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toit celle de mon pere. O Cicl! ne m'auroit-il donc pas oubliée ! N'aurois-je plus la confolation de croire qu'il ne penfe plus à fa fille ! C'est la feule qui me refte: & quelle confolation pour la tendre Sara! Mais écoutez, Mellefont, j'ai voulu me retourner au fon de cette voix chérie, le pied m'a manqué. Fallois être précipitée, lorfque j'ai été retenue par une femme. Je me préparois à lui marquer ma reconnoiffance, elle a levé les bras fur moi & m'a enfoncé un poignard dans le fein. Je ne t'ai fuivie, m'a-t-elle dit, que pour te don ner la mort.

V

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[ Mellefont tâche de la raffurer mais elle le preffe de rendre leur amour & leur union légitimes. Ce n'eft pas le monde, c'est le Ciel qu'elle craint; ce n'eft pas fon honneur, mais fa vertu, qui l'intéreffe. Rien de plus touchant que la priere qu'elle fait à fon amant de lui rendre fon innocence. Il s'excufe fur la fituation où le réduit le caprice d'un oncle qui ne lui a laiffé fon bien qu'à condition qu'il époufera la femme qu'il lui a destinée. Il de

mande quelques jours encore pour terminer avec cette femme un accord qui le difpenfe de l'époufer. C'eft de partager avec elle l'héritage de fon oncle. Cet accord une fois conclu, it fe propofe de paffer en France avec Sara, pour y célébrer leur union. ]

(Sara) Hé quoi! ce mariage ne se fera donc pas dans mon pays? Cruel! j'abandonnerai ma patrie comme une criminelle! Dans cet état, croyez-vous qu'il me reste affez de courage pour me hafarder fur la mer? Il faut être plus tranquille ou plus corrompue que je ne le fuis, pour foutenir un feul inftant l'idée de n'être féparée de l'abîme que par une planche. Chaque vague qui frappera notre vaiffeau, femblera m'annoncer la mort; je croirai que les vents m'apporteront les malédictions de mon pere.

[ Mellefont allegue de mauvaifes raifons pour fe difpenfer de l'époufer en Angleterre elle en eft alarmée ; mais il ranime fa confiance, en lui rappellant l'obligation qu'il lui a de l'avoir ramené de fes égaremens, & fur-tout de l'avoir retiré des pieges de

la dangereufe & méprifable Marwood qu'il a aimée éperduement & qui a ruiné fa fortune.

Dans ce moment on lui remet une lettre; Sara fe retire pour le laiffer libre. Il lit, c'eft Mifs Marwood ellemême. Il frémit à chaque mor. Cette femme défefpérée d'être trahie, l'a cherché, l'a découvert. Elle arrive, elle lui propofe de l'aller trouver ou de l'attendre: il fe détermine à la prévenir.

Dans le fecond acte, la fcene fe paffe dans la chambre de Mifs Marwood. Elle attend Mellefont avec inquiétude, fe prépare à le féduire, à l'engager de nouveau, à l'enlever à fa rivale, ou à fe venger de l'un & de l'autre. Elle a un gage de l'amour de Mellefont; c'eft Arabelle, jeune enfant, qu'elle a menée avec elle & fur qui elle fonde fes efpérances pour regagner le cœur de Mellefont. Il arrive, elle le reçoit comme l'amante la plus tendre. Il fe refufe à fes embraffemens.]

(Mell.) Je ne m'attendois accueil

pas

à cet

(Marw.) Et quel autre accueil pouviez-vous attendre de moi? Efpériezvous éprouver plus de tendreffe, des tranfports plus vifs? Que je fuis malheureufe de ne pouvoir peindre ce què je fens! Mon cœur palpite de joie en vous voyant. Quelle fatisfaction de vous preffer encore fur mon fein! Voyez couler mes larmes.

[Tout l'artifice d'une femme fans pudeur eft employé dans cette fcene. Mellefont lui réfifte long-tems & lui répond même avec dureté; mais plus il lui fait voir d'indignation, plus elle s'arme, pour le féduire, de patience & de douceur. Elle lui pardonne tout, & confent à lui donner le tems de fe dégoûter de fa nouvelle conquête. Elle feint de vouloir lui rendre tous les préfens qu'il lui a faits; il refufe de les reprendre; elle infifte. Ce défintéreffement l'étonne & commence à l'at→ tendrir; il veut s'éloigner, elle lui retrace les premiers momens de leurs amours, ou plutôt de leurs plaifirs, avec les couleurs les plus vives, & finit par lui demander le feul bien

qu'elle peut recevoir de lui fans rougir la inort.]

{Mell.) Cruelle je donnerois encore ma vie pour vous. Oui, demandez-la moi, mais ceffez de prétendre à mon amour. Je dois vous abandonner ou être en horreur à la nature entiere; je ne fuis déja que trop coupable d'être auprès de vous & de vous écouter. Adieu.

[Marwood, après avoir épuifé toutes les reffources de la féduction, envoie chercher fa fille Arabelle, qui vient fe jetter aux pieds de fon pere.]

(Marw.) Viens, ma fille, viens, ma chere Arabelle, vois ton ami, ton protecteur, ton....Ton cœur te dit fûrement qu'il eft encore plus que ton protecteur

& ton ami.

(Mell.) Dieu, que deviendrai-je! (Arab. avec timidité.) Hélas! Monfieur, eft-ce vous? Eft-ce notre cher Mellefont? Non, Madame, ce n'est pas lui. S'il étoit vrai, il me prendroit dans fes bras, comme il faifoit autrefois. Serois-je affez malheureufe pour l'avoir offenfé, cet homme fi cher, qui me permettoit de me nommer fa fille?

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