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union, le malheureux enfant qu'elle portoit dans fes flancs. Que de larmes elle répandit! que de marques de défespoir me donnoient fes mains étendues vers le ciel & vers moi ! Ayezmoi en horreur... je ne fuis plus fait pour vivre avec des hommes. Oifeaux, ne chantez pas quand je travaille, fuyez l'endroit où je fuis comme un defert qu'infectent les cadavres.

Yariko fanglotte à ce récit, elle croise fes mains fur la tête, & fe dé. fefpere à mesure qu'elle s'éloigne de la côte. Inckel... mon bien-aimé... tu pleures ton infidélité... tu pleures, ah! je te la pardonne. Pourquoi m'éloigné-je de toi! Ne te reverrai-je ja

mais... & l'enfant que je porte eft-il condamné à ne jamais fourire dans tes bras paternels, à ne jamais bégayer le doux nom de pere? Ah! que ne puisje à tes côtés partager la moitié de ton malheur ! & quand tu ferois épuifé de fatigue, effuyer la fueur de ton front. Ce furent là les plaintes d'Yariko. Cependant on perd le rivage de vûe, les yeux n'apperçoivent plus que l'immenfité de la plaine liquide,& enfin elle

voit à travers un brouillard épais fortir de loin le rivage natal.

Le fort d'Inckel étoit toujours le même; la trifte pensée de fa méchanceté avoit creufé des rides fur fon front; le repentir & les remords, le fouvenir des vertus & de la tendreffe d'Yariko avoient rallumé l'amour dans fon cœur. Où es-tu, Yarico? Je t'ai perdue pour jamais, toi! & mon enfant..... jamais il ne me nommera fon pere... fi ce n'eft peut-être pour frémir d'horreur quand tu lui apprendras combien ce pere fut barbare. Que je fuis à plaindre! ce que j'ai de plus cher au monde ne peut fe rappeller mon idée qu'avec tous les tranfports de la haine & du défefpoir & lorfque mon nom échappera à leur voix plaintive, autour d'eux tout recevra l'empreinte de l'épouvante.

Le malheureux Inckel vécut ainfi un an entier. Un foir il étoit couché fous un arbre, au clair de la lune, & il verfoit des pleurs. Un chef d'efclaves vient le trouver, & lui ordonne de le fuivre. Il le conduit au jardin du Gouverneur de l'ifle. Inckel, lui dit celui-c

celui-ci, tes remords & ton repentir ont fléchi le ciel; on vient de m'apporter les préfens les plus riches pour ta rançon. Inckel l'écoute triftement, la douleur qui fiege dans fon cœur & fur fon front en défend l'entrée à tout sentiment de joie. Eh quoi! lui demande le Gouverneur, tu ne reffens aucune fatisfaction de recouvrer la liberté? Seigneur, répondit Inckel, les yeux baillés & mouillés de larmes comment mon ame pourroit-elle s'ouvrir à la joie & à l'efpoir d'obtenir grace du ciel? Infortuné ! les foupirs continuels d'une maîtreffe trahie, les cris d'une innocente créature ne fe reproduifent-ils pas tous les jours pour m'accufer? Moi! je fentirois ce doux treffaillement du plaifir, moi qui fuis rongé de l'horreur que je m'infpire à moi-même ! Où trouver le bonheur? Que dis-je, où trouver le repos? En eft-il encore pour moi? Ah! plutôt daignez permettre, Seigneur, que je refte accablé fous le châtiment de mon crime, daignez permettre que je refte votre efclave. Inckel fe tut; auffi-tôt les branchages de quelques arbres qui étoient proche de lui s'agiterent; une

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perfonne en fortit avec précipitation; c'étoit Yarico fuperbement vêtue, des plumes de différentes couleurs garniffoient fa robe, fes cheveux étoient entrelacés de fleurs, un jeune enfant repofoit fur fes bras. Ah! mon cher Inckel, s'écria-t'elle en fanglotant, & elle court à lui, le preffe contre fon enfant & contre fon fein. Ah!... cher amant, ne te refuse pas à mes careffes, c'est moi qui te rachette de l'efclavage; voici ta fidelle époufe, voici le bel enfant qui te doit le jour. Inckel tombe à fes genoux, les embraffe; le faififfement lui ôte pendant quelque tems l'ufage de la parole. Ah! Yariko.... tendre époufe... & tu ne recules pas d'épouvante à ma vûe! & c'eft toi qui me donnes la liberté ! Quoi tu peux aimer encore fi tendrement un homme qui a commis la plus détestable trahifon, un homme qui eft indigne que tu laiffes tomber fur lui un regard, fi ce n'eft un regard de haine & de mépris.... Leve-toi, mon bien-aimé, reprit Yarico, ne differe plus d'embraffer ton époufe, & de donner à notre enfant la bénédiction paternelle,

ARTICLE V.

LETTRE d'un Mathématicien Italien à M*** D. L. A. R. D. S.

CE

ETTE lettre nous a été com→ muniquée par le Géometre même à qui elle a été adreffée; l'importance de fon objet & plus encore les vues utiles & nouvelles qu'elle renferme, nous ont déterminés à l'inférer dans notre Journal. Nous n'avons pas lieu de craindre qu'on nous accufe d'avoir en cela moins confulté notre zele pour le progrès des connoiffances humaines, que l'envie de cenfurer & de déprimer un ouvrage estimable. Les procédés que nous avons conftamment fuivis & dont nous nous promettons bien de ne nous écarter jamais, n'annoncent, nous ofons le dire, que l'amour le plus courageux pour les Lettres, beaucoup de refpect pour ceux qui s'y diftinguent, & la plus grande impartialité envers tous ceux qui les cultivent. Malheur à tout Journaliste qui d'un des plus utiles exercices de

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