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touchant nos affaires, ce que vous pensez des circonstances et de l'état des esprits1. »

Quels sont ces prêtres à l'un desquels le penseur indépendant s'ouvre ainsi sur les hommes, les dieux, sur ces livres qu'avec malice il montre épluchés par le frate, et, admirez l'insinuation prudente,

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sur le pape dont Jérôme se permet de dire « ce qu'on ne pourrait dire que du plus grand des scélérats » ?

C'est à Rome qu'il faut chercher la réponse aux questions posées par cette épître.

1. MACHIAVEL, Correspondance, Lettres familières, lettre II, A un ami. 2. Squadernati.

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Il faut la visiter avant la réaction, qui, par contrecoup du protestantisme, suivit le concile de Trente. Rome dut proportionner sa résistance à l'attaque, qui la forçait à concentrer son dogme et sa discipline. D'où ce réveil de foi chrétienne dans l'Église, qui jeta tant de splendeur au dix-septième siècle. Mais, à la fin du quinzième, dit très bien un éminent critique, il s'était fait en Italie « un dix-huitième siècle anticipé que les érudits n'ont pas aperçu, car ils l'on travesti misérablement ».

Mais Rome se retournait parfois contre ces tendances philosophiques, même avant que la Réforme eût mis tout à fait en éveil sa vigilance. Elle s'arrêta par moments sur la pente où la Renaissance l'entraînait. Ainsi Paul II (1464-1471) supprima l'Académie romaine, fondée par Pomponius Lætus, et qui, autorisée de nouveau,

1. Morgante Maggiore, c. 11, st. 7. 2. M. PHILARETE CHASLES.

exerça dans les premières années du seizième siècle une influence considérable.

Ce Pomponius Lætus s'appelait Giulio Sanseverini. Bâtard d'une noble famille napolitaine, il s'était rebaptisé d'un double nom classique. Arioste, avec sa verve mordante, a raillé ce travers commun parmi les savants de l'époque.

« Le nom, dit ce poète à Bembo, le nom d'apôtre et de saint que ton père te donna, quand il te fit chrétien par l'aspersion de l'eau sainte, tu le changes en Cosmicus, en Pomponius. Pierre devient Pierius, et Jean Janus ou Jovien,... comme si le nom abusait les bons juges, et qu'il eût, pour te faire poète, plus de vertu que l'étude et les longs labeurs 1. »

Une telle infatuation ne surprendra point l'engouement romantique se produisit ainsi naguère par l'imitation d'un autre passé. Les clercs d'avoué jurèrent par leur bonne lame, ou insérèrent dans leur prénom de Jean l'h de la gothique orthographe. Le Moyen-Age eut sa Renaissance éphémère, grâce à l'étude, au culte esthétique d'une tradition méconnue. Les fils de Voltaire retournaient à l'Église, par goût de l'ogive au moins, comme, pour l'amour du grec, tel lettré du quinzième siècle embrassait le paganisme, singeant de son mieux un type de l'antiquité classique. Pomponius se modelait sur Diogène.

<< On le voyait, dit Paul Jove, descendre du Quirinal, vêtu d'un petit manteau troué et une lanterne à la main. Les plus savants,

1. ARIOSTE, satire VII.

les plus nobles accouraient dans son grenier, et, comme il n'avait pas un nombreux domestique, chacun mettait la main à la cuisine, puis on dînait en riant de Dieu et du diable, des moines et des saints. >>

Fondée par ce nouveau cynique, l'Académie romaine réunissait les lettrés les plus illustres: Serafino Aquilano l'improvisateur, Buonaccorsi dit Callimachus Experiens, l'évêque Paolo Cortese, Pierre Gravina le poète, et ce Platina, caustique historien de la cour papale, qui subit la torture à la suite du complot de Luca Tozzi. Impliqués dans cette conjuration pour leurs tendances républicaines, les membres de l'Académie n'eurent pourtant nulle part au dernier effort de ce tribun, héritier avoué d'Arnaud de Bresse et de Rienzi. Un de ces savants, Agostino Campana, ne put soutenir les douleurs. de la question: il mourut entre les mains des tourmenteurs pontificaux. L'innocence des libres-penseurs fut reconnue, et Sixte IV permit bientôt la réouverture de leurs assemblées.

Jusqu'à quel point leurs théories autorisaient-elles les craintes de la papauté, occupée alors à consolider son pouvoir temporel, si longtemps contesté dans Rome même au nom des traditions républicaines ? Les trois Milanais qui, vers ce temps, poignardaient Galeas Sforza, tenaient peut-être de leur maître Colas de Montani la théorie du tyrannicide, qu'ils pratiquèrent contre un monstre avec une héroïque bonne foi. Jusque dans l'horrible mort de l'un d'eux, on sent l'arrangement, la pose classique,

guindée au sublime, mais l'atteignant cette fois... « Mors acerba, crie le jeune Olgiati, pendant que le bourreau lui arrache la peau de la poitrine, fama perpetua, stabit vetus memoria facti! » Ce n'est pas une des moindres curiosités de l'époque, que ce culte de l'antiquité suspect à certains papes, comme aux mystiques qui s'élevèrent contre Rome au nom de la démocratie chrétienne. Savonarole, non moins que Paul II, le condamne, brûlant les livres classiques, les tableaux mythologiques ou profanes. Même après la persécution dont elle poursuivit les Académiciens de Rome, et quand elle encouragea leurs travaux d'antiquaires, la papauté ne pouvait se défendre de toute appréhension.

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Contemporains volontaires de ses gloires, ces érudits revivent dans Rome païenne; ils fouillent les ruines comme les doctrines de l'antiquité, mal couverts d'une orthodoxie extérieure. Pourvu qu'ils admettent le fait de la révélation, ils s'attribuent, au nom de la raison pure, le droit de discuter les bases de la croyance chrétienne : le Dieu personnel, l'immortalité des âmes. N'admettant ce dernier dogme que sous la foi de l'Église, Pomponace distingue déjà entre les témoignages de l'autorité et les négations ou les doutes de la raison. Séparation redoutable, que Rome n'a pas admise, parce qu'elle isole par trop d'un étai nécessaire ses dogmes controversés. Les humanistes rompent les barrières traditionnelles. Spiritualistes, ils préfèrent le Phédon à l'Évangile; sen

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