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la même que celle qui existe entre la cire et la figure que lui imprime le cachet 1.

Parmi nos idées, les unes me semblent nées avec nous ou innées, les autres venues du dehors ou adventices, les troisièmes inventées par nous-mêmes ou factices 2.

Des idées innées.

Quand je dis qu'une idée est née avec moi, je ne veux pas dire qu'elle soit toujours présente à ma pensée, mais j'entends seulement que j'ai en moi-même la faculté de la produire 3.

Au nombre des idées innées se rangent:

1o L'idée que j'ai de moi-même en tant que je suis une chose qui pense *;

2o L'idée de la substance en général, et en particulier de celle des corps 5;

3o L'idée de l'infini ou de Dieu 6. Cette idée ne peut me venir de l'enseignement, car à quelle source ceux qui me l'auraient transmise l'auraient-ils puisée eux-mêmes 7? Elle n'est pas une fiction de notre esprit, car nous ne pouvons pas y ajouter ou y retrancher à notre gré : si nous concevons en Dieu la science et la puissance infinie, nous ne pouvons y concevoir l'infinité du nombre et de la longueur 8, Privés des sens externes, nous aurions de Dieu la même idée qu'aujourd'hui et même une idée plus claire 9; les objets extérieurs peuvent être l'occasion à propos de laquelle notre esprit conçoit naturellement l'idée de Dieu, mais ils ne sont pas la cause efficiente de cette idée 10; l'infini n'est pas pour nous

4 Lettre XLVIII.

2 Troisième Méditation, 7.

5 Réponses aux troisièmes Objections, 52-35; lettre XXXVIII.

4 Méthode, quatrième partie, 6; seconde Méditation, 8.

5 Seconde Méditation, 11; troisième Méditation, 7; Principes de la philo sophie, première partie, 73; Réponses aux cinquièmes Objections, 16-18-25. 6 Méthode, quatrième partie, 6; seconde Méditation, 8.

7 Réponses aux secondes Objections, 12, et aux cinquièmes Objections, 26. 8 Idem, 15, 16.

9 Réponses aux cinquièmes Objections, 46.

10 Lettre XXXVIII, art. 14.

une simple négation du fini, au contraire toute limitation contient la négation de l'infini1; l'idée de l'infini précède celle du fini 2; ce n'est pas l'infini, mais l'indéfini qui est connu par la négation du fini3; l'indéfini est ce dont je n'aperçois pas les bornes, l'infini est ce dont je puis affirmer que les bornes n'existent pas; Dieu est seul pour moi infini, tout le reste est indéfini 4

4o Les idées d'étendue, de grandeur, de nombre, de figure, de situation, de mouvement et des figures géométriques ; car il n'y a pas dans la nature de figures régulières perceptibles aux sens : les figures géométriques sont les limites des substances 6;

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5o Les vérités qui ne sont rien hors de notre pensée, comme ces propositions: Rien ne se fait de rien : Je pense donc je suis : Ce qui a été fait ne peut pas n'avoir pas ěté fait; et les modes, qui ne sont que des manières dont nous considérons les choses, tels que le temps, le nombre, les cinq universaux de l'école 7; les universaux logiques, tels que le tout et la partie, le sujet et l'attribut, la cause et l'effet, etc., ne peuvent exister hors de notre pensée sans les substances, car le néant n'a pas d'attributs : il implique contradiction de supposer une durée sans un monde 8.

Il faut distinguer la lumière naturelle d'avec les inclinations de la nature; je ne saurais rien révoquer en doute de ce que m'enseigne la lumière naturelle, car je n'ai en moi aucune autre faculté ou puissance de distinguer le vrai d'avec le faux, et à l'aide de laquelle je puisse contrôler cette lumière. Pour ce qui est des inclinations qui semblent aussi m'être

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Lettre LII, no 3.

3 Lettre LXII, no 6.

4 Lettre XXVI; Principes de la philosophie, première partie, 27, 28; Rẻponses aux premières Objections, 9-11.

3 Réponses aux cinquièmes Objections, 55; cinquième Méditation, 1, 2; srième Méditation,

6

9.

Réponses aux cinquièmes Objections, 55, aux Instances, 16, aux sixiè es Objections, 12; Regulæ ad directionem ingenii, 116.

7

Principes de la philosophie, première partie, 48-71; sixième Méditation,

2014.

Lettre XXVIII.

naturelles, j'ai souvent remarqué, lorsqu'il était question de faire un choix entre les vertus et les vices, qu'elles ne m'ont pas moins porté au mal qu'au bien 1.

La lumière naturelle nous enseigne, indépendamment des vérités et des modes précédens, que la connaissance de l'entendement doit toujours précéder la détermination de la volonté 2.

La nature, et j'entends par ce mot la réunion de mon corps et de mon esprit, m'apprend par les perceptions des sens à fuir les choses qui me causent de la douleur, et à me porter vers celles qui me font avoir quelque sentiment de plaisir, mais elle ne m'enseigne rien sur l'existence des choses qui sont hors de nous; c'est à l'esprit seul, c'est-àdire à la lumière naturelle qu'il appartient de saisir l'existence des choses extérieures 3;

6o Enfin, toutes les idées qui ne contiennent ni négation ni affirmation; loin que les sens nous fournissent toutes nos idées, ils ne sont que le théâtre de quelques mouvemens corporels à l'occasion desquels l'esprit conçoit naturellement non-seulement les idées universelles, mais encore les idées de figure, de couleur, de son, d'odeur, de douleur 5, etc.: il est possible que l'aveugle ait la même idée que nous relativement à la couleur 6. Nous avons en nous certaines notions primitives, et toute la science humaine consiste à les bien distinguer les unes des autres et à en faire un ben emploi. Les unes sont applicables à l'esprit, les autres aux corps, les troisièmes à l'action de l'ame sur le corps. Quand nous considérons la pesanteur comme un corps, nous prenons une notion du troisième genre pour une notion du second, c'est-à-dire que nous appliquons à la matière une idée qui nous a été donnée pour connaître l'action de l'ame

1 Troisième Méditation, no 9; sixième Méditation, no 6, à la fin.

• Quatrième Méditation, no 11, à la fin.

3 Sixième Méditation, no 14.

4 Lettre LXIX, à la fin.

3 Lettre XXXVIII, art. 15; Principes de la philosophie, seconde partie

art. 1er.

6 Lettre LXII, n* 12.

sur le corps 1. Si nous gardons bien les limites de ces idées naturelles, nous rejetterons les formes substantielles de l'école 2; la superficie d'un corps ne sera pour nous que la limite du mouvement de ses particules 5; la terre, les cieux et tous les mondes nous paraîtront faits d'une même matière, c'est-à-dire de l'étendue; les corps différeront entre eux uniquement par la situation et le mouvement de leurs parties; nous ne prendrons pas le mouvement et la figure pour des substances; l'étendue, le corps et l'espace seront pour nous une seule et même chose : l'étendue étant un espace supposé mobile, et l'espace une étendue ou un corps supposé immobile 5; nous ne définirons pas le corps par la tangibilité, car il y a des corps intangibles 6; nous n'admettrons point de vide dans la nature: ce qu'on appelle ainsi étant un vrai corps, dépouillé seulement des qualités qui ne lui sont pas essentielles, mais possédant encore l'impénétrabilité et l'indivisibilité ?; nous jugerons le monde non pas infini, mais indéfini, parce que nous ne pouvons pas ne pas concevoir d'étendue au-delà des bornes supposées du monde, et enfin nous reconnaîtrons la divisibilité, sinon infinie, du moins indéfinie de la matière : n'affirmant pas que le terme de la division échappe à la puissance de Dieu, quoique notre pensée ne puisse l'atteindre 9.

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Il n'y a chez l'enfant que des sensations confuses, et point d'intellection pure 10.

Dans l'autre vie nous connaîtrons Dieu par une intuition qui différera de nos procédés actuels de connaissance 11,

1 Lettre XVIII.

Lettre XXXV.

3 Réponses aux quatrièmes Objections, 69-78.

♦ Principes de la philosophie, seconde partie, 22-25; lettre XXIV.

* Idem, 10-13; lettre XXVI, art. 2; lettre XXXVII; Regulæ ad directionem ingenii, no 116.

6 Lettres XXVI-XXVIII.

7 Lettres XXX-LVI-LVIII; Principes de la philosophie, seconde partie, 16-19; Regulæ ad directionem ingenii, 115.

8 Lettres XXIII-XXVIII; Principes de la philosophie, seconde partie, 21, et troisième partie, 1,

9 Lettre XXVI; Principes de la philosophie, seconde partie, 20.

10 Lettre LVI.

11 Lettre LXXVI.

DESCARTES, T. I.

h

Des idées adventices.

sens

Les exemples que Descartes donne de ces idées sont: l'audition de quelque bruit, la vue du soleil, le sentiment de la chaleur 1; mais comme il dit ailleurs 2 les que ne nous fournissent aucune idée et qu'ils sont seulement le théâtre de quelques mouvemens corporels à l'occasion desquels l'esprit conçoit naturellement l'idée des sons, des couleurs, etc., les idées adventices ne sont donc que celles des idées innées qui se forment en nous à l'occasion du mouvement des nerfs suscité par le mouvement des objets matériels. Seulement, dans ce cas, l'entendement, étant mis en action par les mouvemens corporels et par la réflexion de l'ame sur le cerveau, ne prendrait pas le nom d'intellection pure, comme nous l'avons vu au commencement de ce paragraphe.

Des idées factices.

Au nombre de ces idées Descartes range celles des sirènes et des hippogriffes; le caractère de ces idées est qu'elles dépendent de notre volonté, et que nous pouvons y retrancher ou y ajouter à notre gré 4. Ces idées se forment donc de la combinaison des idées adventices et des idées innées 5.

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Pour qu'il y ait mémoire il ne suffit pas que l'objet se représente à l'esprit, il est besoin que nous le reconnaissions comme s'y étant déjà présenté.

Or, pour que cette reconnaissance ait lieu, il faut que, lors de l'acquisition primitive de l'idée, non-seulement l'objet imprime des traces dans le cerveau, ce qui est un phénomène du ressort des sens extérieurs, mais encore que

• Troisième Méditation, no 7.

× Lettre XXXVIII, art. 15; Principes de la philosophie, seconde partie,

art. 1er.

Troisième Méditation, no 7.

↳ Ibid., no 8; Passions de l'ame, première partie, 20.

$ Troisième Méditation, no 13.

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