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que je pourrai prendre fur moi de l'oublier. Oui, je l'efpere, ami....J'éprouve cependant au fond de mon cœur un fentiment qui contredit cette efpérance.

[Le théâtre change, & l'on voit Mellefont & Sara dans la chambre de celle-ci. Mellefont l'engage à recevoir la vifite de Marwood, fous le nom de Lady Solmes, fa parente. Elle y confent avec une douceur qui commence à rendre odieufe la difiimulation de Mellefont & fa complaifance aveugle pour la fcélérate Marwood. Il fort, Vaitwell paroît.] Que m'apportestu, Vaitwell, dit Sara toute émue ? Ah! je t'entends; tu viens m'apprendre la mort de mon pere. Il est donc mort le meilleur des peres, & le plus vertueux de tous les hommes; il n'eft plus, & c'eft moi qui ai avancé fa derniere heure.

(Vait.) Ceffez de vous tourmenrer votre pere n'eft pas mort; le refpectable Sir Sampfon vit encore. (Sara) Eft-il bien vrai, mon cher Vaitwell? Ah, puiffe-t-il vivre long

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tems! Que dis-je! Que ne puis-je ajouter un feul moment à fa vie, aux dépens de toute la mienne! Mais affure-moi qu'il ne lui a pas été douloureux de vivre fans moi, qu'il a oublié fans peine fa fille infortunée & coupable, que ma fuite l'a plus irrité qu'elle ne l'a affligé, qu'il m'a donné fa malédiction, &....

(Vait.) Sir Sampfon eft toujours un pere tendre, & vous vous aimez tous deux autant que jamais.

(Sara) Que dis- tu, Vaitwell? C'est le plus grand malheur dont je puffe être accablée. Quoi ! il a confervé toute fa tendreffe pour moi? Il me plaint il me regrette! Non, je ne faurois le croire : tu ne vois donc pas combien fes foupirs augmentent mon crime. La justice célefte doit fe venger fur moi des douleurs que je lui ai coûtées; chacune de fes larmes a renouvellé mon crime & mon ingratitude. Je frémis de cette penfée. Moi, que j'aye pu lui coûter d'autres larmes que des larmes de joie !...Ah ! Vaitwell, dis-moi le contraire: mon pere a éprouvé fans doute quelque reffentiment, mais

ce reffentiment a été peu durable; il ne lui a point arraché des pleurs ? Réponds-moi donc.

(Vait. s'effuyant les yeux.) Non, Mademoiselle.

(Sara) Hélas! tes pleurs démentent ce que ta bouche prononce. (Vait.) Prenez cette lettre, elle est de lui.

(Sara) De qui? De mon pere! A moi! Donne - la moi, mon cher Vaitwell; mais ne pourrois-tu pas me dire ce qu'elle contient?

(Vait.) Amour & pardon.

(Sara) Ah Ciel! amour & pardon. C'eft la tendreffe dont cette Lettre eft remplie, qui m'ôte la force de la lire.

[ Ce fentiment eft rempli de délicateffé & de vérité; mais le Poëte l'a affoibli en l'exagérant. Le refus que fait Sara de lire la lettre de fon pere, engage Vaitwell à ufer d'un détour qui prolonge encore la fcene & qui la refroidir. Les premiers mouvemens de fon ame doivent être la confufion, la crainte, le reproche d'ingratitude & le plus vif attendriffement, mais

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ces mouvemens doivent être rapides & l'impatience de lire fa grace, écrite de la main de fon pere, de baifer d'arrofer de fes larmes les caracteres de cette main chérie, doit l'emporter l'inftant d'après. Cette fcene a tout ce qu'il faut pour être excellente; il n'y a que l'excès à retrancher. ]

(Sara) Je vais lire cette lettre de mon pere. Que je fuis attendrie! Vait.) Ah, s'il pouvoit la voir! (Sara en lifant Quel pere! il

nomme ma faute une abfence. Combien ce mot trop doux me rend coupable! Ecoute. Il fe flatte que je l'aime encore! Il fe flatte ! Il me prie.....moi. fa fille, & fa fille coupable! De quoi me prie-t-il? D'oublier fa rigueur précipitée & de ne l'en pas punir plus long-tems par mon abfence....Il veut venir & ramener lui-même fes enfans....fes enfans, Vaitwell! C'est audeffus de tout. Mais ai-je bien lu? Je fuccombe à mon attendriffement. Il dit que celui fans lequel il n'auroit plus de fille, mérite trop bien d'être fon fils. Oh, pourquoi l'a-t-il eue cette malheureufe fille!

Elle dit à Vaitwell d'aller attendre fa réponse; elle va écrire. Mellefont arrive avec Marwood, & dans cette entrevue Maryvood diffimule fa rage fous l'air de la bienveillance; mais à la nouvelle que Sir Sampfon pardonne à fa fille & à fon raviffeur, & furtout à l'afpect des larmes de joie & de tendrelle qui coulent des yeux de Mellefont en lifant la lettre du pere, Marwood pâlit, tremble, est suffoquée & fe fent prête à s'évanouir. Mellefont lui donne le bras pour la foutenir, & part avec elle. Sara fort elle-même à l'instant pour aller trouver Mellefont.

La fcene change, & l'on voit Sir Sampfon pénétré de joie de ce qu'il vient d'apprendre de Vaitwell; il le prie de retourner vers fa fille & de lui rapporter fa réponse auffi-tôt qu'elle fera prête.

Le quatrieme acte ouvre par une fcene tendre de Mellefont avec Sara. Celle-ci éprouve au milieu de fa joie de funeftes preffentimens que Mellefont tâche de diffiper. Ils fe féparent pour écrire chacun de fon côté ; & Mellefont refté feul, expofe dans un

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