Les Rois franks furent de bonne heure subjugués par le clergé; tous les ecclésiastiques étaient Gaulois, tous. suivaient la loi romaine et les institutions impériales, à l'ombre desquelles, depuis Constantin, ils avaient vu leur influence s'accroître.

(1) Voyez le commencement, préface du tome V, p. 1–88,

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Les princes Mérovingiens n'avaient aucun intérêt à abolir les lois sous lesquelles vivaient les Romains; au contraire, ils trouvaient dans cette législation un pouvoir et des attributions vraiment royales.

Les Gaulois, façonnés depuis plus de trois siècles au régime du pouvoir absolu dés Empereurs, déshérités du droit de représentation qui est de l'essence de tout bon gouvernement, virent dans la royauté de Clovis la monarchie sans contre-poids, renfermant en elle-même le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, et le pouvoir judiciaire.

Clovis se hâta donc de confirmer les lois romaines. Ce fait est prouvé par la convention faite avec les Gaulois de la confédération des Armoriques, en 493, et attesté par Procope. Ceux-ci ne réclamèrent pas d'autre garantie de l'accomplissement de cette promesse, parce que les Franks s'étaient tous convertis au christianisme; les évêques et le clergé, suivant la même loi qu'eux, étaient assez forts pour la faire respecter (1). Les garnisons romaines qui restaient encore dans les Gaules, ne pouvant plus retourner dans leur patrie, se réunirent aux Armoricains et aux Franks, et conservèrent leurs lois (2). Clotaire, en confirmant la loi romaine par une disposition formelle de la constitution de 560, ne fit que déclarer l'état préexistant (3).

"

Les Gaulois virent dans Clovis le représentant des empereurs. Anastase en revêtant le roi des Franks, de

(1) Χριστιανοί γαρ αμφότεροι οντες ετυγχανον.

(2) Νόμοις τε τοις πατριοις εσαει χρώνται.

(3) Inter Romanos negotia causarum romanis legibus præcipimus terminari (Art. 4.)

la dignité de consul et d'Auguste, lui conférait tous ses pouvoirs.

Clovis s'empressa d'accepter ces titres; il les prit avec grande solennité, et, pour frapper davantage l'esprit des Gaulois dont il était devenu le coreligionnaire, il revêtit la tunique de pourpre et la chlamide, et il ceignit le diademe, dans la métropole de Tours (1). Après cette cérémonie, il monte à cheval, et répand de sa propre main l'or et l'argent parmi le peuple immense qui accourait sur les pas du vainqueur des Visigoths.

Dès ce moment, dit un historien contemporain, il fut universellement célébré comme consul et comme Auguste (2), c'est-à-dire, que tous les sujets de l'empire dans les Gaules le regardèrent comme leur souverain légitime.

Voilà un fait que l'abbé Dubos a bien observé, et dont il a raison de conclure que la monarchie des Franks s'établit plutôt par soumission et par voie de cession, que par voie de conquête.

La conquête est un fait irrécusable sans doute, mais là où il n'y eut pas de combat, peut-on dire qu'il y ait

Ces lois avaient été également confirmées pars Thierry, loi des Ripuaires, tit. LVIII.

Secundum legem romanam libertate voluerit etc... jubent tabulas secundum legem romanam, quâ ecclesia vivit.

C'est d'ailleurs un fait législatif qui n'est contesté par personne. V. Ducange, v° lex mundana.

La législation romaine est encore confirmée par un capitulaire de Charles-le-Chauve de 864.

(1) Chlodovechus ab Anastasio imperatore codicillos de consulatu accepit et in basilicâ beati Martini tunicâ baltea indutus est et chlamide, imponens vertice diadema. (Grégoire de Tours, liv. II, ch. 38, qui en fut peut-être témoin oculaire.)

(2) Ea die, tanquam consul aut Augustus est vocitatus. (Grégoire, ibid.)

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eu servitude et sujétion absolue, comme l'a prétendu Boulainvilliers?

Les Gaulois étaient si peu les ennemis de Clovis depuis sa conversion, que ce sont eux qui l'appelèrent dans les pays occupés par les Visigoths (1).

Aussi se garda-t-il bien de prendre les trois quarts de leurs propriétés comme l'avaient fait les Visigoths, ou la moitié comme les Bourguignons. Clovis se contenta des domaines et des revenus de l'empire, et c'était une assez belle conquête, pour un prince et pour une nation aussi pauvres.

Clovis ne tarda pas à s'apercevoir que si les Gaulois n'étaient pas aussi braves que les Francs, ils étaient des sujets plus commodes et moins turbulens, et qu'il poupouvait les régir facilement.

L'instrument législatif était dans ses mains.

La religion catholique était depuis long-temps dominante. Les lois du culte obligeaient tous les Gaulois; les évêques étaient les organes de cette puissance, à la fois politique et religieuse. Que fit Clovis, il assembla un concile. Nous dirons ailleurs dans quelles circonstances ce concile fut réuni, et ce qu'il fit.

Ainsi, quand même Clovis, comme roi, comme lieutenant de l'empereur, n'aurait pas obtenu une puissance souveraine sur les Gaulois, ses nouveaux sujets, il pouvait, par le concours du clergé, commander à

tous.

Les Gaulois gagnèrent à l'introduction de ce nouveau mode d'exercice de la puissance législative; car enfin, puisqu'ils élisaient leurs évêques, ils étaient véritablement représentés; le clergé formait un corps intermé

(1) Multi jam tunc ex Gallis habere Francos summo desiderio cupiebant. (Grégoire de Tours, liv. II, ch. 36. )

diaire assez fort pour le protéger contre le conquérant, ou plutôt contre la nation conquérante. S'ils n'avaient pas eu ce point d'appui, ils seraient devenus les esclaves des Franks, de véritables parias, comme les Juifs.

Mais par ce moyen, ils conservèrent des droits politiques, ils se maintinrent libres; ils ne tardèrent même pas à partager avec les Franks, tous les avantages sociaux; car ils parvinrent comme eux à tous les emplois, même aux plus élevés; et lorsque les successeurs de Clovis, oubliant ce qu'ils devaient à leur nation, voulurent s'entourer d'une garde spéciale, d'une espèce de milice de janissaires, lorsque le titre de leude ou de fidèle, qui signifiait compagnon, fut changé en celui d'antrustion, c'est-à-dire d'homme engagé par la foi d'un serment de vassalité, qui n'était plus celui que tout citoyen doit au premier magistrat de la patrie; alors les Gaulois des familles riches, obtinrent d'être reçus comme les Franks, dans le corps des antrustions. La formule que nous a conservé Marculf, de cette réception, et les témoignages historiques, ne permettent pas d'en douter.

L'acte du concile d'Orléans, ayant été revêtu de la sanction du prince, devint la loi commune qui liait les deux nations; car on ne saurait douter qu'elle n'ait obligé les Franks aussi bien que les Gaulois.

Les Franks, il est vrai, auraient pu objecter que leur prince ne pouvait statuer rien de législatif à leur égard, que dans l'assemblée du champ de Mars.

Mais furent-ils assez instruits pour pénétrer tous les effets de cette innovation, qui bientôt fit tomber en désuétude leurs assemblées? Il est permis d'en douter; le respect qu'ils portaient aux évêques les en aurait empêchés; d'ailleurs étaient-ils assez forts pour arrêter les usurpations d'un prince qui, en acquérant un

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